Fiche de perso est une rubrique dans laquelle nous tirons le portrait d’acteurs du jeu vidéo, réels ou fictifs, qui pèsent ou ont pesé sur l’industrie. Aujourd’hui, à quelques semaines de la sortie de It Takes Two, on tire le portrait de son fantasque créateur, Josef Fares, l’homme qui creuse le gameplay pour lui donner un sens.
Si au cinéma on connaît les réalisateurs, dont les noms s’affichent quasi-systématiquement en gros sur les affiches de film, dans le jeu vidéo, on va surtout s’arrêter sur le nom des studios. Tout le monde connaît Playdead, mais combien sommes-nous à pouvoir citer le réalisateur ou le lead designer de Limbo ? En France, nous sommes particulièrement fiers de Dontnod, Asobo ou Arkane. Mais qui pourrait citer les noms des personnes qui font tourner ces studios ?
C’est pourquoi quand un nom se détache, ça veut dire quelque chose ! On connaît les noms de Kojima, Swery ou Suda51 parce que leur œuvre, leur vision du jeu vidéo se détache du lot. De même pour David Cage ou Peter Molyneux. Ou Josef Fares, dont il est question ici.
Le grand public qui s’intéresse un peu au jeu vidéo a peut-être découvert le personnage en 2017, alors qu’il donnait un discours passionné, peut-être un peu trop d’ailleurs, à l’occasion de la sortie de son jeu A Way Out. Son « Fuck the Oscars » est devenu un meme, et l’internet s’est mis à le comparer au bizarre Tommy Wiseau, réalisateur de The Room, considéré comme l’un des pires films de l’histoire du cinéma.
Une comparaison pas franchement juste, parce qu’au contraire de Wiseau, Fares est bon dans ce qu’il fait. Très bon, même.
Né au Liban, Josef Fares arrive avec sa famille en Suède pour fuir la guerre civile. Il avait 10 ans. Il suivra des études de cinéma, et son premier film, Jalla ! Jalla ! sortira en 2000. Gros succès dans son pays d’origine, il recevra de nombreuses nominations et nombreux prix. Après la comédie Kopps, en 2003, Fares sort Zozo en 2006. Le film se déroule durant la guerre du Liban et est partiellement autobiographique. C’est à nouveau un grand succès, et les nombreux prix reçus par le film installent Fares comme une valeur sûre du cinéma suédois.
Un succès sur lequel il aurait pu se reposer. Mais en 2013, après cinq films, de nombreuses récompenses et une belle reconnaissance, déjà, Josef Fares se lance dans le jeu vidéo avec Brothers: A Tale of Two Sons. Le jeu raconte les aventures de deux frères qui partent en quête d’un remède pour leur père malade. Le gimmick principal du jeu sera qu’on contrôle seul les deux personnages en même temps, un frère par stick.
Et même si cela est parfaitement réalisé, c’est loin d’être la seule chose que le titre a à offrir. La narration est sombre, grave, et tranche avec l’esthétique cartoon ; les side stories sont elles magistralement intégrées à la progression, laissant le joueur libre de s’y arrêter un instant, ou pas.
Mais surtout, Fares réussit le tour de force de raconter son histoire à travers le gameplay. C’est-à-dire que ce que nous faisons avec la manette a du sens, et ne fait pas que contrôler les personnages à l’écran. L’histoire se déroule aussi sur les boutons de notre contrôleur, et ce sera peut-être la première fois que le fait de pousser la gâchette R2 nous aura tiré une larme !
Il faut dire que Fares venant du cinéma, avec derrière lui une carrière réussie, qui plus est, il sait la différence fondamentale, essentielle, entre un jeu et un film, et ce que cela implique en termes de narration. L’interactivité qui fait toute la différence entre jeu et cinéma sera vraiment au centre de son jeu, évitant, pour un cinéaste, les défauts qu’on reproche parfois (souvent) à des titres tels que ceux de Quantic Dreams. On ne s’écriera pas tout de suite que Josef Fares est un génie, mais son premier film fut tout de suite un succès, et son premier jeu un chef-d’œuvre…
Pour son second jeu, A Way Out, Fares repense encore l’interactivité. Si le jeu est cette fois très narratif, les joueurs n’ayant que peu de poids sur la façon dont avancera l’histoire, l’interactivité ne se joue plus entre le jeu et le joueur, mais entre les joueurs eux-mêmes. Le jeu est privé de mode solo et ne se joue qu’en coop, et les deux joueurs ne pourront avancer qu’en s’entraidant, jusqu’à un final qui… Chut !
Si le succès critique est moins retentissant que pour Brothers, le jeu trouve son public et permet à son auteur de conserver une belle cote d’amour auprès des joueurs. À noter que l’un des deux rôles principaux, Léo, est tenu par le frère du réalisateur, qui porte le nom rigolo de Fares Fares, et qu’on a pu voir dans la série de films Department Q tirés des polars de Jussi Adler-Olsen.
Le 26 mars prochain sort It Takes Two, prochain jeu de Josef Fares et de son studio Hazelight, qui imposera à nouveau de se faire à deux joueurs. Si on a hâte de le découvrir, c’est bien entendu sur la foi du nom de Fares.
Mais c’est aussi parce que le bonhomme nous promet cette fois à travers les communiqués de presse du jeu de nous emmener « dans une fusion métaphorique entre gameplay et scénario, repoussant plus que jamais les limites de la narration interactive ». Soit le meilleur de Brothers et de A Way Out. Sûr de lui, et fidèle à sa réputation de « grande gueule », le réalisateur a d’ores et déjà promis de payer 1000$ de dédommagement à quiconque s’ennuierait vraiment sur le jeu !
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