On n’entend que ça : le cloud gaming, c’est le futur du jeu vidéo. On nous dit que les prochaines Microsoft Scarlett et PlayStation 5 seront les toutes dernières consoles. On n’a plus besoin d’acheter de machines, le cloud gaming sera la nouvelle norme… Mais de quoi parle-t-on exactement ?
En vérité, le cloud gaming, c’est le présent. Il est partout, et nombreux sont ceux qui le pratiquent, même sans le savoir. Le cloud (tout court), c’est One Drive (Microsoft), Google Drive (Google, donc) ou iCloud (Apple). C’est-à-dire un espace d’enregistrement externalisé, accessible depuis internet. Vos données (photos et autres…) ne sont pas enregistrées directement sur votre appareil, mais sur un gros disque dur situé ailleurs, dans les immenses fermes à serveurs de l’entreprise qui vous fournit le service (les trois citées ci-dessus, par exemple).
Et quand vous regardez vos photos ainsi stockées, les images sont en fait streamées sur votre appareil via internet, à la manière des séries qu’on suit sur Netflix, qui ne sont pas non plus stockées sur nos box télé.
Eh bien, le cloud gaming, c’est exactement la même chose, avec des protocoles un peu plus complexes. Si vous avez déjà utilisé le « remote play » sur PlayStation 4, qui vous permet de jouer à un jeu PlayStation 4 sur votre PS Vita, vous avez utilisé une sorte de cloud gaming local : la puissance de calcul est sur la console de salon, mais le jeu est affiché et se contrôle depuis la portable.
C’est, à plus grande échelle, ce que nous propose Stadia. Google loue sa puissance de calcul (c’est la PlayStation 4), et nous voyons et contrôlons nos jeux sur la télé, un smartphone ou notre PC portable bas de gamme (qui est dans notre exemple la PS Vita). Mais Stadia n’est pas le premier à proposer un service du genre. La concurrence est même déjà plutôt rude. Tour d’horizon.
Le pionnier PS Now
C’est en rachetant l’un des tout premiers services de cloud gaming, Gaikai, en 2014, que Sony a lancé le PS Now. Après une longue phase de test débutée en 2015 pour l’Europe, le service se lance officiellement pour tous en France en 2017. PS Now, ce sont 650 titres PlayStation 2, PlayStation 3 et PlayStation 4 accessibles immédiatement, et autour de 700 000 utilisateurs.
Comment ça marche ? Accessible sur PlayStation 4 et PC, le service propose à ses abonnés de jouer immédiatement à autant de jeux du catalogue qu’ils le souhaitent. Les jeux sont donc streamés, mais certains titres peuvent toutefois être rapatriés sur PlayStation 4 (pas sur PC) pour être disponibles hors connexion. Sony conseille un débit d’au moins 10Mb/s pour un fonctionnement normal du service. De manière générale, les retours de ce point de vue sont plutôt bons : peu de problèmes techniques ou de latence. Une manette DualShock 4 est bien entendu conseillée, mais d’autres contrôleurs sont également compatibles.
L’abonnement coûte 14,90€ par mois. Une formule à 99€ annuelle est également proposée. Dans tous les cas, Sony offre sept jours d’essai gratuit.
Les points positifs :
- Les exclus PlayStation (Uncharted…)
- Un catalogue important
- Une infrastructure qui a fait ses preuves
Les points négatifs :
- Un poil cher
- Limité à 720p
- Pas de nouveautés
Le challenger X Cloud
X Cloud n’est pas à confondre avec le Game Pass, service par abonnement des jeux Xbox. Il s’agit en effet de deux entités bien distinctes. Le Game Pass est une offre de téléchargement de jeux. Le bénéficiaire a accès à un certain nombre de jeux qu’il peut télécharger comme bon lui semble sans coût supplémentaire tant que son abonnement est valide. On est sur un modèle « Netflix », avec cette idée de consommation de titres illimitée (en vérité limitée par le catalogue).
Mais les jeux sont bien téléchargés sur la console (ou le PC, puisque le service y est désormais également disponible), et ne sont donc pas dans le cloud. Notons tout de même, bien que ce soit un peu hors sujet, que cette offre ne manque pas d’intérêt : proposée dès 3,99€ sur PC, après un premier mois à 1€, c’est une centaine de jeux disponibles, dont des exclus et des nouveautés, qui sortent parfois en même temps sur Xbox One et sur le Game Pass !
Quant au X Cloud, on a à l’heure qu’il est encore peu d’informations sur le service. On s’attendait à ce que l’E3 de Microsoft soit l’occasion pour ces derniers de répondre à Google, mais il n’en a rien été. Certains journalistes ont pu tester quelques jeux Xbox One streamés sur mobile, comme preuve que la technologie est au point – à priori, ça fonctionne ! – mais on ne sait encore rien du modèle économique, du prix, du catalogue compatible… Une phase de test bêta ouverte devrait débuter cet automne.
L’audacieux Stadia
On aura lu et entendu beaucoup de choses sur Stadia, avant et après sa révélation lors de la dernière Game Developpers Conference à San Francisco. Google nous promettait de pouvoir rentrer dans une partie de n’importe quel jeu, n’importe quand, et depuis n’importe quel appareil.
La promesse était que si le trailer d’un jeu visionné sur YouTube nous plaisait, d’un clic sur la vidéo on puisse acheter le jeu et entrer dans une partie, même depuis un smartphone, même pour un gros AAA. Tout cela grâce à la magie du streaming, les jeux, à nouveau, ne tournant pas sur notre matériel, mais à distance, chez Google. Le géant des Internets y est allé à l’esbroufe pendant la présentation de Stadia, voulant impressionner, mais se montrant assez avare en détails.
Et depuis qu’on en sait plus, notamment sur le modèle économique, la hype accuse une petite chute de framerate…! En effet, on a appris qu’à son lancement, peu de jeux seraient compatibles avec le système (une trentaine), et surtout, il faudra payer ses jeux plein pot pour en profiter sur Stadia… qu’il faudra également payer ! Le service coûtera en effet dans un premier temps autour de 10€ par mois. Une offre gratuite, proposant moins de services et nommée Stadia Base devrait faire son apparition par la suite.
En fait la révolution gaming de Google, ce n’est ni plus ni moins que la location d’une carte graphique ! Ce n’est pas complètement négligeable quand on voit le prix d’un PC pouvant faire tourner des AAA aujourd’hui, mais ce n’est pas non plus le bouleversement annoncé. Et cela aura un effet pervers : Stadia risque de nous déposséder de nos jeux pourtant achetés au prix fort, puisqu’en dehors du service, ils seront probablement inutilisables Audacieux, disions-nous, car il faut être honnête : un tel modèle, s’il n’était pas soutenu par une machine de guerre telle que Google, on n’y croirait pas du tout…
Le régional de l’étape Shadow
Shadow, solution de la start-up française Blade, a déjà quelques années d’activité (la société est née en 2015), et semble un peu plus avancée que Stadia de Google. Alors, qu’est ce que c’est que Shadow ? Simplement (si on peut dire…), un PC délocalisé. Quand vous êtes abonné à Shadow, vous démarrez depuis plus ou moins n’importe quel écran (compatible avec l’app Shadow) un PC hébergé à distance, celui-ci sera streamé sur votre écran.
Ainsi, vous avez peut-être l’un de ces petits PC à 200€ dont le clavier est amovible pour le transformer en tablette (voyez ?), bien pratique parce que léger et mobile, mais assez pauvre niveau ressources… Pourtant, avec l’app Shadow, vous y ferez tourner sans problème Cyberpunk 2077 dès sa sortie ! Le truc, c’est que le jeu tourne en fait sur une autre machine, streamée sur votre petit PC.
Les machines ainsi “louée” par Blade sont équipée comme tel : Intel Xeon (plus ou moins un Core i7), GeForce GTX 1080, 12 Go de RAM, 256 Go de stockage et Windows 10. Démarrer l’app Shadow vous emmène sur un écran de démarrage Windows, et après, tout se passe comme si vous étiez sur un PC à la maison : vous profitez de l’intégralité des possibilités offertes par un PC, sans limitation de catalogue ou de partenariat. Par contre, vous achetez également tout, comme sur un PC classique.
L’avantage face à Stadia, c’est la taille du catalogue, mais aussi le fait de pouvoir bénéficier d’un vrai PC complet. Libre à vous d’y installer une suite logicielle pour y faire des effets spéciaux ou de la modélisation 3D, même si la solution a d’abord été pensée pour le gaming. L’avantage face à un PC, c’est l’investissement de base qui n’est plus nécessaire, et une machine dont le matériel est mis à jour régulièrement, sans coût supplémentaire.
Une petite “box” assez élégante et baptisée Ghost est proposée, et permet de bénéficier de Shadow, par exemple, sur sa télé, et d’avoir à disposition des ports USB (2.0 et 3.0), bienvenus pour les clavier, manettes, et périphériques locaux de stockage.
Shadow coûte 29,90€ par mois avec un engagement de 12 mois (39,90€ sans engagement). Le premier mois est toujours sans engagement, pour vérifier que le service vous convient, et convient à votre connexion… L’abonnement, c’est par ici.
Les points positifs :
- Pas de limite au catalogue
- Un usage plus large que le gaming
- Consommez Français ! Les machines se trouvent à Marcoussis
Les points négatifs :
- Un tarif qui fait réfléchir
- Une qualité trop dépendante de la connexion du client
- Quelques bugs ou incompatibilités relevés dans le forum des utilisateurs
- Un stockage trop limité (256Go) – des options d’extension devraient être proposées
Le rétrofuturiste Antstream Arcade
Dans la tendance, mais pas dans la même direction (quant à savoir si c’est la bonne…), Antstream sera bien, lui, une sorte de Netflix du jeu vidéo, mais un Netflix qui ne proposerait que des VHS ! Le catalogue du service ne comporte en effet que du rétro. Et du bien, bien rétro ! Au programme, uniquement des jeux issus des sorties Spectrum, Commodore 64, arcade, et quelques rares jeux Mega Drive. Plus de 400 jeux au compteur tout de même, pour des titres s’étalant de la préhistoire à l’antiquité du jeu vidéo.
Pour vivre néanmoins avec son temps, Antstream ajoutera à ces classiques des manières de jouer bien contemporaines, comme des modes speedrun ou boss rush. Un tableau de scores mondial devrait également être de la partie, offrant aux fameux high-scores où tu pouvais rentrer 3 lettres de ton prénom une belle mise à jour…! Comme pour ses collègues, on accède à Antstream depuis une app sur PC, Xbox One et mobile, avec un support manette, clavier, écran tactile. Ici, c’est du stream illimité, c’est-à-dire qu’on a accès à l’intégralité du catalogue tout le temps que l’abonnement est valide. Abonnement qui est proposé à 9,99£ par mois, soit un tout petit peu plus de 11€ au taux de change actuel.
Financé grâce à une campagne Kickstarter, le service vient d’ouvrir en bêta exclusivement pour ses backers. Il s’ouvrira pour le Royaume Uni le 1er juillet, puis plus largement par la suite. Pour voir la liste complète des jeux proposés à l’heure qu’il est, et suivre l’arrivée du service en France, c’est sur le site officiel !
L’inattendu CareGame
Start-up française (l’hexagone décidément à la pointe du cloud gaming !) soutenue par Ubisoft, CareGame propose une solution de cloud gaming se concentrant sur mobile. Le concept de la société, c’est d’apporter la meilleure expérience de jeu mobile quel que soit le matériel, sans aucun téléchargement.
Il s’agira encore une fois de streamer les jeux sur son mobile. Ainsi, n’importe quelle tablette ou téléphone, sans souci de version d’Android, de puissance, ou de place sur la carte mémoire, pourra faire tourner les derniers jeux disponibles… Si le Wifi est aujourd’hui conseillé, la société a la 5G en ligne de mire… Une évolution des réseaux qui permettra une qualité de stream optimale n’importe où, n’importe quand.
Et, encore meilleur : le service serait totalement gratuit ! À ce tarif, il est probable qu’on n’ait que les jeux free-to-play. Rien n’est évoqué à ce sujet, mais difficile d’imaginer sérieusement qu’on puisse jouer gratuitement à des jeux qui coûtent parfois 10 ou 20€ (les jeux Square Enix, par exemple) en passant par CareGame… Rien non plus sur les “exclus”. Pourra-t-on streamer une exclu iOS sur un appareil Android, ou l’inverse ? Une bêta devrait démarrer cet automne. Le meilleur moyen de répondre à ces questions serait peut-être de s’y inscrire !
Le cloud gaming, l’avenir lointain des jeux vidéo
Cette liste n’est pas exhaustive, et on aurait pu évoquer GeForce Now (en bêta), les abonnements jeux vidéo sur les box TV (c’est aussi du cloud gaming !) , les essais japonais sur Switch (AC: Odyssey ou RE7), ou le futur Apple Arcade, plutôt alléchant (et c’est un allergique notoire aux i-trucs qui écrit cela!). Toujours est-il qu’à chaque solution, il y a certes, des réussites techniques, parfois impressionnantes, mais aussi des limitations. Ce qui nous laisse à penser que le cloud gaming n’est pas près de remplacer notre bon vieux hardware…
Si sur Mac, le cloud gaming constitue enfin une manière viable de jouer, pour les autres joueurs, cela constituerait au mieux un système complémentaire. Encore faut-il que le prix ne soit pas rédhibitoire… En ce sens, l’offre gratuite à venir Stadia Base pourrait réussir à trouver son public.
Mais si de tous les acteurs aujourd’hui présents, tous ne résisteront pas à la concurrence, ceux qui resteront le devront très surement à leur catalogue. Après la guerre des consoles dans les années 90, la guerre des clouds en 2020 ?
Netflix contre Apple Arcade, l’autre guerre des consoles ?
n1co_m
Netflix gaming – Doucement, mais sûrement
n1co_m
Stadia est mort ! Longue vie au cloud gaming !
M⅃K