Le lobby LGBT prend encore en otage l’industrie du jeu vidéo ! C’est du moins ce que clame la poignée de joueurs qui a décidé de se lancer dans une campagne de review bombing à l’encontre de Horizon Forbidden West: Burning Shores, visiblement très contrariée que celui-ci offre la possibilité d’une romance lesbienne. Sur l’agrégateur de notes Metacritic, le jeu, qui obtient le joli score de 82/100 de la part des revues professionnelles, hérite ainsi d’une moyenne catastrophique de 3.1/10 de la part des utilisateurs. En consultant le détail des commentaires, il n’est pas bien difficile de comprendre pourquoi : d’après quelques centaines d’entre eux, l’éventualité que l’héroïne, Aloy, puisse se rapprocher d’un nouveau personnage féminin, Sekya, mérite vraisemblablement un zéro pointé. Tout bonnement.
Cette levée de boucliers sur fond de « pas de ça chez nous » est malheureusement loin d’être une première, et ce review bombing de Horizon Forbidden West: Burning Shores vient s’ajouter à une longue liste de tempêtes dans des verres d’eau. En 2019, lorsque Blizzard Entertainment décidait d’indiquer dans la biographie du personnage Soldat 76 que celui-ci s’identifiait comme gay, non seulement les objections désobligeantes ont fusé, mais des joueurs ont même rapporté être harcelés au cours des parties où ils choisissaient ce personnage. Parfois, la discrimination passe même un cran lorsqu’elle se heurte aux problématiques de censure dans certains états : ce fut le cas pour K’Sante, un héros de League of Legends dont l’homosexualité a finalement été passée sous silence dans sa localisations pour plusieurs pays.
Le phénomène ne concerne d’ailleurs pas que les enjeux de représentation LGBT+, ni uniquement l’industrie du jeu vidéo : il résonne dans toutes les ramifications de ce que l’on peut assimiler à la pop culture, perçue par certains comme le bastion de l’homme blanc cisgenre et hétérosexuel qu’ils sont prêts à défendre à la force de leur clavier.
Il n’y a qu’à voir le tollé récemment provoqué par la diversité du casting de la série Les Anneaux de Pouvoir, celui causé par l’épisode dédié à un couple homosexuel dans la version HBO de The Last of Us, ou encore celui qu’avaient suscité en 2018 les rumeurs selon lesquelles Netflix cherchait une actrice appartenant à une minorité ethnique pour incarner Ciri dans son adaptation de The Witcher – tant et si bien que la production avait fini par reculer. Dans le cas de la série The Sandman, c’est l’auteur de l’œuvre originale lui-même, Neil Gaiman, qui avait fini par rappeler que les personnages LGBT+ tenaient déjà une place de choix, assumée et revendiquée, dans ses romans graphiques.
La réaction épidermique que suscite la romance de Horizon Forbidden West: Burning Shores chez certains joueurs témoigne donc sans doute moins d’une homophobie stricto sensu que de la sensation d’être « envahi » par des représentations qui ne mettent plus systématiquement en avant leur propre imaginaire.
Ils rassemblent souvent celles-ci pêle-mêle sous le terme vague et fourre-tout de « woke », qui désigne originellement le fait d’être sensible aux enjeux de justice sociale, mais qu’ils utilisent avec une connotation péjorative. D’ailleurs, dans l’un des trailers du jeu Humankind, une jeune femme aux cheveux teints en bleu avait également soulevé sa part de réactions outrées sans qu’il ne soit jamais fait mention de son orientation sexuelle : simplement, elle avait été perçue comme « queer coded », c’est-à-dire implicitement désignée comme appartenant à une minorité sexuelle par ses caractéristiques physiques (en vertu de clichés qu’on ne prendra même pas la peine de commenter).
Fort heureusement, la frustration exprimée par ces quelques contestataires reste minoritaire, et se cantonne généralement à des titres pour lesquels ils s’imaginaient être le public cible (ainsi, personne ne se lamente de pouvoir créer des personnages transgenres dans les Sims 4, bien au contraire !).
À l’heure où nous écrivons ces lignes, certaines revues négatives homophobes de Horizon Forbidden West Burning Shores commencent déjà à disparaître de Metacritic grâce au travail de l’équipe de modération, et seront sans doute rapidement enterrées sous les critiques plus nuancées de personnes ayant vraiment exploré le jeu (car rappelons qu’il n’est sorti que depuis quelques jours). Il n’en reste pas moins que les manifestations d’hostilité dont témoignent ces messages restent une violence faite à l’encontre des minorités, qui sont indirectement touchées par l’accueil réservé aux personnages censés les représenter.
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