Moon Studios traverse une crise après le lancement chaotique de No Rest for the Wicked et de sa dernière mise à jour. Bugs, critiques et communication déplorable mettent de nouveau en lumière les fragilités du studio et les tensions autour de son fondateur, Thomas Mahler.
Fondé en 2010, le studio autrichien, sous l’égide de Microsoft, perce avec Ori and the Blind Forest, puis confirme avec sa suite Ori and Will of the Wisps. Une direction artistique marquante et un gameplay précis. Un succès critique et commercial. Une organisation sans bureaux, composé d’artistes répartis sur plusieurs continents.
Mais, le studio, et notamment ses deux directeurs, Thomas Mahler et dans une moindre mesure Gennadiy Korol, ne dressent pas qu’un tableau artistique sans taches d’huile. En 2022, paraissait un article signé Dean Takahashi pour GamesBeat, qui décrivait la récurrence des propos toxiques, racistes, antisémites, sexistes, homophobes ainsi qu’une culture de l’intimidation à l’égard de ses employés. Des pratiques qui auraient fait fuir un nombre important de collaborateurs et certainement dissuadé Microsoft de renouveler l’expérience en prenant définitivement ses distances après la sortie du second Ori. Un temps sous la houlette d’une filiale de Take-two, le studio récupère finalement, en mars 2025, les droits d’édition de son No Rest for the Wicked, devenant ainsi totalement indépendant.
En avril 2024, No Rest for the Wicked entre donc en accès anticipé. Le titre marque un tournant pour Moon Studios. Fini l’univers féerique d’Ori. Le studio opte pour un jeu d’action rude, au ton plus cru. Le changement intrigue. Il divise aussi. Un an plus tard, le mois dernier, une mise à jour importante, baptisée The Breach, déclenche une vague de critiques. Le jeu est visé par un review bombing sur Steam. Note en chute libre. Réactions en cascade.
No Rest for the Wicked change la donne. Nouvel univers. Autres mécaniques. Un action-RPG exigeant. Combats punitifs. Ambiance médiévale. Le studio mise sur un autre public. Le choix de l’accès anticipé s’inscrit dans une logique d’ouverture. Écouter les retours. Ajuster en temps réel. Mais cette stratégie expose aussi à des critiques immédiates. Problème de taille : la communication n’est visiblement pas le point fort de Thomas Mahler.
The Breach, dernière mise à jour, arrive fin avril 2025, un an après l’accès anticipé. L’intention est évidemment louable : étoffer le contenu, améliorer l’équilibre, corriger des bugs. Dans les faits, le patch pose problème. Des sauvegardes disparaissent. Des dizaines d’heures de progression perdues pour certains. Des performances en baisse. Des crashs fréquents, surtout sur machines moyennes, etc.
Les forums s’enflamment. Les évaluations négatives se multiplient. Un signal préoccupant pour un jeu encore en développement. La difficulté du jeu est aussi pointée du doigt. Ennemis plus agressifs. Mécaniques de survie alourdies. Des choix jugés déséquilibrés. La mise à jour divise même les joueurs les plus assidus.
Face au tollé, Thomas Mahler, directeur créatif, sort du silence. Il s’adresse directement aux joueurs sur Discord. Ton direct. L’avertissement est clair. “Il est tout à fait possible que nous ne soyons plus là dans quelques mois.” La déclaration frappe. Elle traduit une tension. Une inquiétude. Mahler appelle les joueurs satisfaits à laisser des avis positifs. Objectif : faire monter la note Steam. Et par là, soutenir les ventes. Le message circule vite. Il est repris sur les réseaux, commenté dans les médias. Certains y voient un appel sincère. D’autres, à l’image du personnage, dénoncent une tentative de pression. La ligne entre franchise et ultimatum semble floue.
L’appel a cependant un effet immédiat. Des évaluations positives apparaissent et la note se stabilise. La communauté se mobilise mais la démarche soulève un malaise. Peut-on demander des avis favorables pendant une crise technique ? Certains joueurs se disent pris au piège. D’autres répondent présents, par attachement au projet. Peu après, Mahler clarifie ses propos et nuance. Le studio n’est pas en danger immédiat. Mais une mauvaise image pourrait compromettre l’avenir du jeu. Une clarification rassurante mais tardive. Le ton se veut apaisant mais le mal est fait. La tension reste palpable. L’épisode a laissé des traces.
Le cas Moon Studios rappelle une vérité. Dans l’environnement des indépendants, encore plus qu’ailleurs, chaque évaluation compte. La perception publique influence directement les ventes. Et les ventes conditionnent la survie. La communication devient un exercice d’équilibriste. Trop froid, le studio semble distant. Trop alarmiste, il perd en crédibilité. le studio navigue à vue, entre soutien communautaire et pression économique. Dans ce marasme, No Rest for the Wicked continue son développement. Mais le pari reste fragile. Et le moindre faux pas peut coûter cher. L’affaire Moon Studios rappelle que même les studios établis restent vulnérables. Un lancement raté, une mise à jour contestée, et c’est tout l’échiquier qui vacille.
La crise autour de Wicked n’est évidemment pas la première zone de turbulences pour Thomas Mahler. Déjà critiqué pour ses méthodes de management, accusé d’avoir instauré un climat de travail toxique au sein de Moon Studios, le fondateur semble rejouer en boucle le même schéma : tension mal dirigée, communication à vif, réactions publiques explosives. À chaque fois, la pression monte, l’émotion déborde, et la communication devient un champ de ruines.
Le génie créatif et la franchise déplacée qui ont longtemps forgé sa réputation deviennent aussi ses angles morts. C’est peut-être là le revers de la médaille : sous pressions, derrière la figure du créateur passionné, un management déplorable, une succession de paroles mal cadrées, et des décisions qui fragilisent tout un projet. Les nerfs à vifs, le jeu vacille, tout le studio aussi.
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Léo Delacroix
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