L’histoire récente de Creative Assembly ressemble à une fable aussi vieille que le monde : il était une fois un studio britannique qui était si bon dans ce qu’il faisait qu’il en a crée son propre genre, puis, plus tard, se reposa sur ses lauriers et arrêta d’innover. Le menant au désamour des fans et à sa chute. Fin. Car, avec l’adaptation en trilogie de Warhammer Fantasy Battle, CA avait non seulement trouvé une formule idéale, mais aussi séduit l’énorme fanbase des franchises de Games Workshop. Le but étant alors d’essayer de fidéliser ces nouveaux joueurs pour les Total War suivants, une fois la trilogie Warhammer arrivée à sa conclusion.
Seulement voilà, à se contenter de garder la même formule en pensant qu’un succès passé autorise à s’épargner efforts et investissements pour les succès futurs, on se retrouve avec un résultat prévisible : des titres qui se ressemblent les uns les autres, une expérience trop similaire d’un titre à l’autre, peu d’innovation (voire même une sensation de downgrade général), peu de dépaysement, la sensation d’être face à des reskins, bref, nous sommes loin de la prise de risque qui a mené à Three Kingdoms.
Tant et si bien que ce dernier donne toujours le sentiment d’être le plus récent des Total War, malgré qu’il soit désormais vieux de 3 ans, et que dans le même temps, l’inattendu Total War: Pharaoh s’est retrouvé momifié et oublié dès sa sortie. Ironie de l’histoire pour un jeu mettant en avant Hatchepsout, celle-ci devant contempler la damnatio memoriae qui accable le dernier titre de CA Sofia, en plus de la sienne.
En parallèle, et profitant de ses ventes exceptionnelles avec les Warhammer et Three Kingdoms, les britanniques d’Horsham s’étaient alors lancés dans un projet qui devait introduire le studio dans un nouveau genre de jeu : l’arène impitoyable des FPS multijoueurs compétitifs, où HYENAS devait se tailler sa place à grands coups de crocs. Sur le papier du moins.
Car, malheureusement, ce jeu au développement chaotique s’est avéré être un gouffre financier dont la profondeur a de quoi faire pâlir le tonneau des Danaïdes. D’après de multiples sources, HYENAS aurait ainsi été le jeu le plus coûteux jamais édité par SEGA, sans doute l’un de ses « Super Games » dont il était question en 2021.
Il faut dire que HYENAS partait avec de nombreux handicaps : il fallait s’en prendre aux mastodontes du genre, parmi lesquels un Overwatch 2, un Valorant, et autres Apex. Soit des franchises déjà bien établies avec une communauté relativement loyale ; mais aussi préparer cette intrusion avec le management de Creative Assembly dont les témoignages d’anciens employés ne manquent pas pour dénoncer des cadres incompétents et indéboulonnables.
Nous sommes donc dans cette curieuse situation où l’avenir des Total War paraît compromis, d’autant que Pharaoh a été présenté comme le prochain jeu historique majeur et que la poule aux œufs d’or que représente Warhammer III a tant été plumé sans la moindre once vergogne par CA qu’elle ne semble plus capable de produire quoi que ce soit, comme un âge d’or passé qui s’éloigne inexorablement tandis que l’on se questionne sur l’énorme gâchis qui a mené à sa fin.
En l’espace de quelques années, Creative Assembly a détruit tout ce qu’il était parvenu à construire et s’est largement aliéné une partie de la communauté des fans, ce qui est paradoxal pour un studio en situation de monopole absolu sur un genre qu’il a crée et servi par des légions de community managers fantômes.
Quelle (mauvaise) leçon allait être tirée du désastre Pharaoh ? Le management de CA et de SEGA allait il en conclure que plus personne n’est intéressé par les Total War historiques ? Dans un contexte économique où les grands groupes n’hésitent plus à supprimer certains studios légendaires de leur portefeuille, tel Volition et Free Radical Design, on se demandait si l’aventure Total War allait se terminer.
Et curieusement, le salut pour la franchise des Total War vient de SEGA. En quelques semaines, l’éditeur nippon a annulé purement et simplement HYENAS, imposé des changements au sein du management de Creative Assembly (dont le controversé Rob Bartholomew en a fais les frais), procédé à des licenciements massifs (partiellement consécutifs à une politique d’embauches massives durant la pandémie) et recommande désormais au studio d’Horsham de revenir aux fondamentaux. En témoignent ces quelques mots du PDG de SEGA, Haruki Satomi, à l’occasion du bilan financier de novembre :
« Chaque studio possèdes ses forces et ses faiblesses, mais les vents favorables de la période pré-pandémique, associée à une excellente performance individuelle de plusieurs jeux, nous a conduit à une stratégie d’accélération et notamment vers des genres dans lesquels ces studios n’ont pas d’expérience. Certains studios ont réussi, d’autres non. C’est pourquoi nous avons décidé de nous recentrer sur les points forts de chaque studio. Pour le dire simplement, Creative Assembly excellait dans le genre des jeux de stratégie hors-ligne, mais le studio s’est challengé en décidant de développer un jeu multijoueur dans le genre des FPS ».
Autrement dit, SEGA a mis fin à divers projets en cours jugés trop orthodoxes pour l’ADN du studio, et largement contraint Creative Assembly à ne s’occuper que de Total War, du moins à moyen terme (voire, éventuellement, une suite pour Alien: Isolation et Halo Wars 2 qui ont rencontré un succès critique mais des ventes décevantes).
En dépit des désastres HYENAS et Pharaoh, on peut se réjouir de savoir que Creative Assembly va continuer à produire des Total War mais aussi, et surtout, que désormais SEGA compte bien avoir son mot à dire dans le management interne du studio britannique. Le regard critique des joueurs et leurs complaintes ne pèsent guère face aux motivations financières d’un studio ; tandis que le regard inquisiteur de l’éditeur japonais peut à lui seul faire chuter des managers incompétents à Horsham. Le soleil continue de briller au-dessus des Total War, cependant il est désormais rouge vif.
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