Rétro (mais pas trop), c’est la chronique qui rebondit sur l’actualité pour revenir en arrière et évoquer l’histoire d’un jeu vidéo, ou du jeu vidéo. Avec la sortie imminent de Dragon’s Dogma 2 et une disponibilité sur le service PS Extra, revenir sur ce qu’était Dragon’s Dogma: Dark Arisen et ce qu’il est devenu aujourd’hui nous paraissait intéressant.
Capcom et Hideaki Itsuno
Il est difficile de parler de Dragon’ Dogma sans parler d’Hideaki Itsuno. Créateur de Star Gladiator ou bien encore de Rival Schools pour les plus âgés d’entre nous, des jeux de combat en versus qui ont plutôt mal vieilli, Hideaki Itsuno est plus souvent rattaché aux jeux Devil May Cry. Si le premier DMC était une réussite et totalement fait sans lui, c’est bien le deuxième opus qui fait monter Itsuno sur le devant de la scène.
Alors, oui, nous vous voyons venir, DMC 2 est reconnu pour être le pire jeu de la licence, mais il faut savoir qu’Hideaki Itsuno répond à l’appel de Capcom pour sauver les meubles face au désastre annoncé en interne. Avec une frustration évidente, Itsuno fait ce qu’il peut recoller les morceaux mais, il est déjà trop tard, le jeu est bâti sur des fondations maladroites et la réception s’avère compliquée.
Itsuno n’en reste pas là. Il demande à Capcom de pouvoir assurer le suivi du prochain titre de Devil May Cry. Capcom accepte, et c’est l’histoire d’amour entre Capcom et Itsuno qui commence. La licence est dorénavant sur des rails plus solides et DMC 3 est un franc succès.
Itsuno n’en reste pas là. Il demande à Capcom de pouvoir assurer le suivi du prochain titre de Devil May Cry. Capcom accepte, et c’est l’histoire d’amour entre Capcom et Itsuno qui commence. La licence est dorénavant sur des rails plus solides et DMC 3 est un franc succès.
Le créatif japonais assurera également la réalisation sur les derniers opus, à savoir DMC 4 & 5 qui seront également reçus correctement. Mais un petit projet germe dans la tête de Itsuno. Inspiré par des univers fantastiques qu’il adore, l’homme sûr de Capcom rêve de créer une nouvelle licence remplie de créatures mythiques. Vous l’avez deviné, il s’agit de Dragon’s Dogma.
Chose intéressante, Capcom est connu pour avoir occidentalisé largement son catalogue de jeu et avoir opéré le virage bien avant les autres studios japonais (Nintendo bénéficie d’une aura particulière et cela nécessiterait de s’étendre, ce que nous n’allons pas faire ici).
De Resident Evil à Shadow of Rome ou évidemment le reboot de Devil May Cry en 2013, développé par les anglais de chez Ninja Theory, le studio fait de l’œil au public occidental et est connu pour cela. L’époque à laquelle est sortie Dragon’s Dogma est vraiment le pinacle de cette opération de séduction japonaise, l’une des volontés avec Dragon’s Dogma n’était d’ailleurs rien de moins que de réconcilier le Japon et l’Occident.
Dans l’évocation de son folklore, Dragon’s Dogma fait de gros clins d’œil aux occidentaux. De par son bestiaire : cyclopes, griffons, gobelins, bref, le bestiaire de D&D si on veut la faire courte, et bien évidemment la figure mythique du dragon. Le dragon prend une place prépondérante dans l’histoire de Dragon’s Dogma (notre sagacité et notre perspicacité légendaires nous avaient alerté avec le titre), et revenir sur cette figure iconique du jeu vidéo permet à la fois de comprendre les enjeux commerciaux de Capcom et aussi de commencer à parler un peu de l’histoire de Dragon’s Dogma.
La figure du dragon dans le jeu vidéo et ailleurs
L’aventure démarre dans un village de pêcheurs, Cassardis, sans prétention dans lequel vous incarnez un héros ou une héroïne et alors que le village s’agite d’une animation toute candide, l’horreur venue d’en haut vient jeter une ombre, littéralement, sur cette petite ville. Un dragon, d’une taille gigantesque fond sur le petit hameau pour en détruire jusqu’à ses fondations.
Intrépide guerrier que vous êtes, vous vous lancez dans un combat inique avec le seigneur des airs. Frappé par votre audace et animé d’une malveillance outrecuidante, le dragon vous subtilise votre cœur.
Sans cœur, vous devenez un Insurgé. Vous êtes maudit, condamné à revivre inlassablement tant que vous n’avez pas récupéré votre organe vital qui, paradoxalement, ne pourra pas vous accorder le repos éternel. Vous voilà embarqué dans une chasse contre le dragon pour récupérer votre humanité et c’est ainsi que le jeu commence.
Sur cette histoire qui prend son envol, on peut commencer à parler de la place du dragon dans le folklore mais aussi de sa place dans le jeu vidéo. Autant, le dire tout de suite, le dragon y occupe une place centrale. Véritable rite de passage, occire un dragon est toujours un énorme jalon et même souvent une fin en soi. Le dragon est d’ailleurs souvent placé en boss final dans bon nombre de RPG. Outre cette symbolique d’objectif ultime héritée de D&D, le dragon ne revêt pas la même symbolique selon les cultures.
En effet, Dragon’s Dogma utilise le versant européen de la figure mythique du dragon. Mais rappelons brièvement ce qu’est le dragon asiatique : le dragon, tout d’abord en Chine, est un symbole utilisé par l’empereur lui-même car il représentait deux éléments, la foudre (et donc le feu) mais aussi l’eau (et donc la fertilité). La répression, représentée par le feu mais aussi la croissance, représentée quant à elle par la pluie. La prospérité donc, mais dans une certaine obéissance.
Il symbolise aussi bien les fonctions royales que les rythmes de la vie. Si l’on va encore plus loin, le dragon était une personnification de l’Empereur chinois : la démarche du dragon était l’allure de l’empereur, la perle du dragon, que le dragon est censé posséder au fond de sa gorge, était la voix de l’empereur lui-même. Le dragon représente donc une forme de pouvoir incontesté et d’autorité absolue.
Cette absolutisme, on le retrouve dans le jeu vidéo. Un personnage arborant les traits d’un dragon, comme dans les jeux Yakuza via les tatouages (cf notre illustration ci-dessus.), ne peut qu’être pris au sérieux ; l’ostentation de ce symbole annonce déjà l’issue du combat. Dans Skyrim (ci-dessus également), les dragons sont parmi les ennemis les plus retors et les plus difficiles à abattre, le personnage du joueur est lui-même Dovahkiin, soit littéralement Enfant de Dragon, et porte l’héritage dans son être de cette puissance et de cette magie unique.
Pour en revenir au symbole du Dragon mais au Japon cette fois, il faut savoir qu’il existe de nombreux kamis qui se rattachent à une image draconienne mais là encore, il s’agit généralement de représentation quasi-animiste des quatre éléments. Vous trouverez donc aussi bien des espèces de dragons célestes, pluviales, terrestres ou aquatiques.
Hormis Ryujin, un des principaux kamis qui est en fait le dieu de la mer, chaque rivière possède son kami, et donc son dragon. On se souviendra de Haku, dans le Voyage de Chihiro, qui n’est rien de moins que l’esprit d’une rivière bétonnée ; ou bien encore du dieu putride qui inquiète autant l’établissement des bains. Il est en fait l’esprit d’une rivière polluée, réminiscences de Miyazaki de la pollution de la baie de Minamata qui aura lieu des années 1930 jusqu’en 1960, mais ceci est une autre histoire.
Comme on le voit, le folklore japonais n’invite pas vraiment à une figure du dragon démoniaque comme elle peut l’être dans Dragon’s Dogma: Dark Arisen. Les influences culturelles sont donc à aller chercher ailleurs, et c’est dorénavant vers l’Ouest que l’on se tourne.
Lorsque l’on étudie un peu plus précisément le mythe du dragon en Occident, on se rend tout de suite compte que l’histoire de Dragon’s Dogma est beaucoup plus inspirée de cette symbolique. Dans la culture européenne, la lutte contre le dragon représente le combat perpétuel entre le bien et le mal. Qu’il s’agisse de Saint-Georges ou de Saint-Michel (cf image ci-dessus à gauche), de nombreux peintres depuis le Moyen-âge ont représenté ce combat sous toutes ces formes.
Aussi, et c’est clairement là que Dragon’s Dogma puise son histoire, le dragon est souvent le gardien d’un trésor extraordinaire. Le mythe des Nibelungen, mis à l’écran par Fritz Lang en 1924 (Cf image ci-dessus à droite), revient sur ce mythe européen du dragon gardien de la vie éternelle.
Un peu à la manière d’un Achille ou d’un Baldur dans God of War (2018), Siegfried se baigne dans le sang du dragon afin de devenir invincible, sauf à un endroit près de son épaule où une feuille de tilleul s’est déposée. Vous vous en doutez, cette vulnérabilité lui coûtera la vie. Dans ce mythe, qui inspirera largement Tolkien et son dragon Smaug dans le Hobbit, le dragon est gardien de la vie éternelle, trésor parmi les trésors, pourtant, Dragon’s Dogma inverse la vapeur avec un dragon voleur de mort qui empêche l’humain de retrouver non pas la vie éternelle mais sa nature mortelle.
Petit twist qui a toute sa saveur et qui montre bien l’impossibilité de caser Dragon’s Dogma dans la mythologie occidentale ou bien encore nipponne. Le jeu joue avec les imageries et mélange les pistes. Avec un dragon démiurge comme décrit dans la civilisation asiatique mais pourtant destructeur et représentant des forces du mal pour le côté européen, le dragon du jeu est en soi une parfaite métaphore de ce qu’est Dragon’s Dogma, un mélange culturel unique.
Toutefois, ce mélange aura clairement desservi le jeu. Censé être un projet fédérateur entre le Japon et l’Occident, aucun des deux côtés n’aura été tendre avec le jeu à sa sortie car aucun public ne pouvait se raccrocher à cette hybridation. Bien sûr, d’autres critères rentrent en ligne de compte, comme nous le verrons dans la seconde partie de ce Rétro mais pas Trop…
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