C’est au mois de mai que nous vous servions un premier retour sur cette nouvelle série tout droit sortie de chez Kazé, et ce petit Hell’s Paradise avait réussi à nous séduire sur bien des points. Cependant nous étions surtout dans l’attente d’une confirmation, car si certains mangas arrivent à nous passionner dès le premier chapitre, celui-ci nous avait surtout laissé entrevoir un potentiel qui ne demandait qu’à s’épanouir volume après volume.
Dans Hell’s Paradise tome 3, nous allons donc voir si la petite lueur que nous percevions entre les magnifiques planches de Yûji Kaku a fini par devenir une flamme aussi intense que la rage destructrice de Gabimaru.
(Critique Hell’s Paradise tome 3 réalisée à partir d’une version fournie par les Éditions Kazé)
Le pitch de Hell’s Paradise – (no spoil)
Hell’s Paradise met en scène la tentative de « rédemption » de Gabimaru, un shinobi du clan Iwagakure dans le Japon de l’époque Edo. Arrêté pour un crime dont il semble accepter la sentence, Gabimaru ne cesse d’appeler la mort de ses voeux depuis le fond de sa cellule. Manque de chance ou pas, la maîtrise des arts shinobi lui procure une constitution suffisante afin de résister aux tentatives de décapitation de ses bourreaux.
Mais une exécutrice très particulière surnommée « La Grande Coupeuse de Têtes, intriguée par ce shinobi immortel, va faire le déplacement pour mettre fin à la vie de Gabimaru. Cependant, après avoir jugé de son potentiel, l’exécutrice Sagiri Yamada Asaemon lui proposera un marché qu’il finira par accepter : se rendre sur une île mystérieuse dont nul n’est jamais revenu, afin d’y rechercher un élixir d’immortalité convoité par les puissants de cette époque.
Départ classique, motivations standard pour Gabimaru, ce n’est qu’une fois sur l’île que Hell’s Paradise commence à dévoiler son potentiel et surtout l’originalité qui le démarque des autres. Car tout portait à croire que l’on allait nous servir un énième battle royale sans saveur. Cependant, le mystère de départ se divise rapidement en une myriade d’embranchements intrigants sur fond de surnaturel et de folklore japonais, au coeur d’une île à la beauté paradisiaque mais où le danger peut se cacher dans la moindre particule environnante.
La critique du tome 3 – (voir directement la conclusion pour un avis rapide sans spoil)
Hell’s Paradise tome 2 nous avait laissé sur deux trames en parallèle et c’est justement à partir de ces deux éléments que nous fondions beaucoup d’espoir sur le tome 3. D’un côté nous avions Chôbê Aza et son exécuteur Tôma Yamada qui venaient de tomber sur deux femmes nues, dont ils venaient visiblement de déranger les ébats, puisqu’elles les invitaient à « venir jouir avec nous ». Il s’agissait alors des premiers êtres natifs de l’île, assimilables à des humains. Autant dire que cela rajoutait une bonne poignée de questions sur la couche de mystère qui entourait l’île depuis notre arrivée, mais une chose était certaine, le combat allait être inévitable.
D’un autre côté, et c’était d’ailleurs bien vu de le placer juste avant notre première rencontre avec des « humains », on nous offrait un joli panorama sur un village visiblement abandonné, mais qui amenait là aussi son lot de questions, notamment sur la vie sur l’île, et l’origine des êtres immortels qui y résident. On nous laissait donc avec la promesse d’un âpre combat, et avec celle de potentielles découvertes en compagnie de Gabimaru et de son groupe.
Le tome 3 quant à lui démarre au quart de tour et nous introduit tout de suite deux nouveaux personnages lorsque le groupe de notre shinobi s’apprête à rentrer dans le village. Ces deux personnages, une petite fille à la puissance étonnamment élevée, et un être végétal doté d’un pouvoir de régénération, vont s’avérer d’une aide précieuse. Si l’on devait choisir un passage du tome ou l’on sent que le manga prend vraiment de l’ampleur, c’est précisément celui-ci.
Nous arrivons dans un village abandonné ou seule une petite maison sert encore à abriter nos deux nouvelles connaissances. C’est ici que nous allons en apprendre plus sur le monde, sur les origines des êtres peuplant l’île, sur l’existence de l’élixir que nous sommes venu chercher, mais aussi sur la méthode de création de ce dernier. Nous avons donc quelques pages explicatives des plus intéressantes venant apporter des révélations auxquelles nous ne nous attendions pas, entre-coupées de scènes de la possible mise à mort de Chôbê et Tôma que nous avions laissés à la fin du tome 2. Suite à cela, le calme avant la tempête vient apporter un peu de répit à notre groupe, profitant des commodités modeste de leurs hôtes pour se détendre, mais qui sera aussi l’occasion de nous offrir un petit flashback attendrissant sur le passé de Gabimaru.
Si Hell’s Paradise tome 3 démarre calmement, c’est aussi pour mieux nous porter vers son climax offert par un somptueux combat entre Gabimaru et un être surnaturel que l’on pourrait presque qualifier de divin par la puissance qu’il déploie. Mais avant d’en arriver là, nous allons en apprendre beaucoup plus sur Nurugai (la fille qu’on imaginait être un garçon) et son exécuteur Tenza. En mauvaise posture face à l’un de ces êtres surnaturels d’apparence humaine, il seront rejoints par Shion, un autre exécuteur, mais surtout, le maître de Tenza. Le trio va se livrer à un affrontement dantesque où tous ne survivront pas, et si ce combat n’aurait pu n’être qu’un petit amuse gueule avant l’affrontement de Gabimaru, il s’est révélé beaucoup plus important que ça, et ce pour deux choses.
Premièrement, Yûji Kaku démontre encore une fois qu’il est très à l’aise avec les variations dans son dessin, ce qui lui permet d’apporter un énorme dynamisme dans son trait, se retrouvant même parfois dans une sorte d’hyperbole esthétique, mais vraiment très bien maîtrisée. Deuxièmement, en plus de ses talents de dessinateur, ce passage démontre qu’il est aussi à l’aise au niveau de la mise en scène, avec tantôt des illustrations pleine page nous imposant la lourdeur d’un acte, tantôt une action décomplexée dont il a le secret. Malgré tout, même si nous tenons à souligner son talent pour ce tout premier manga, c’est surtout dans le découpage des cases qu’il va surement devoir progresser le plus, cela restant encore assez « basique », alors qu’il y a tant à faire pour faire encore plus honneur à son dessin.
Enfin, le climax n’a absolument pas été décevant, comme si l’auteur voulait nous offrir une petite démonstration de son potentiel en tant que mangaka. L’action y est impressionnante, et la rencontre entre Gabimaru et l’être surnaturel nous offre un combat aussi intéressant sur le plan visuel que narratif, ce qui était très important pour que l’on n’ait pas juste la sensation d’avoir vu une jolie chorégraphie. Encore une fois, Gabimaru est à la fois déshumanisé sur le plan visuel lorsqu’il met toute sa rage dans l’affrontement, mais aussi humanisé sur le plan émotionnel, ce qui apporte un magnifique équilibre au personnage.
Eh bien voilà, il suffisait de demander pour que Yûji Kaku nous serve précisément le tome que l’on attendait pour nous enflammer un peu plus concernant Hell’s Paradise. Excellent au dessin, très bon dans la narration, l’auteur nous fait comprendre que le tour de chauffe est terminé et qu’il est temps de passer aux choses sérieuses.
On retrouve donc tous les éléments qui faisaient déjà mouche dans les deux premiers tomes, mais avec une maîtrise accrue de la mise en scène et du rythme. Hell’s Paradise tome 3 nous montre que les mystères de son île semblent être bien plus riches que l’on pouvait l’imaginer, et si l’auteur améliore encore un peu son découpage pour mettre un peu plus en valeur son coup de plume, les tomes suivant devraient être absolument palpitants à suivre.