Vous n’êtes pas sans savoir que Netflix a décidé d’avoir sa part du gâteau du jeu vidéo mondial. Cela fait déjà plusieurs années que la plateforme a prouvé qu’elle s’intéressait à l’interactivité des programmes. L’expérience plus ou moins convaincante de Black Mirror Bandersnatch en est la preuve. On peut ajouter à ça les multiples adaptations en séries animées de licences du jeu vidéo qui passent par la moulinette Netflix : Castlevania, The Witcher, Tomb Raider (bientôt), Resident Evil…
Ni histoire d’amour, ni histoire de haine, le N rouge et le jeu vidéo, c’est plutôt une histoire assez étrange. Il est assez aisé de voir la volonté de Netflix, et de percevoir ses velléités de venir titiller le milieu (en tout bien tout honneur), mais en étant parfaitement réaliste et honnête, on ne voit pas vraiment où la firme veut en venir.
Preuve de sa volonté de faire les choses sérieusement, Netflix a engagé Mike Verdu, en tant que vice-président du département « développement des jeux ». Il faut savoir que le bonhomme n’est pas un nouveau-venu puisqu’il a déjà travaillé pour Electronic Arts et Facebook et qu’il a été en charge du développement de l’Oculus, le casque de réalité virtuelle de Facebook. Dernièrement, la firme a ajouté à son équipe Amir Rahimi, anciennement producteur chez Electronic Arts, au poste de vice-président des studios de développement.
Après plusieurs mois voire années de rumeurs en tout genre, ça y est, Netflix a lancé son service de jeux vidéo. N’importe quel abonné chez Tudum va donc pouvoir profiter des jeux mis en ligne par la plateforme, et ce sans aucun surcoût et sans aucun abonnement supplémentaire. Cependant, il faut bien avouer que ce n’est pas vraiment réjouissant pour le moment.
Seuls sept jeux sont disponibles à l’heure actuelle : Stranger Things 1984 et Stranger Things 3, deux titres inspirés de la licence phare de Netflix, et qui confondent hommage aux années 16 bits et fainéantise de développement, Shooting Hoops, un jeu de basket, Card Blast, un jeu de cartes générique au possible, et Teeter up, un jeu de billes à faire évoluer dans un parcours d’obstacles. À ces cinq premiers titres, Netflix vient d’ajouter Bowling Ballers et Asphalt Xtreme. On oscille donc entre le « mouais » et le « bof » face à un catalogue famélique de piètre qualité. Ce qui ne fait que soulever encore plus de questions quant aux intentions de Netflix.
Lorsqu’on essaie de lancer un nouveau service, en général, la règle marketing de base veut que l’on tente de proposer des produits forts pour pouvoir avoir un impact important, et marquer les esprits afin d’alpaguer le client. Sauf que là, ce n’est clairement pas le cas. Difficile de savoir où va Netflix avec cette proposition. Si le géant américain veut vraiment s’imposer dans ce domaine très concurrentiel, où le streaming trouve petit à petit sa place (on pense surtout au Game Pass et on rigole bien en pensant à Stadia), il va bien falloir que Netflix frappe un grand coup. Le fait d’avoir lancé des titres si peu engageants ne peut que laisser penser que la plateforme aurait revu ses ambitions à la baisse.
Certes, il est de notoriété publique que Netflix est en train d’investir dans l’acquisition de plusieurs studios et des équipes de développement avec de l’expérience. Mike Verdu avait déclaré que Netflix souhaitait travailler avec de grands talents du secteur du jeu vidéo pour élaborer des jeux exclusifs à la plateforme et destinés à des joueurs de tous les types et tous les niveaux. Le premier studio tombé dans son giron fut Night School studio, les créateurs d’Oxenfree, un excellent jeu à la X-Files qui, pour le coup, aurait parfaitement trouvé sa place dans la ligne éditoriale du N rouge…
En réalité, la démarche actuelle de Netflix soulève plusieurs problématiques connexes. Tout d’abord, où est-ce que Netflix va sur le long terme ? Est-ce que la firme va se contenter de produire du jeu mobile, des produits pour la plupart vite produits et vite consommés ? Ou est-ce qu’à terme, son but est de développer des titres sur grand écran, hors mobiles, sur PC, Smart TV ou autre. Dans ce cas, se pose alors la question de la compatibilité manette par exemple, ou du développement de plateformes de jeux spécifiques (ce qui ne semble pas être la volonté de la firme), ou de l’adaptation de leur plateforme actuelle. Enfin, sur quel modèle technique cela va fonctionner : est-ce qu’il s’agira de streaming ou de jeux en cloud ? Autre question autrement plus importante : en ce qui concerne la rémunération des auteurs, comment Netflix prévoit de rémunérer les studios qui auront signé avec eux ?
Outre cet état des lieux, on peut également se demander si Netflix a vraiment sa place sur le terrain du jeu vidéo. Certes, cette industrie brasse des centaines de milliards de dollars par an et attire donc ceux qui veulent leur part du gâteau. Mais c’est aussi un domaine assez fermé, où peu de constructeurs arrivent à avoir leur part de cake, et où même de très grandes marques se sont cassé les dents en essayant de s’y incruster. Vous vous souvenez de la Pippin d’Apple ? Nous non plus.
On pense aussi au dernier fiasco en date : celui de Stadia. Le fait d’être l’une des entreprises les plus puissantes du marché n’a pas empêché Google de se louper totalement, et ce bien qu’ils aient signé de grands studios, aient a priori prévu des exclusivités et aient même une Jade Raymond enthousiasmée par la console… Mais cela n’a pas suffi, et Stadia n’a convaincu personne.
Est-ce que Netflix essaie d’y aller à tâtons pour ne pas réitérer le fiasco de Google ? Ou alors est-ce qu’ils ont lancé leur service trop tôt et qu’ils vont s’enfermer d’eux-mêmes dans un schéma de petits jeux-produits dérivés de leurs séries propriétaires ?
Officiellement, Netflix devrait se lancer sérieusement dans des « gros jeux » à compter de début 2022. Sauf que début 2022, c’est demain, et qu’on n’a aucune nouvelle d’une éventuelle grosse annonce ou d’un éventuel gros produit que Netflix pourrait mettre en avant pour inciter les joueurs à se tourner vers leur proposition de gaming. Séduire les gamers (au sens large, sans notion de « hardcore gamer » ou autres) est une affaire extrêmement compliquée. Difficile de penser qu’un Stranger Things façon 16 bits, ou qu’un « Squid Game The Game » (oui, c’était facile) puisse amener les joueurs attachés à leurs PlayStation, Xbox, PC ou Switch à allumer leur écran en se disant « je vais faire une petite partie de Netflix ».
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