Depuis près de trois décennies, l’Evolution Championship Series, plus communément appelé EVO, trône comme l’événement phare de la scène des jeux de combat, attirant chaque année des milliers de passionnés, de Las Vegas à Tokyo. Mais cette vénérable institution vient d’entrer dans une nouvelle ère. Après le retrait de Sony, qui avait surpris l’industrie en 2021 en devenant co-propriétaire de l’événement, le tournoi passe désormais sous le contrôle partiel d’une société saoudienne.
En effet, RTS, entreprise qui codirige l’EVO, a été acquise par Qiddiya, méga-projet de ville futuriste en construction à Riyad, financé par le Fonds d’Investissement Public saoudien et piloté par le prince héritier Mohammed Ben Salmane. Un rachat s’inscrivant bien évidemment dans la stratégie globale de l’Arabie Saoudite : diversifier un maximum son économie, investir dans les industries culturelles et se positionner comme un acteur incontournable du divertissement mondial.
Entre soft power et gamingwashing
Ce n’est pas la première incursion de Riyad dans l’industrie vidéoludique. Le Fonds d’Investissement Public possède déjà SNK, et détient également des parts dans plusieurs géants du secteur, dont Nintendo, Capcom ou encore Nexon, et multiplie les incursions dans l’esport. L’Arabie saoudite a même organisé en 2024 la première “Coupe du Monde d’esports”, présentée comme un événement phare de la « vision 2030 », son programme de transformation économique et culturelle. Ces initiatives, qui représentent des milliards de dollars investis, traduisent une stratégie assumée de “soft power” et de “gamingwashing” visant à s’implanter durablement dans l’écosystème du jeu vidéo mondial.
Les propos de Muhannad Aldawood, directeur de la stratégie chez Qiddiya, sont sans équivoque :
« Cette acquisition permettra à Qiddiya de continuer à nourrir la croissance de l’EVO, l’événement de jeux de combat le plus emblématique au monde, avec un potentiel illimité. »
Un discours qui, tout séduisant qu’il soit, interroge sur l’avenir de la compétition : cette manne financière sera-t-elle synonyme d’opportunités pour la scène du versus fighting, ou bien de la normalisation d’une stratégie géopolitique plus vaste ?
Car derrière l’ambition se dessine une réalité autrement plus sombre ; l’Arabie Saoudite demeure l’objet de critiques récurrentes pour ses atteintes aux droits humains, la répression systématique de ses opposants et les zones d’ombre qui entourent certaines affaires internationales retentissantes. Qiddiya, vitrine futuriste censée incarner la modernité triomphante du royaume, n’échappe pas non plus aux controverses : son édification a nécessité l’expulsion forcée de communautés locales, soulevant l’indignation des ONG et jetant une ombre durable sur son vernis d’utopie.
Dès lors, une question s’impose : sommes-nous, en tant que communauté de joueurs et spectateurs, prêts à accepter que le jeu vidéo serve de paravent à une dictature cherchant à polir son image internationale ? En tout cas, il est difficile de ne pas voir dans cette stratégie un miroir aux alouettes : une façade éclatante qui dissimule une réalité que ses dirigeants voudrait faire oublier sur la scène mondiale.
Promesses et craintes pour cette Nouvelle Ère
L’arrivée de Qiddiya et de Nodwin Gaming (qui avait repris les parts de Sony) pourrait donc annoncer des investissements considérables : meilleure diffusion, infrastructures modernes, ouverture à de nouveaux publics. Déjà, les deux entités ont inauguré des bureaux à New York pour renforcer les synergies avec les partenaires occidentaux.
Cependant, cette évolution ne fait pas l’unanimité. Certains membres de la communauté redoutent que l’esprit d’origine de l’EVO, à savoir celui d’un événement créé par des passionnés, pour des passionnés, se dilue au profit d’objectifs commerciaux et politiques. Les participants et le public seront-ils disposés à participer à cette campagne de « gamingwashing » en faisant abstraction des véritables objectifs du nouveau financeur du tournoi ?
À l’horizon, l’édition européenne prévue à Nice en octobre fera figure de test. Si le tournoi conserve son âme et sa convivialité, il pourrait convaincre les sceptiques que cet afflux de capitaux n’est pas synonyme de trahison de l’héritage… ou bien, au contraire, sceller l’idée que l’EVO a basculé dans une ère où la logique de vitrine et de prestige prime sur l’esprit communautaire qui l’a vu naître.
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