Depuis quelques années, nous voyons régulièrement les blockbusters du jeu vidéo être qualifiés de jeux AAA. Un sobriquet aux allures de tampon de qualité permettant simplement de qualifier dans une sphère bien à part les titres à gros budget. Néanmoins, ce supposé sceau de qualité s’accompagne de mouvance et d’autres définitions que nous allons essayer d’établir aujourd’hui pour vous.
Jeux AAA – La grosse production aux gros billets
À la fin des années 1990, lors de conventions comme l’E3, quelques studios commençaient déjà à utiliser l’expression AAA entre eux pour les très gros jeux. Logique en un sens compte tenu du système de notation qui a cours aux USA et qui classe les examens de F comme échec à A+ pour les meilleures copies. Ainsi donc s’est démocratisé le terme de Triple A qui sert avant tout à désigner un jeu jouissant de gros budgets en termes de développement, mais aussi de marketing.
Bien entendu, une telle annonce de fonds laisse supposer dans la tête de monsieur/madame tout le monde que l’on aura forcément un chef-d’œuvre à la sortie. Une logique de ratio investissement/qualité toujours aussi attendue aujourd’hui, même au sein des critiques de la presse spécialisée (même si cela a bougé, on en parle plus tard), et qui d’emblée s’avère handicapant pour le titre jugé en cas de faux pas.
Au-delà d’une simple promesse de moyens, la « classification » Triple A suggère aussi un retour sur investissement financier garanti. Un calcul savant, rondement mené par des équipes d’influences et de data-marketing qui planifient des années en avance les tendances à venir. Une fois tous les éléments en poche, il est chose aisée (ou presque) de prédire un carton. Une stratégie développée essentiellement par les studios d’Ubisoft, véritables maîtres en la matière (et qui emploient en moyenne 400 à 600 personnes pour un jeu AAA).
Toujours est-il qu’aujourd’hui encore, de nombreuses théories et versions s’additionnent et s’opposent sur la définition de ce qu’est un Triple A. Pour plus de lisibilité, nous garderons simplement en tête les points cités ci-dessus, qui nous serviront évidemment de comparatif pour les autres classifications.
À savoir :
- Final Fantasy VII est le tout premier jeu à avoir communiqué avec la mention jeu AAA, le titre se comparant à l’époque à un chef-d’œuvre semblable au 7ème art.
- Un jeu AAA coûte actuellement en moyenne 150 millions d’euros, et la part marketing doit représenter a minima 75% de ce montant.
Jeux AA – Le récent outsider
Certains éditeurs, comme Focus en France, s’amusent à parler de jeux « AA » pour leurs titres, qui sont en fait des productions au budget plafonné, avec un niveau d’ambition technique moindre, mais placées sur des niches porteuses. Une définition qui a le mérite d’être claire, mais qui elle aussi a su évoluer dans le temps.
Longtemps considérés comme la série B du jeu vidéo, les jeux AA ont récemment su passer un cap en devenant les véritables outsiders du monde vidéoludique. Il n’y a qu’à regarder le succès critique de A Plague Tale pour s’en convaincre. Un exemple qui ne fait pas figure d’exception tant le doux monde des jeux AA nous a régalés ces dernières années en nous offrant des jeux aussi puissants et atypiques que NieR premier du nom.
Toutefois, si le double A se différencie essentiellement par son budget arrêté (d’ailleurs souvent établi et non-rallongé lors du développement), c’est aussi sur sa capacité à générer de nouvelles mécaniques de jeu que cette classe se différencie. Le studio français DontNod illustre à lui seul cette catégorie, lui qui a su porter aux nues le jeu interactif avec son cultissime Life is Strange. Ainsi, les éditeurs actuels n’hésitent pas à user de l’appellation AA pour mettre en valeur un titre qui se voudra dès le départ comme une expérience différenciante du paysage vidéoludique actuel.
À savoir :
- NieR Replicant, développé initialement par Cavia, a pu passer de la case AA à AAA grâce à la valeur sûre que représente sa fan-base, et par la prise en main par le studio de renom qu’est Platinum Games.
- EA Originals, la branche AA du géant américain, sert en fait de laboratoire d’expériences pour la création de nouveaux concepts et mécaniques de jeu.
Indie Games – Petites équipes, grands talents
Les jeux indépendants ont cet avantage d’avoir une définition on ne peut plus claire, légitimée encore une fois par le cadre financier. Les indie games, donc, sont des jeux créés sans aucun soutien financier ou technique d’un grand éditeur de jeu, à l’inverse des AA et AAA par exemple.
Alors oui, il y a parfois quelques jeux qui se revendiquent indépendants (comme Unravel), qui sont développés par des cellules indépendantes présentes au sein des grands éditeurs (comme EA pour reprendre le même exemple), toutefois le fait d’avoir ici un top tiers studio derrière soi empêche de rentrer dans la pure catégorie indépendante.
Néanmoins, si la confusion est présente, c’est bien la preuve de l’impact du jeu vidéo indé dans le marché global vidéoludique, qui revient pour certaines personnes à des jeux créés par de petites équipes avec un concept très simple et différenciant. Bien entendu, l’indie game a aussi une connotation peu chère, avec des jeux dépassant très rarement la vingtaine d’euros.
De plus, en raison de leur indépendance et de leur liberté de développement, les jeux indépendants sont souvent axés sur l’innovation, le jeu expérimental et la prise de risques, ce qui n’est généralement pas le cas des jeux AAA, et ils peuvent explorer ce moyen pour produire des expériences uniques dans des jeux artistiques notamment.
Dernier point, les jeux indépendants ont plutôt tendance à être vendus par des canaux de distribution numérique plutôt qu’au détail en raison du manque de soutien des éditeurs. Un fait qui tend à bouger depuis quelque temps pour les plus gros studios indépendants qui, forts de leurs gros succès, peuvent se permettre un tel investissement.
À savoir :
- Le développement de jeux indépendants est né des mêmes concepts de programmation amateur qui se sont développés avec l’introduction de l’ordinateur personnel et du simple langage informatique BASIC dans les années 70 et 80.
- L’essor des jeux indés se doit en partie à la forte baisse des coûts de développement et de distribution (notamment grâce à un certain Steam…).
- Minecraft était un jeu indépendant !
Jeux III – L’indé avec du budget
« III » (Triple I) a été utilisé pour désigner les jeux financés de manière indépendante (« indie ») qui répondent à un niveau de qualité analogue dans leur domaine, c’est-à-dire les jeux indie qui ont un budget, une portée et une ambition relativement élevés, un peu comme le premier Hellblade.
D’ailleurs, assez souvent, l’équipe de développement comprend du personnel qui a l’expérience du travail sur de véritables titres AAA, et là on repense par exemple à Ancestors: The Humankind Odyssey.
Ainsi, le genre du III, s’il est relativement nouveau, s’explique surtout par une connivence entre des développeurs désireux d’offrir une œuvre très personnelle, loin des carcans financiers des gros éditeurs, et l’explosion du marché du jeu indé sur la dernière décennie.
À savoir :
- Ancestors: The Humankind Odyssey a été créé par Patrice Désilets, un ancien de chez Ubisoft connu pour son travail sur le premier Prince of Persia.
Jeux AAA+ – La ruée vers les micro-transactions
Un terme sans doute surprenant pour bon nombre d’entre vous, mais qui commence à se faire une certaine place, du moins dans les coulisses des studios, et qui désigne tout simplement les jeux qui génèrent l’essentiel de leur revenus après la vente du produit en lui-même. En d’autres termes, les jeux AAA+ sont ceux qui font leur beurre grâce aux micro-transactions et autres contenus additionnels.
Poussés par un désir de rentabilité toujours plus important, les éditeurs se sont penchés ces dernières années sur des modèles de revenus alternatifs où les joueurs continuent à contribuer aux revenus après l’achat initial, via des modèles premium, des DLC, des pass en ligne et d’autres formes d’abonnement. Au milieu des années 2010, les grands éditeurs ont commencé à se concentrer sur les jeux conçus pour avoir une véritable plus-value en termes de revenus provenant des consommateurs individuels.
Un système basé en partie sur les modèles mis en place par les MMO des précédentes décennies, et qui est désormais bien présent sur la majorité des gros jeux du secteur (FIFA, Call of Duty, ou encore Destiny). Une mode tellement en vogue ces derniers temps qu’elle a donné naissance à la catégorie des jeux-services. Un genre avec ses règles bien à lui qui a la particularité de garder les joueurs occupés pendant plusieurs années.
Une véritable révolution dans le milieu donc, avec des studios qui pensent désormais leurs jeux sur du long terme (3 à 5 ans), avec pour fiers représentants les Sea of Thieves de Rare, Overwatch chez Blizzard, ou encore le fameux League of Legends de chez Riot.
À savoir :
- Sur l’année 2020, Electronic Arts a réalisé trois fois plus de chiffre d’affaires grâce aux micro-transactions de ses modes Ultimate Team que par la vente de tous ses jeux de sports réunis.
- La marge nette d’un GTA V est passée de 18% pour le jeu en lui-même à 70% pour les micro-transactions liées à sa mutation en jeu-service.
- Les plus gros succès financiers sont aujourd’hui des jeux AAA+ (Fortnite, League of Legends, GTA V et FIFA).
Le modèle AAA des jeux vidéo est-il toujours pertinent ?
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