Jean-Loup Richet est Maître de Conférence à l’Université IAE Paris Sorbonne, entre autres choses spécialiste en cybersécurité. Dans une tribune publiée dans Le Monde, il remet aujourd’hui un petit coup de projecteur sur un sujet pas si nouveau, mais souvent méconnu des joueurs : le rôle de notre loisir préféré dans le blanchiment d’argent.
La croissance exponentielle de l’économie du jeu vidéo, première industrie culturelle dans le monde, avec désormais pas loin de 200 milliards d’euros générés chaque année, a attiré l’attention de certains acteurs, embarrassés par leurs trop nombreuses liquidités, et surtout par les origines douteuses de celles-ci. Le phénomène n’est pas nouveau, puisque Jean-Loup Richet s’y intéresse depuis maintenant une grosse dizaine d’années, mais ne fait que croître.
Concrètement, les criminels achètent en argent sale des objets ou de la monnaie in-game, qu’ils revendent ensuite sur des plateformes dédiées, officielles, tenues par les jeux, ou non. Les sommes ainsi récoltées deviennent tout à fait « légales » et traçables, puisque payées sur des marketplaces ayant pignon sur rue. L’origines des pièces d’or, par exemple, revendues en amont, elles, est moins explicable, mais ne sera jamais vérifiée, puisqu’il n’existe aucune autorité d’aucune sorte qui vienne la contrôler.
Un phénomène si important qu’une enquête interne de Valve a révélé en 2019 que pas moins de 90% des échanges d’objets pour CS : GO étaient en fait des opérations de blanchiment d’argent. Ce qui avait entraîné la décision de bloquer complètement la revente de contenu in-game entre joueurs. Une autre enquête de la police sud-coréenne, cette fois, avait conduit dès 2011 à des arrestations après qu’il a été découvert qu’un groupe de hackers avait réussi à introduire des bots sur les jeux en ligne pour « farmer » du contenu, et revendre ensuite les éléments récoltés afin de… financer le programme nucléaire nord-coréen !
Évidemment, nous, joueurs, ne pouvons pas faire grand-chose à notre niveau, si ce n’est éviter d’utiliser les plateformes d’échanges tierces. Mais ainsi que « l’affaire Valve » l’a montré, les systèmes d’échanges dans les jeux eux-mêmes peuvent être infiltrés par des groupes criminels. Après la découverte d’une professionnalisation assez terrible du « farming », dans des conditions qui feraient pâlir même les contremaîtres des usines du XIXe siècle, c’est une autre facette pas très brillante de cette économie du jeu vidéo qui est mise en lumière, et une nouvelle preuve que décidément, les microtransactions n’auront rien apporté de bon au média…
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