La presse jeu vidéo est moribonde, mais pas encore abattue, et bien que très affaiblie, on la voit qui bouge encore. Reste à savoir s’il s’agit de signes de vie ou de reflexes post mortem… Pour Gamekult, hélas, c’est la seconde option qui semble se profiler. Le magazine francophone de référence, appartenant à un groupement de média anciennement détenu par TF1, est devenu la propriété de ReWorld à l’hiver 2022 lorsque ce dernier à racheté un package de sites web à la première chaîne.
L’équipe éditoriale historique a dans sa grande majorité démissionné, laissant place à une nouvelle rédaction qui depuis, semblait faire le taf avec certes, moins d’enquêtes, moins de « vrai » journalisme de terrain, mais un contenu qui continuait de tenir la route, et n’était pas encore tombé au niveau d’un jeuvideo.com, pour ne pas le citer (on vous conseille d’ailleurs l’excellent papier « Ma famille et moi ne manquons plus jamais de frite avec la Air Fryer Ninja Foodi Flex AF500EU et ses gigantesques 10,4 L de volume ». C’est le véritable titre de l’article, faute de grammaire incluse.).
C’était jusqu’à il y a peu. Un rédacteur du Gamekult actuel s’est exprimé sur X pour décrire ce qu’il se passait au sein de la rédaction depuis quelques semaines : plus aucun test, plus de contenu vidéo, et surtout plus de contenu « premium » réservé aux abonnés payant qui continuent pourtant de verser leurs mensualités. Rien d’étonnant en soi, cela se passe malheureusement « comme prévu », mais ça reste extrêmement triste pour l’équipe en place qui a pu y croire.
Salut, vous avez deux minutes pour évoquer @Gamekult ?
Cela fait maintenant plus d'un mois qu'aucun test n'est paru sur le site et que nous, journalistes, devons les remplacer par des contenus éditoriaux (les "ultimes bafouilles", nom glorieux trouvé par notre RC).
— Cael (@cael_presse) May 21, 2024
Par ailleurs, et toujours dans le champ des gros qui mangent les petits, IGN vient d’acquérir le groupe Gamer Network, qui détient tout un tas de magazines JV, dont certains qui restaient parmi les petits derniers à produire encore du contenu rédactionnel de qualité. Il s’agit notamment de la référence GamesIndustry.biz, mais aussi d’Eurogamer, Rock Paper Shotgun, VG247…
Alors on pourrait penser que c’est une bonne nouvelle, que cela pourrait sécuriser ces différents titres dans une période où la presse est en grande difficulté, et d’autant plus la presse gratuite. Cependant, on peut se demander si l’entreprise à la tête de tout ce beau monde va laisser cohabiter des titres qui peuvent « faire doublon » (la réponse étant probablement non, il faut s’attendre à voir disparaître certains titres et voir une partie de leur rédaction migrer vers d’autres journaux ; une partie seulement…).
On peut aussi s’inquiéter des virages éditoriaux que pourraient subir ces parutions, IGN n’étant pas le plus regardant quant à l’indépendance. Le titre s’est ainsi complètement mis au service de Microsoft récemment pour le ID@Xbox Game Showcase. Dans le mélange des genres, on n’est pas mal !
Enfin, au milieu de ces mauvaises nouvelles, on en a quand même déniché une bonne. Ou pas. Rolling Stone, le magazine consacré à la pop culture en général, et la musique en particulier, paraissant depuis 1967 (1988 en France), ouvre à nouveau ses colonnes au jeu vidéo avec la section RS Gaming. Le NME, autre organe de presse musicale de référence (mais britannique) a lui aussi ouvert il y a quelques temps ses pages au jeu vidéo, et propose régulièrement des textes pertinents et de qualité.
Cette nouvelle section du magazine Rolling Stone s’ouvre en partenariat avec ESL FACEIT Group, une structure qui se concentre notamment sur l’esport, et qui appartient à Savvy Games Group. Ce dernier est financé directement par la couronne d’Arabie Saoudite via le PIF, le Public Investment Fund, dirigé par le sulfureux Mohammed Ben Salmane.
Outre la diversification économique visant à anticiper la chute de l’exploitation pétrolière, on sait que les investissements dans la pop culture (anime, jeux vidéo…) visent aussi à tenter d’asseoir un soft power saoudien. Cela va-t-il se ressentir dans les pages de RS Gaming ? L’avenir nous le dira. Bien que très récente, la section est déjà bien alimentée, et possède par exemple une critique de Hellblade II : Senua’s Saga qui n’échappe pas aux travers que l’on mentionnait dans notre édito…
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