On aime critiquer les Game Awards pour leur définition du « jeu indépendant ». S’ensuit alors généralement un débat de fond qui n’a de cesse d’enchaîner les biais et les lapalissades pour coller aux idéaux des uns ou des autres. Eh bien, figurez-vous que deux Français ont, sur leur site HushCrasher, entrepris la tâche ardue de mêler l’économie, la data science et l’industrie du jeu vidéo. La mission qu’ils se sont donnée : créer un barème plus clair et plus sain pour catégoriser les jeux d’aujourd’hui.
Mais pourquoi catégoriser les jeux ?
Une question qui ne se pose finalement qu’assez rarement : on adore nos catégories sans toujours comprendre pourquoi elles sont importantes. Pourtant, catégoriser et classer permet au cerveau humain de faciliter son travail mental.
Nous savons à peu près tous que Doom est un FPS, mais il a fallu des années de « Doom-like » avant d’en arriver à la conclusion que ce genre de jeu méritait une appellation propre. Il en va de même pour tout un tas de genres, de mécaniques et, ce qui nous concerne ici, de scope (l’envergure d’un projet).
Aux alentours des années 2008/2010 est né un nouveau type de classification : le jeu indépendant. À ce moment-là, tout est plus simple : ce sont des jeux auto-édités et développés par un nombre plus faible de personnes qu’à l’accoutumée. Mais aujourd’hui, l’auto-édition s’est élargie (un quart des AAA étant auto-édités) en même temps que se sont développés les labels d’édition spécialisés dans les « petits » jeux.
Ainsi, Dave the Diver avait suscité la polémique puisqu’il était développé par une filiale du géant Nexon (mais techniquement auto-édité !). Plus récemment, Clair Obscur : L’Expédition 33 a reçu la distinction du meilleur jeu indépendant de l’année alors qu’il est édité par Kepler Interactive, rebattant encore les cartes de ce qui est considéré comme « indé ».
En bref, vous l’aurez compris, les définitions ne semblent plus rien vouloir dire. Tout le monde juge au doigt mouillé et se base sur des considérations morales ou subjectives plutôt que sur des données tangibles. C’est précisément là qu’intervient l’approche de HushCrasher.
De la science des données pour les gouverner tous…
Voici donc le HCS (pour Hushcrasher Classification System) basé sur deux informations accessibles au grand public : la longueur des crédits et la taille du jeu sur votre disque dur. Deux données qui permettent d’établir rapidement la taille du studio et la quantité de travail abattu.
On découpe ainsi les résultats en quatre catégories distinctes : Kei, Midi, AA et AAA. On notera l’absence du terme « indépendant » puisque, comme mentionné plus haut, ce titre n’a plus aucun sens technique.
Kei : Ce sont les jeux développés par une ou deux personnes, peut-être trois. Ils représentent la base de la pyramide.
Midi : Désignent les jeux conçus par une équipe un peu plus grande, mais conservant des ambitions de production intermédiaires.
AA et AAA : Ce sont les projets d’envergure, mobilisant des dizaines ou centaines de personnes et des budgets se comptant en millions de dollars.
Avec ce nouveau barème, environ 75 % des jeux publiés en 2024 sont des Kei. Ce sont ces jeux qui, malheureusement, se retrouvent trop souvent perdus dans un océan de sorties quotidiennes.
C’est ici que l’on retrouve notre « éléphant dans la pièce » : sur les plus de dix-neuf mille jeux publiés sur Steam, moins de trois mille ont réellement tenu le pari de la visibilité. D’après SteamDB, seuls 3 096 jeux réussissent à dépasser les cent avis Steam, ce facteur indicatif de la réussite d’une œuvre. Soyons clairs : même avec ces cent reviews, il est tout à fait possible que le jeu soit un flop financier, mais sans elles, la question ne se pose même pas…
Vous aussi, essayez, en suivant ce tableau à double entrée proposé par HushCrasher, de placer votre jeu préféré dans une catégorie qui lui siéra bien mieux que le simple montant dépensé ou le soutien de tel ou tel éditeur.

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