Si vous suivez l’actualité du jeu vidéo, le nom de Jason Schreier ne doit pas vous être inconnu. Journaliste gaming probablement le plus célèbre au monde (non, Geoff Keighley n’est plus journaliste !), l’homme est une sorte de Mediapart du gaming à lui tout seul ! Ancienne figure de proue de Kotaku, il publie aujourd’hui ses enquêtes chez Bloomberg. Sa grande force est d’abord son réseau, qui lui permet de discuter avec des acteurs de tous les niveaux au sein des studios, du technicien en contrat précaire à l’artiste ou au producteur dont les noms figureront dans les cinq premiers du générique d’un AAA…
En 2017, il publiait Blood, Sweat and Pixels (publié un an plus tard chez nous par Mana Books sous le titre Du sang, des larmes et des pixels), dans lequel il s’arrêtait sur le chaos qui entoure le développement d’un jeu vidéo, et comment le succès d’un Witcher III (parmi d’autres) tient presque du miracle. Il en profitait déjà à l’époque pour pointer les problèmes de gestion des équipes (crunch…) notamment chez Naughty Dog pour le développement d’Uncharted IV. En 2021, il revenait à l’édition avec Press Reset : Ruin and Recovery in the videogame industry pour parler de la crise qui touchait, et touche encore, le secteur.
Pas plus tard que cette semaine a paru le troisième ouvrage de Jason Schreier, Play Nice. Dans cette nouvelle enquête, le journaliste s’attèle à raconter l’histoire du mastodonte Blizzard, des débuts artisanaux par deux geeks passionnés au succès industriel de ses différentes franchises. Une saga qui raconte un succès fulgurant, mais aussi une chute presque incompréhensible, à laquelle Bobby Kotick, PDG d’Activision Blizzard jusqu’au rachat par Microsoft, et grand méchant du bouquin, n’est pas étranger.
« Comment Adham et Morhaime [les fondateurs, NDLR] ont transformé Blizzard en un empire du jeu vidéo ? (…) Quelles sont les véritables histoires derrière le développement torturé de Diablo, l’émergence puis la chute de StarCraft en Corée du Sud, et l’annulation notoire d’un projet ayant pour nom de code Titan ? (…)
Comment une société aussi appréciée que Blizzard – une de celle qui conduit d’innombrables individus à faire la queue pendant des heures simplement pour écouter parler les développeurs de leur prochain jeu [la Blizzcon, NDLR ] – a pu se retrouver intriquée dans un procès pour harcèlement d’une magnitude encore jamais vue ?
Ce livre va répondre à toutes ces questions, et plus encore, détaillant l’histoire de Blizzard, sa culture, et la réalité pour les gens qui y travaillent… » – extrait du Prologue de Play Nice, par Jason Schreier, traduit par la rédaction.
S’appuyant sur son réseau tentaculaire, Schreier promet dans l’introduction de l’ouvrage que toutes les histoires et propos rapportés le sont « tel quel ». Rien n’a été réécrit ou interprété, il s’agit bien du livre d’un journaliste, d’un travail d’enquête.
Des débuts de la société alors appelée Synapse & Silicon, à deux dans un petit appartement, spécialisée dans le portage et systématiquement à découvert, à l’ère du géant mondial sous la coupe de Bobby Kotick, toute l’histoire de la société sera balayée, y compris son futur, ainsi que l’indique le titre complet de l’ouvrage, « The Rise, Fall, and Future of Blizzard Entertainment ». Un futur qu’on espère sous de meilleurs auspices ? Et surtout, un exemple que l’on peut appliquer à d’autres grosses compagnies de l’industrie ?
Dès les premières pages, on comprend que Blizzard ne doit pas son succès au hasard, ou au talent d’entrepreneur de ses fondateurs, mais à leur connaissance et à leur amour du jeu vidéo, ainsi qu’en la confiance qu’ils ont accordé aux artistes qui les ont accompagnés. Et il y a surement là quelques éléments dont l’industrie, et ceux qui la dirigent, devraient s’inspirer.
Pour faire revenir un peu de jeu vidéo dans des conversations qui tournent un peu trop autour du business (est ce que sortir de la bourse permettra à Ubisoft de redresser la barre, ou est ce que c’est faire de bons jeux qui le lui permettra ?), et pour ramener un peu de passion dans un environnement qui a plutôt tendance à user et dégouter ses salariés : on le sait, en France notamment, la part des « séniors » parmi les développeurs est négligeable, les salariés quittant souvent très jeunes les studios et l’industrie…
« Play Nice : The Rise, Fall, and Future of Blizzard Entertainment », par Jason Schreier, est disponible pour le moment uniquement en anglais, mais nulle doute que, comme ses ouvrages précédents, une traduction française devrait arriver sous peu…
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