Nintendo a récemment annoncé qu’un jeu rétro allait être retiré de son service Nintendo Switch Online. Le titre en question, Super Formation Soccer (plutôt connu sous le nom de Super Soccer par nos contrées), ne sera plus accessible aux États-Unis et en Europe à partir du 28 mars 2025, y compris pour les joueurs qui l’avaient déjà téléchargé. C’est la première fois qu’un jeu est retiré de la bibliothèque rétro du Nintendo Switch Online, ravivant une fois de plus les inquiétudes persistantes sur la préservation du patrimoine vidéoludique.
Une première suppression qui relance le débat
Jusqu’à présent, le Nintendo Switch Online ajoutait régulièrement des jeux classiques issus des consoles NES, SNES, Game Boy, Nintendo 64, Sega Mega Drive et Game Boy Advance. Contrairement à des services comme le PlayStation Plus ou le Xbox Game Pass, les jeux rétro de Nintendo restaient accessibles de manière permanente après leur ajout. Ce retrait marque donc un tournant et pourrait être le signe d’une politique plus fluctuante de Nintendo vis-à-vis de son catalogue rétro.
L’une des raisons probables de cette suppression serait un problème de droits liés à l’éditeur d’origine, Spike Chunsoft. Cela met en lumière un problème plus large : la conservation du jeu vidéo, un sujet revenant souvent sur le devant de la scène et dont l’importance est souvent sous-estimé, voir complètement ignoré, poussant de plus en plus à l’émulation, qui, bien qu’étant une alternative pour ceux souhaitant découvrir des titres historiques rarement accessibles, reste illégale et loin d’être idéale. Il incombe aux éditeurs de trouver des solutions durables pour la preservation de leurs catalogues, et non aux joueurs.
Le patrimoine du jeu vidéo une énième fois en danger
Contrairement au cinéma et à la musique, où les œuvres sont régulièrement rééditées ou restaurées sous des formats plus performants (Blu-ray 4K, remasters audio, rééditions vinyles, etc.), le jeu vidéo souffre d’une véritable crise de conservation. Les titres rétro deviennent de plus en plus difficiles à se procurer légalement, laissant la place à un marché secondaire où certaines cartouches ou CD atteignent des prix totalement exorbitants.
Les films anciens, en particulier ceux qui ont marqué l’histoire du cinéma, font souvent l’objet de recherches et de restaurations minutieuses, y compris lorsqu’ils étaient considérés comme perdus. Par exemple, Metropolis de Fritz Lang est longtemps resté incomplet, certaines bobines ayant disparu ou été dispersées aux quatre coins du monde. Ce n’est qu’après la découverte de copies éparses que le métrage a pu être reconstitué dans une version quasi-intégrale.
Le jeu vidéo, en revanche, ne bénéficie pas du même traitement ; de nombreux titres des débuts de l’industrie sont aujourd’hui inaccessibles, et même certains jeux plus récents peuvent disparaître du jour au lendemain, faute de support officiel (on se souvient notamment de la fermeture très controversée des serveurs de The Crew par Ubisoft l’an dernier, qui a rendu le jeu totalement injouable, aussi bien pour les joueurs possédant une version dématérialisée que pour ceux ayant une copie physique).
Et la situation ne fait qu’empirer à mesure que l’industrie pousse vers le tout-dématérialisé. L’annonce récente de la mise en vente de Micromania par GameStop en est un symptôme frappant : si l’enseigne spécialisée dans les jeux vidéo physiques venait à disparaître, cela rendrait encore l’achat de copies physiques, qu’il s’agisse de titres récents ou anciens, plus difficile et marginal. Cette tendance, qui touche également l’industrie du cinéma avec la fermeture progressive de boutiques de DVD et Blu-ray, menace à long terme la préservation de l’histoire du jeu vidéo.
Contrairement aux films et albums, qui peuvent être copiés et restaurés relativement facilement, un jeu vidéo est un objet interactif, dépendant d’un matériel spécifique, souvent fragile, et d’une compatibilité logicielle qui s’effrite au fil du temps. Le résultat est une conservation catastrophique, où se procurer des morceaux d’histoire devient un luxe réservé aux collectionneurs fortunés.
Là où un cinéphile peut encore se procurer des classiques restaurés sans aucun problème, un joueur souhaitant rejouer à des œuvres majeures comme Panzer Dragoon Saga doit aujourd’hui débourser plusieurs centaines, voire milliers d’euros. Se lancer dans une collection des titres majeurs des cinquante dernières années de notre médium préféré relèvera davantage de l’archéologie et de la traque aux enchères hors de prix que d’un simple passe-temps destiné à remplir une étagère près de la cheminée.
Nintendo commencerait-il à abandonner progressivement son héritage vidéoludique ?
La question se pose : Nintendo commence-t-il lui aussi à délaisser l’idée de préserver son héritage vidéoludique à tout prix ? Après l’arrêt de la Virtual Console, qui permettait d’acheter individuellement des jeux rétro, le modèle par abonnement de Switch Online semblait être une alternative durable et un compromis satisfaisant. Mais cette première suppression pourrait être un signe que Nintendo ne considère pas ces jeux comme des éléments permanents de son service, et surtout, qu’ils peuvent être retirés sans préavis, selon les décisions de l’entreprise.
Cela remet en question la promesse de ce service, qui, contrairement à la concurrence, garantissait la disponibilité indéfinie des titres. Une énième fois, cela prouve qu’il ne faut jamais prendre les paroles d’un studio, quel qu’il soit, pour acquises.
Si d’autres jeux venaient à disparaître, cela pourrait accentuer le sentiment d’incertitude quant à l’accessibilité du patrimoine vidéoludique à long terme ; La conservation des jeux vidéo reste un défi majeur pour l’industrie, et l’attitude des grandes entreprises comme Nintendo sera déterminante pour l’avenir de cet héritage numérique… En tous cas, pour nous, gamers, le jour où nous pourrons enfin profiter sereinement d’une belle bibliothèque numérique, remplie de jeux marquants et à l’abri de tout retrait forcé, semble encore bien loin d’arriver.
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