Été noir. Encore. Après l’énorme shitstorm (justifiée !) à laquelle la société française a dû faire face l’été dernier, les choses semblaient se calmer pour Ubisoft, avec un Assassin’s Creed Valhalla plutôt très bien accueilli, la préparation du lancement de Far Cry 6 en grandes pompes, et des projets qui, s’ils ne nous ont pas forcément exactement tous enthousiasmés, témoignent toutefois d’une forme de dynamisme retrouvé.
C’était sans compter sur la loi de l’emmerdement maximum (souvent appelée à tort « Loi de Murphy », qui correspond plus à l’idée que la tartine tombera toujours du côté de la confiture). Ainsi, après que le syndicat Solidaires Informatique a décidé de conduire une action collective pour les faits de harcèlement dénoncés l’an dernier (voir notre article), c’est une cascade de mauvaises nouvelles qui s’est abattue sur les studios.
Assassin’s Creed perd (encore) un de ses papas
Peut-être en partie à cause de ces affaires, un artiste historique de chez Ubi a annoncé sa démission. Un coup de tonnerre pour la société puisqu’il s’agit d’un fidèle parmi les fidèles, Raphael Lacoste, présent dans l’entreprise depuis seize ans, et ayant notamment travaillé comme directeur artistique sur la série Assassin’s Creed depuis le tout premier épisode.
Lacoste ne précise pas les raisons de son départ, si ce n’est qu’il est temps pour lui de relever de nouveaux défis. Des commentateurs pensent que le fait que Yves Guillemot, à la tête du groupe, s’en soit tiré à si bon compte après les affaires de l’été 2020 aurait pu dégoûter certains collaborateurs. D’autres évoquent le fait qu’Ubisoft fait face à une concurrence sévère de très gros studios, à côté desquels il a des difficultés à rester attractif notamment en termes de salaires… On sait désormais que ce n’est pas le motif qui a poussé R. Lacoste à partir, puisqu’il rejoint le studio indé de Jade Raymond, Haven.
Le squelette dans le placard
Emmerdement maximum, encore, avec Skull & Bones. La semaine commençait pourtant plutôt bien pour Ubi et son jeu de pirates, puisque la société a déclaré que le titre passait en alpha. Cool, le projet n’est donc pas oublié, et toujours dans les cartons. Sera-t-il prêt avant 2050 ? C’est une autre histoire… D’autant que ce n’est pas la seule raison qui a mis le jeu sur le devant de la scène ces derniers jours. Une vingtaine de développeurs ou de personnes « liées au jeu » ont pu témoigner auprès des journalistes de Kotaku à quel point le développement de Skull & Bones était un enfer, une sorte de gouffre sans fond à la fois pour les personnels, mais aussi pour la société.
« Après des années de développement, des questions clés concernant la conception de base du jeu n’ont toujours pas été résolues », écrit pour Kotaku Ethan Gach. « Tout le monde sait à quoi doit ressembler un jeu Ubisoft, ajoute l’un des développeurs interrogés, et là, simplement, on n’y est pas ». « Personne ne veut reconnaître qu’ils ont merdé », peut-on encore lire dans l’article.
“No one wants to admit they fucked up,” said one developer. – extrait de l’article d’Ethan Gach pour Kotaku
Les raisons sont multiples, à commencer par un manque criant de vision et de management. En huit ans, trois directeurs créatifs se sont succédé, et le projet a été redémarré de zéro plusieurs fois. Les équipes sont découragées et exténuées.
On imagine à peu près les mêmes problématiques chez les développeurs de Beyond Good & Evil 2, autre gouffre sans fond, et autre jeu qu’on imaginait bien mis de côté jusqu’à ce qu’on l’oublie… Pourtant, là encore, le directeur financier d’Ubisoft a déclaré lors d’une présentation des résultats trimestriels de l’entreprise que « le projet avançait bien, mais qu’il était encore trop tôt pour en dire plus ». Ce qu’on peut comprendre, puisque le titre n’a été annoncé qu’il y a TREIZE ans !! Les joueurs qui sont dans la team Verre-À-Moitié-Plein se satisferont de l’info assurant que le jeu n’a pas été abandonné. La team Verre-À-Moitié-Vide imagineront que le jeu a désormais coûté beaucoup trop cher pour être simplement annulé…
Quand ça ne veut pas…
Enfin, pour enfoncer le clou, on apprend aussi ces derniers jours l’abandon du jeu mobile Elite Squad, dont les serveurs fermeront le 4 octobre prochain, à peine un an après son lancement. Le jeu, un gacha plutôt basique, n’a jamais réussi à attirer suffisamment de joueurs. Pas de quoi refroidir Ubisoft, pourtant, qui s’apprête à relancer un autre free-to-play basé sur les licences Tom Clancy…
On espère vraiment que la société va faire le ménage dans ce gloubi-boulga de comportements problématiques, de décisions incohérentes et autres dénégations. On souhaite évidemment que les équipes de chez Ubisoft puissent continuer à nous livrer des titres à la hauteur de ce qu’ils savent faire quand on le leur permet : des titres comme Assassin’s Creed Valhalla, ou même un Phenyx Rising, qui n’a pas eu la presse qu’il méritait… Mais ? Ah, il y aurait aussi des soucis divers et variés chez Ubisoft Singapore (toujours d’après Kotaku), qui a développé Phenyx et Valhalla, où les équipes françaises se comporteraient en véritables colonisateurs (racisme, employés locaux sous-payés…). Décidément…