Disney Speedstorm met les gaz pour une sortie en accès anticipé payant le 18 avril. Le jeu de course cherchant à concurrencer Mario Kart, prévu comme un free-to-play, suivra donc le même chemin que Disney Dreamlight Valley, lui aussi développé par Gameloft pour Disney. D’abord prévu pour une sortie en 2022 avant d’être retardé, le projet, plutôt ambitieux sur le papier, vise à mettre en scène les stars des licences Disney et Pixar sur des pistes de courses inspirées de leurs licences respectives. Le studio avait alors promis de communiquer au plus vite au sujet d’une sortie prochaine : c’est désormais chose faite. Les joueurs les plus impatients pourront, moyennant finance, courir aux côtés de Mickey, Mulan et Jack Sparrow.
Enfin… cela dépend de combien de deniers ces joueurs seront prêts à se délester : Mickey et Donald prendront la route avec le premier pack, le pack « standard », accompagné de costumes, karts et d’une certaine somme de monnaie interne au jeu. Mulan les rejoint dans le second pack, le pack « deluxe », puis Hercule et Jack Sparrow dans le pack « ultime ». Les prix sont similaires à ceux de Disney Dreamlight Valley : une trentaine d’euros pour le pack « standard », une cinquantaine d’euros pour le pack « deluxe », et soixante-dix euros pour le pack « ultime ».
Ainsi, cela semble être la nouvelle tendance des jeux Disney de Gameloft, et peut-être pourrait-on même déjà estimer les prix des microtransactions de Speedstorm en regardant celles de Dreamlight Valley. Cependant, déjà l’année dernière, nous nous inquiétions des modèles économiques des divers projets de jeux lancés par Disney. En effet, depuis leur entrée sur le marché du jeu mobile, les sorties de jeux allant au-delà du modèle free-to-play, de réels pay-to-win, se sont répétées. Ce n’était pas forcément problématique auparavant, les projets ayant vraiment un style de jeu faisant le minimum syndical, mais sur des sorties comme Mirrorverse, Disney Dreamlight Valley, ou Disney Speedstorm, ça pique.
Et avec ces deux derniers projets, Gameloft a choisi un autre moyen de faire passer les joueurs à la caisse : l’accès anticipé payant. Alors, il est certain que Speedstorm est loin, très loin d’être un cas isolé. C’est une pratique qui existe depuis plusieurs années, et ce ne serait pas la première fois qu’il s’agit d’une manière de grappiller quelques sous des bourses des joueurs les plus impatients de mettre la main sur un titre. Cela dit, les accès anticipés payants aux jeux free-to-play sont peut-être parmi les pratiques les plus frauduleuses de l’industrie.
C’est une tactique récurrente depuis plus d’une dizaine d’années que de proposer un accès anticipé de quelques jours comme argument de vente d’une version collector. Le titre le plus récent qui ait fait usage de cette pratique auquel on peut penser est bien entendu Hogwarts Legacy, mais on peut remonter jusqu’à Deus Ex: Human Revolution (2011, Eidos Montréal) pour voir un embryon (rejeté des joueurs) de cette tendance. Tout aussi manipulateur qu’à l’époque, le système d’accès anticipé est pourtant aujourd’hui un des acquis de l’industrie.
Alors, en réalité, pour des jeux solo comme Hogwarts Legacy, ce n’est pas forcément si important : si la tactique de manipulation est regrettable, c’est de bonne guerre. Cela n’en altèrera pas vraiment l’expérience de jeu au-delà de la satisfaction d’avoir été les premiers à arriver dans l’école des sorciers britanniques. Le plus gros risque, négligeable, c’est de voir des commentaires sur le récit du jeu. Le problème devient déjà plus important lorsqu’il est question d’un jeu multijoueur compétitif.
La question s’était posée lorsque Forza 5 avait proposé son accès anticipé : moyennant entre cinquante et cent euros, il était possible de lancer le jeu quatre jours avant la sortie public. Le concept d’accès anticipé est maintenant bien mieux accepté, et cette fois-ci, c’est un succès. 800 000 personnes auront dépensé l’argent nécessaire pour profiter du jeu en avance. Donc, lors de la sortie officielle, ces personnes avaient déjà un avantage sur les autres joueurs : quatre jours d’entraînement en avance, pour un jeu compétitif, c’est énorme. Pour autant, cette situation n’est pas du fait des joueurs, mais des entreprises qui créent ces situations.
Dans le cadre de jeux free-to-play ou pay-to-win, avec des accès anticipés aussi longs que les jeux de Gameloft, la question est plus compliquée. En effet, dans le cas de Disney Dreamlight Valley, un Cosy Game à microtransactions, on voit tout de suite comment l’accès anticipé affecte le jeu : lors de la sortie publique, les joueurs qui auront déjà eu plusieurs mois pour faire leur royaume auront de quoi faire baver les nouveaux joueurs free-to-play. Il est très probable que cette situation mène des joueurs plus fragiles à dépenser, plus que s’ils n’avaient pas été mis dans cette situation.
Ce ne sont pas des comportements spécifiques aux joueurs de titres en accès anticipé, c’est le propre du genre free-to-play. Profiter d’un mimétisme social, de la frustration et de l’impulsivité des joueurs pour faire du profit. Il est pour autant certain qu’avoir des vitrines d’un compte en fin de jeu ne pourrait qu’amplifier ce sentiment.
Pour ce qui est de Disney Speedstorm, la question est plus complexe : cela dépendra de la manière dont seront créés les personnages. Il est évident que ceux qui passeront à la caisse pour prendre un départ rapide auront un avantage lors des courses. Pour autant, pour ce qui est des personnages disponibles, il est très probable que l’intérêt soit mineur sur le long terme : ces jeux pay-to-win comptent souvent sur la sortie d’éléments toujours plus puissants afin d’inciter les joueurs à passer à la caisse. Ainsi, les personnages débloqués par les packs d’accès anticipés perdront de leur intérêt avec le temps.
Enfin, en plus de la prédation économique qu’elle représente, dans le cadre de jeux free-to-play, la stratégie de l’accès anticipé souligne un manque de confiance dans le projet : un accès anticipé, par définition, est un achat à l’aveugle, là où il est plus facile de définir si l’on veut mettre de l’argent ou non dans un free-to-play après y avoir joué.
Finalement, ce n’est pas choquant de voir Disney profiter des techniques les moins scrupuleuses pour vendre leurs titres : triste situation, quand, par le passé, les jeux Disney étaient reconnus de bonne facture, et n’avaient pas besoin de ces artifices pour se vendre.
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