On a déjà pu en parler ici ou là, les décisions relatives aux taxes douanières de Donald Trump risquent d’avoir un impact important sur le marché du jeu vidéo, notamment sur le prix des jeux en boite ou même sur celui de la Nintendo Switch 2. On ne parle ici que de prix, et les supporters du Président américain pourrait argumenter qu’en retour, une meilleure situation économique du pays induite par cette politique permettrait aux gens d’assumer les augmentations. On n’y croit pas, mais admettons, l’argument est recevable.
Mais on lit aujourd’hui dans Aftermath que la politique anti-immigration et anti-woke du gouvernement Trump pourrait gâcher la fête qu’est la GDC (Game Developers Conference), et plus largement abimer cette dynamique créative propre au jeu vidéo.
La GDC se tient depuis hier et jusqu’à la fin de la semaine comme chaque année, à San Fransisco. Contrairement à d’autres rassemblement autour du jeu vidéo, tels que la Gamescom ou le défunt E3, il s’agit ici d’un évènement qui cible essentiellement les professionnels (c’était dans le nom du salon… !), et qui leur permet de se montrer, de réseauter, d’assister à des conférences souvent techniques et pointues. C’est un lieu d’émulsion qui, pour citer la page web gdconf.com, « depuis 30 ans, a rassemblé des milliers de développeurs pour qu’ils apprennent, progressent, et entrent en contact les uns avec les autres ».
Or, certains développeurs ont pu confier à Aftermath qu’ils avaient annuler leur voyage à la GDC cette année, et ce en lien direct avec les décisions de Donald Trump.
« J’avais des billets d’avion, un hôtel et un pass pour la conférence, et j’ai décidé d’annuler la semaine dernière en raison de la possibilité d’être refoulé à la frontière parce que je suis trans – ce qui, selon un projet de loi récent, pourrait être considéré comme une fraude », a déclaré Lóa Gunnars, développeuse et professeure à Reykjavík, en Islande (traduit par la rédaction).
Dans le même ordre d’idée, Jill Murray, scénariste ayant travaillé sur des titres aussi important qu’Assassin’s Creed IV: Black Flag ou Shadow of the Tomb Raider a déclaré à Aftermath : « [Le point de rupture] a été de voir à quel point les amis trans et BIPOC [pour Black, indigenous and people of color – NDLR] avaient peur de traverser la frontière. Je le prends au sérieux et je ne veux pas vraiment aller là où ils ne peuvent pas aller ».
Et le racisme plus ou moins affiché, la transphobie, et autres intolérances du genre, ne sont pas les seuls motifs qui tiennent les développeurs éloignés de la GDC. Le canadien Benjamin Rivers, fondateur de BancyCo (Alone With You…), a également décidé de rester de son côté de la frontière. Il déclare à Aftermath :
« La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été les menaces économiques et militaires constantes et répétées du président contre le Canada. (…) Étant donné qu’un grand nombre d’entreprises canadiennes ont décidé d’éviter les produits américains et de se tourner vers des services non américains, et que les citoyens choisissent de plus en plus de ne pas voyager aux États-Unis, nous avons pensé qu’il serait prudent de faire de même. Ainsi, au lieu d’assister à des événements comme la GDC ou la PAX, nous avons choisi de consacrer notre budget marketing à des événements au Canada, en Europe et en Asie. (…) Nous savons que nos amis et collègues américains ne soutiennent pas ce que fait le gouvernement, et les rencontrer lors d’événements comme la GDC nous manquera, mais il semble insensé de voyager dans un pays qui vous a pratiquement déclaré comme ennemi. » (traduit par la rédaction)
Les déclarations de ce type se multiplient dans le long article d’Aftermath, mais aussi sur les réseau sociaux, incluant également des témoignages de créateurs craignant littéralement pour leur sécurité, dans un pays où l’on rapporte que des individus sont placés en centre de rétention pour des raisons politiques ou arbitraires…
Peut-être la GDC (et les autres…) devraient-ils penser à se délocaliser, tournant chaque année dans un pays différent, comme le propose Lóa Gunnars sur son compte BlueSky ? Pourquoi pas, on mentirait si on prétendait que l’idée d’une GDC en Europe et même en France n’était pas une idée qui nous plaît… Cependant, on regretterait aussi la disparition de la GDC dans son modèle actuel, surtout si c’est un signe de l’évolution du climat créatif américain.
Évidemment, il ne s’agit « que » de jeu vidéo, et les remous que connait le monde en ce moment entraînent des conséquences bien plus graves que ce sur quoi nous écrivons ici. Cependant, ce qui se passe autour de la GDC est aussi symbolique de ce qu’il se passe sur le territoire américain, au niveau culturel et même au-delà. Et peut-être ce (petit) mouvement de développeurs indépendants qui renoncent participera à une prise de conscience plus importante ?
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