Nous ne jouerons pas les surpris, les IA génératives sont depuis quelques mois désormais considérées comme une véritable aubaine pour les grandes entreprises. Permettant des coupes extrêmement juteuses dans les charges salariales, une IA pourrait facilement remplacer un artiste en faisant son travail beaucoup plus rapidement, et surtout, gratuitement. Si les mondes de la création artistique étaient principalement concernés jusqu’alors, on oublie parfois que le monde du code est aussi touché et donc, a fortiori, la création de jeux vidéo de A à Z.
Après avoir passé de bonnes fêtes, Takashi Kiryu nous ramène brusquement à la réalité en s’enthousiasmant à propos des IA génératives et en donnant la direction à suivre pour Square Enix :
« We also intend to be aggressive in applying AI and other cutting-edge technologies to both our content development and our publishing functions. In the short term, our goal will be to enhance our development productivity and achieve greater sophistication in our marketing efforts. In the longer term, we hope to leverage those technologies to create new forms of content for consumers, as we believe that technological innovation represents business opportunities. » Takashi Kiryu, A New Year’s Letter from the President (source en bas de page).
Avant la chute drastique des NFTs (on remarquera qu’aucune mention de cette technologie n’est faite dans le communiqué), Square Enix s’était en effet empressé de s’engouffrer dans la brèche qui s’est vite refermée. Le studio nippon a décidément le chic pour se glisser vers les horizons les moins éthiques possibles.
On pourrait alors se rassurer, se disant que seul l’archipel serait touché par cette avarice, mais c’est sans compter la politique de Steam qui tend non pas à sévir son cahier des charges, mais plutôt à l’assouplir. La semaine dernière, Steam a modifié sa politique vis-à-vis des contenus générés par intelligences artificielles en obligeant les développeurs à remplir un formulaire pour savoir si le jeu a été conçu à l’aide de ces dernières.
In fine, il vous sera possible de trier votre recherche de jeux sur Steam avec un critère « fait avec IA ». Cette décision interroge sur le caractère presque boulimique de Valve, qui, on le rappelle, a publié 14522 titres en 2023. Autre nouvelle peu rassurante, à ce stade de l’année, on estime déjà que plus de 30 000 jeux seront publiés d’ici fin décembre 2024.
On constate toutefois outre-Atlantique que de nombreuses organisations se liguent contre cette utilisation abusive des IA génératives. Cela se traduit notamment par une syndicalisation qui mène vers une protection des droits culturels renforcée, notamment sur l’utilisation de la voix, et une protection de l’emploi. Si nos applaudissements sont sincères quant à cette mobilisation, nous ne sommes en rien étonnés. Quelle autre réaction attendre de la part d’une industrie se faisant tuer à petit feu ? Electronic Arts avec son récent trailer d’Apex soupçonné d’être réalisé par IA générative s’était pourtant permis de licencier 800 personnes en 2023 ; quelle meilleure illustration pour notre sujet ?
Sans vouloir s’éterniser sur la qualité intrinsèque de la production des intelligences artificielles, on ne peut que s’interroger sur l’avenir du paysage culturel. Avec un Amazon qui bloque le nombre de livres autopubliés à 3 par jour et par auteur, la pollution culturelle a déjà commencé. Si les IA génératives ne font que recycler ce qui se trouve déjà sur internet, qu’en sera-t-il lorsque les IA copieront des contenus déjà vidés de leur substantifique moelle ? Sans être totalement anxiogène, les IA peuvent être des outils servant à stimuler un travail créatif, mais ne peuvent en aucun cas le remplacer, au grand dam des tableaux Excel du service marketing de Valve, des salariés de SquareEnix et consorts. Moins d’authenticité, mais plus de profits ? Le choix semble vite fait.
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