On les appelle jeux incrémentaux, clickers ou encore idle games (« jeux passifs » en français). Sur Steam, des milliers de titres sont tagués ainsi et rencontrent un succès phénoménal : le sobrement intitulé Banana a récemment devancé Baldur’s Gate 3 et Hogwarth Legacy en termes de popularité. Étonnant quand on sait que le gameplay consiste à cliquer en boucle sur une banane !
Si cela peut sembler absurde au premier abord, Banana est pourtant représentatif de tout un genre vidéoludique, avec ses codes, ses titres cultes, et ses jeux qui bouleversent les règles.
Le principe des jeux incrémentaux : un jeu qui joue sans nous
Les clickers sont apparus au début des années 2000 et reposent sur des mécaniques volontairement simplistes. Généralement, il suffit de cliquer sur certains éléments et de regarder le jeu engranger lui-même des ressources. Le joueur n’a alors plus grand-chose à faire, à part observer le jeu qui évolue. Le plus souvent, le jeu continue même quand il est fermé et inactif, et on découvre les changements qui ont eu lieu une fois qu’on rouvre le jeu.
Sorti en 2002, Progress Quest est considéré comme le premier jeu du genre. Point de graphisme ou de gameplay : ici, on observe une simple fenêtre avec du texte décrivant les actions d’un personnage de JDR. On n’a qu’une chose à faire au début de la partie : créer son aventurier, qu’on ne verra jamais. Le « jeu » consistera ensuite à regarder les barres de progression, les statistiques et les loots se remplir tout seuls. Les principes fondamentaux du jeu incrémental sont posés, et de nombreux idle games vont s’en inspirer.
Les clickers plus populaires que jamais
Cette mécanique simple, pour ne pas dire simpliste, s’éloigne de ce qu’on est en droit de s’attendre quand on pense à un jeu vidéo. Pourtant, comme en témoignent les dizaines de milliers de joueurs simultanés sur Steam et les reviews positives sur la plateforme, force est de constater que ce genre est très populaire.
On peut tout d’abord parler du gameplay dépouillé de ces jeux : il suffit de cliquer quelque part. Parfois, même cette action est optionnelle, puisque nous pouvons simplement attendre que le jeu évolue sans nous et revenir de temps en temps pour constater les changements opérés. On peut alors aisément imaginer la facilité avec laquelle on peut jouer partout, tout le temps, voire dans des environnements qui ne sont pas propices au jeu vidéo comme le lieu de travail.
Une autre explication serait la satisfaction qu’éprouve le joueur en voyant les chiffres grimper jusqu’à atteindre des sommes délirantes. L’un des jeux les plus populaires du genre, Cookie Clicker (sorti sur navigateur en 2013 puis sur Steam en 2021) nous demande de cliquer sur un cookie pour engranger toujours plus de cookies, qui serviront de monnaie pour obtenir des améliorations qui automatisent la production de cookies, permettant à leur tour de créer des cookies. On voit alors notre nombre de biscuits s’élever encore et encore, à tel point qu’on ne parle plus en milliards mais en décillions.
Cette mécanique « clique = chiffres qui augmentent » n’est pas sans rappeler l’addiction que peuvent procurer les jeux d’argents, avec ce sentiment de pouvoir en avoir toujours plus. Certains éditeurs l’ont d’ailleurs bien compris, en intégrant des monnaies premium dans certains jeux passifs pour permettre au joueur d’acquérir plus vite certains éléments.
Au fond, les idle games sont-ils vraiment des jeux ?
Tout cela nous interroge sur la nature même de ces jeux, et sur la définition du gameplay en général. Car si les développeurs se creusent la tête pour nous proposer des expériences de jeu uniques et immersives, on peut se demander si les clickers sont réellement des jeux vidéo, tant le joueur se transforme en simple spectateur.
Pourtant, de nombreux idle games tentent de proposer des sensations différentes. Par exemple, des titres comme Chillquarium ou Plantera se rapprochent de jeux de collection de créatures et de gestion, avec des graphismes colorés et mignons en pixel art. On est tout de même bien loin de la fenêtre type Windows XP de Progress Quest !
D’autres jeux incluent des mécaniques de jeux autobattlers, qui vont demander un minimum de stratégie de notre part tout en gardant une palette d’actions très limitée et un aspect « spectateur ». On peut citer ou Meme Mayhem qui sortira prochainement.
Enfin, impossible de terminer cet article sur les jeux passifs sans évoquer The Longing. S’il ne plaira pas à tout le monde, ce titre a le mérite d’interroger notre définition du jeu vidéo. Au démarrage, votre roi s’endort et vous demande de revenir dans 400 jours. Vous pouvez arrêter le jeu là et le rouvrir une fois cette période écoulée, plus d’un an plus tard. Mais vous pouvez aussi occuper ce temps en explorant la grotte dans laquelle vous vivez, en lisant, en récupérant des objets… Le jeu est volontairement très lent (impossible de courir pour traverser les immenses environnements), presque frustrant, mais nous force à prendre tout notre temps.
Finalement, un jeu ne mérite-t-il pas d’être considéré comme un « vrai jeu » à partir du moment où il nous procure une sensation d’amusement et de plaisir ?
Succès de Balatro ou Helldivers 2 – L’industrie en pleine mutation ?
n1co_m
Squad Busters – Le jeu mobile, toujours pas du « vrai » jeu vidéo ?
n1co_m
L’origine des clicker games à travers cinq jeux
Team NG+