Ce dimanche 19 novembre se disputait la finale du championnat du monde de League of Legends pour la saison 2023. Elle opposait le géant coréen T1, déjà titré trois fois en 2013, 2015 et 2016, aux Chinois de Weibo Gaming. Avec une écrasante victoire, 3 – 0 pour T1, l’équipe de Faker reçoit pour la quatrième fois la plus haute distinction de son (e)sport, brisant ainsi la malédiction dont l’équipe souffrait depuis sa défaite à la finale de 2017 qui la condamnait à un rôle d’éternel second.
Une victoire bien méritée et célébrée : cette victoire de T1 a été extrêmement attendue. Elle fait suite à une défaite désastreuse en finale l’année dernière, que beaucoup voyaient comme une dernière chance pour le joueur légendaire de l’équipe, Faker, alors à la neuvième année de sa carrière professionnelle, de voir son pseudo gravé sur la coupe une quatrième fois.
Pourtant, rien n’était joué au début de la saison 2023. En réalité, l’équipe fait même un assez mauvais départ. T1 fait une saison en dents de scie, touchant les abysses au cours de l’été. Le 5 juillet, Faker se voit contraint de prendre une pause suite à une blessure, laissant la place au joueur remplaçant Poby pour le tournoi régional d’été de la ligue coréenne.
L’équipe, déjà handicapée par un Faker diminué, se retrouve amputée de son joueur le plus expérimenté, et fait face à une série de défaites cuisantes. DRX et GenG, les rivaux de T1, punissent sévèrement l’équipe, au point que Faker fait le choix de revenir avant que sa blessure ne soit entièrement remise. De justesse, il qualifie son équipe pour jouer les play-offs coréens, première étape pour pouvoir accéder au grand tournoi.
L’équipe se qualifie en seconde place derrière GenG, et est loin d’être la favorite : GenG, KT Rolster, JDG… tant d’équipes sur lesquelles, à ce moment, le public place plus d’espoir. Pourtant, T1 réussit bien à accéder à la phase finale du tournoi. Plus encore, c’est la seule équipe non chinoise à se qualifier en demi-finale, alors même que cette coupe du monde se dispute en Corée du Sud.
C’est à ce moment-là que les yeux du public se sont braqués sur T1, la dernière équipe à pouvoir défendre l’honneur de la ligue coréenne sur son territoire national. D’un côté, les équipes de la ligue chinoise, redoutables, dont JDG, en chemin vers la « golden road », qui consiste à gagner les deux titres régionaux, le championnat international de mi-saison et les championnats du monde, et de l’autre T1, avec sa saison fragile.
Cette demi-finale avait eu un gout de finale avant l’heure. Et pourtant, contre toute attente, c’est aussi une victoire écrasante de T1 qui termine cette partie. 3-1. Une seule partie. C’est tout ce que l’équipe la plus forte de la ligue chinoise réussit à emporter.
Dès lors, l’issue de la compétition pouvait sembler assurée. Après tout, JDG était l’équipe favorite, le rouleau compresseur de la compétition. Pourtant, les membres de T1 n’ont pas laissé le succès leur monter à la tête. Soutenus par la majorité des grandes équipes coréennes lors de leurs entraînements, ils se sont préparés de manière méthodique, forts de leur échec de l’an passé. Et, lors de la finale la plus visionnée de l’histoire du championnat avec 6,4 millions de spectateurs, ont remporté le trophée sans que Weibo Gaming ne puisse offrir de réelle résistance.
L’histoire de cette finale est belle, et place Faker de manière définitive au panthéon des athlètes du jeu vidéo. Pourtant, cette édition du championnat n’est pas sans détracteurs. Sont remises en cause les phases qualificatives. Cette année, le tournoi était organisé en quatre phases : deux phases éliminatoires, les barrages et la ronde suisse (plus souvent appelée « swiss stage ») joués à Séoul, les demis et quarts de finales, joués à Busan, et la grande finale, disputée à Séoul.
La critique principale de cette édition concerne la ronde suisse. Ce n’est pas un mode de tournoi sorti de nulle part : ce système est d’abord né dans le milieu des échecs au début du XXe siècle, il a cependant été largement modifié pour l’esport. Il vise à réduire la durée des phases qualificatives, mais en contrepartie donne un avantage non négligeable aux équipes plus fragiles.
Ce n’est pas un problème qui ne touche que League of Legends : cela fait six ans que les tournois CSGO voient ce format faire s’affronter et s’éliminer les plus grands joueurs afin de laisser passer les plus fragiles en phase finale.
Ce système sacrifie une partie de la justesse des résultats afin que le tournoi soit plus simple à suivre pour les spectateurs. Certains ont notamment remis en cause le chemin parcouru par certaines équipes, comme NRG, qui n’a pas eu à vaincre d’équipe asiatique avant d’arriver en quart de finale.
Cela rejoint un problème plus profond du jeu : la différence de niveau entre les régions. Ce n’est pas un secret que les ligues coréenne (LCK) et chinoise (LPL) sont extrêmement dominantes de manière générale. Il est essentiel, pour qu’une équipe soit reconnue comme un adversaire réel lors du championnat du monde, qu’elle soit capable de battre une équipe de ces deux régions. La ronde suisse permet à certaines équipe d’éviter de valider ce prérequis pour accéder aux phases suivantes du tournoi.
Cependant, cela ne remet pas forcément en cause la légitimité des phases finales : en fin de compte, les équipe qui dépassent ce stade restent en majorité des équipes de haut niveau, qui ont été capables de vaincre la compétition. Finalement, c’est surtout le milieu de classement qui serait affecté par ce système, cela ne remet pas en cause le placement des demi-finalistes et des finalistes.
Alors, même s’il y a des incertitudes quant aux choix de Riot sur les phases éliminatoires, cela n’empêche pas le chemin parcouru par T1 d’être impressionnant. La fin de cette saison a été tellement explosive pour l’équipe qu’on ne peut s’empêcher de se demander s’il s’agit réellement de la fin de l’histoire entamée par Faker et T1 dix ans auparavant plutôt qu’un nouveau départ.
Avec ses membres, Zeus, Faker, Oner, Keria et Gumayusi, T1 a pu montrer un niveau de jeu incroyable lors de ces championnats du monde. Mais, plusieurs joueurs sont en fin de contrat, et certaines structures, notamment les équipes LPL, seraient prêtes à payer cher pour s’assurer l’acquisition de l’un des champions actuels dans leur propre équipe.
Ce qui est certain, c’est que Faker ne prévoit pas de partir où que ce soit. Le joueur de 27 ans l’affirme dès la conférence de presse suivant sa victoire. Il est clair qu’on ne peut qu’envoyer un sourire amusé à ceux affirmant que l’âge serait un facteur définitif sur sa performance lorsqu’on voit à quel point les actions et les décisions de Faker ont été décisives lors des parties, un fait qui devient encore plus évident lorsqu’on lit les traductions des échanges entre les joueurs au cours des parties.
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