C’est un des nombreux paradoxes qui anime l’industrie : alors qu’en été, nous sommes nombreux à être en vacances, et donc à avoir le temps, le jeu vidéo choisit justement cette période pour ralentir la cadence et raréfier les sorties. Concrètement, on a dû rogner sur les révisions en période d’examens pour jouer à The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom, et maintenant qu’on est libre, plus rien (ou presque) à se mettre sous la dent ?!
Empiriquement, on pourrait penser que les éditeurs ont peur de voir leurs titres passer sous le radar du fait que les joueurs partent en vacances, et préféreront aller à la plage que « s’enfermer » pour jouer à la console. C’est une explication possible, mais alors on pourrait s’étonner de l’organisation des sorties ciné, qui nous offrent justement de nombreuses occasions d’aller dans des salles obscures.
Parce qu’en effet, du côté du grand écran, l’été est traditionnellement la période des blockbusters. Cette année, on a ainsi déjà vu sortir le nouveau Transformers, The Flash, Spider-Man: Across the Spider-Verse, le dernier Pixar (Élémentaire), Indiana Jones et le Cadran de la Destinée, et arrivent sous peu le prochain Tortues Ninja au look stop-motion inspiré de Spider-Man, le film événement Barbie, le nouveau Christopher Nolan (Oppenheimer) et bien entendu la très grosse machine nommée Mission Impossible.
L’autre grande période pour le cinéma, c’est Noël. Les vacances d’hiver sont en effet un second rendez-vous important pour les sorties de films à gros budgets. Là encore, en décalage avec le jeu vidéo, puisqu’à Noël, tous les jeux importants de la période sont déjà sortis, de façon à pouvoir arriver à temps pour que la promo fasse son œuvre, et que les boîtes puissent être placées sous les sapins.
Ainsi, passée la période de calme que l’on connaît actuellement, ce sera le grand raout de la rentrée, avec les très gros jeux de l’année sur chaque machine : Marvel’s Spider-Man 2 sur PS5, Super Mario Wonder sur Switch, et bien entendu Starfield sur Xbox. S’il faut être prêt pour Noël, et donc sortir suffisamment tôt pour que les jeux aient le temps de s’inscrire dans les esprits (les acheteurs qui offrent les cadeaux ne sont pas tous joueurs et au fait de l’actualité brûlante), il ne faut pas non plus sortir trop tôt, être oublié trop vite, et rater le coche de Noël. D’où, entre autres, ce trou d’air estival dans lequel nous sommes actuellement. Mais les choses pourraient changer.
Parce qu’en effet, pour une fois, cette année, l’été ne sera pas complètement une période blanche, avec notamment Pikmin 4 ou Disney Illusion Island qui arrivent courant juillet. Certes, deux titres qui ne seront pas des AAAA, mais tout de même, des licences plutôt attendues, qui ont l’avantage d’être des exclusivités Switch : soit des jeux qu’on peut emmener avec soi, même en vacances ! On note aussi un mois de juin particulièrement riche en sorties, durant lequel les gros jeux se sont disputés une actu pré-été comme rarement : Street Fighter 6, Diablo IV ou FF XVI, qui suivaient de très près un Zelda TOTK encore tout frais.
Alors va-t-on, comme pour le cinéma, vers plusieurs « rentrées vidéoludiques », comme il y a des rentrées littéraires ? Car les usages changent. Déjà, le jeu vidéo a pris une place énorme dans l’industrie culturelle, mais aussi dans les familles. Le profil du joueur de 2023 n’a plus rien à voir avec celui du joueur de 1990.
Et puis, on ne pratique plus le jeu de la même façon : dématérialisation, cloud gaming, abonnements, usage nomade et cross-play, et ce même pour les joueurs PC, avec l’avènement de consoles comme le Steam Deck ou son principal concurrent, l’Asus ROG Ally… Les jeux « en boîte » et qu’on peut mettre sous le sapin sont désormais minoritaires, et il est possible que dans un avenir proche, la part que représentent les fêtes de fin d’année dans l’industrie se réduise drastiquement…
La sortie et la forme que prendra la console qui succédera à la Switch pourraient influencer de façon déterminante cet aspect du marché. Avec son format « cartouche » et son orientation familiale, la console de Nintendo œuvre pour beaucoup dans la conservation de ces usages, du jeu vidéo comme cadeau, et comme cadeau aux enfants en particulier. En s’éloignant ne serait-ce qu’un peu du modèle actuel, la prochaine machine de Nintendo pourrait donner la dernière impulsion à ces mutations que semble connaître l’industrie.
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