Final Fantasy XIII tient une place particulière dans le cœur et la ludothèque des amoureux de J-RPG. Trilogie mal-aimée, elle est souvent considérée comme le témoignage de la chute des studios japonais au passage de l’ère HD, et comme une épine dans le pied de la saga Final Fantasy. Plus de dix ans après sa sortie initiale, Third Éditions nous propose de repartir dans le temps, et de se replonger dans ce qui aurait dû être le pinacle de la maison FF.
Une exploration qui s’annonce dense et difficile, tant la trilogie est victime d’une aura de mauvais jeu (ce qu’elle n’est pas), et qu’il s’avère ardu de parler d’un tel matériau en gardant son impartialité. C’est pourtant le tour de force réalisé par Jérémie Kermarrec dans l’ouvrage La Légende Final Fantasy XIII.
(Critique réalisée à partir d’un exemplaire adressé par l’éditeur)
De l’alpha à l’omega
L’auteur de La Légende Final Fantasy XIII s’est livré à un véritable travail de titan pour la rédaction de cet ouvrage. Sobrement sous-titré Création-Univers-Décryptage, le livre propose une autopsie de la trilogie Final Fantasy XIII, Final Fantasy XIII-2 et Lightning Returns: Final Fantasy XIII.
Comme à son habitude, la maison d’édition Third livre un objet de lecture passionnant, extrêmement bien documenté et habilement conçu. Le livre est impressionnant tant dans sa structure interne que dans sa qualité d’écriture. Jérémie Kermarrec est à la fois un excellent analyste, mais aussi un écrivain à la plume très sûre, dont le style fluide permet une compréhension et une assimilation des informations très efficaces.
Déjà auteur de Le Légende Final Fantasy XV (décidément, l’auteur semble apprécier les mal-aimés) et co-auteur de Smile Please, la biographie officielle de Nobuo Uematsu (chaudement recommandée pour tout amateur de musique de jeux vidéo qui se respecte), l’écrivain confirme donc son talent de conteur, et de décrypteur expert ès Final Fantasy.
Divisé en cinq chapitres, explorant les différents aspects de la genèse et de la vie de FF13, LLFF13 (pour les intimes) trace ainsi son chemin exploratoire sur près de 500 pages :
- Chapitre 1 : Univers
- Chapitre 2 : Création
- Chapitre 3 : Musique
- Chapitre 4 : Décryptage
- Chapitre 5 : Thématiques
De quoi avoir une appréhension complète de la trilogie de jeux de Square Enix, non seulement de son lore complexe, mais aussi des conditions très étranges de sa création, de réception publique et de sa vie post-lancement.
En ouvrant cette plongée dans l’univers du jeu par une description détaillée de son univers, l’auteur permet de reposer les bases de l’histoire de FF13. Mais il ne s’est pas contenté d’en donner un simple résumé. C’est un travail colossal auquel s’est livré Jérémie Kermarrec en compilant tous les éléments de lore de la trilogie de jeu, et en les restituant de manière chronologique.
Les cosmogonie et chronologie de la trilogie FF13 étant dignes du Silmarillion de J.R.R. Tolkien (et on exagère à peine), on ne peut que saluer les capacités d’agrégation et de synthèse de l’auteur. L’histoire de Bhunivelze, de Pulse, des fal’Cie et autres Cie’th n’aura plus de secret pour vous après la lecture de cette première partie.
Dans le but de repousser les limites du monde jusqu’à l’infini, Pulse se mit à déblayer l’immense terre vierge. À partir de fragments de son être, il créa les fal’Cie : des entités dévouées, dotées d’une mission (ou « Tâche ») à laquelle ils ne pouvaient se soustraire.
Un enfantement dans la douleur
Le gros morceau de cet ouvrage est le récit de la création de la trilogie FF13, digne d’une série télé perdue quelque part entre 10% et House of Cards. Entre jeux de pouvoir, départ de figures emblématiques de la société (Hironobu Sakaguchi, créateur historique de la saga Final Fantasy, quitte Square avant FF13), et décisions dictées par les égos de grands pontes, avec le recul, il est presque miraculeux que Final Fantasy XIII ait pu atterrir chez les revendeurs.
Premier FF développé sur PlayStation 3, les enjeux étaient particulièrement importants pour Square Enix. Annoncé au départ comme une trilogie de jeux baptisée Fabula Nova Crystallis (« nouveau mythe de cristal ») composée de trois opus, FFXIII, FF Agito XIII et FF Versus XIII, rien ne se passera comme prévu pour le maudit treizième.
À la différence de Final Fantasy X-2, et surtout de la Compilation of FFVII, le treizième épisode est pensé dès le départ sous une forme multiple, au lieu d’être bricolé après coup en greffant des suites plus ou moins habilement sur un titre déjà existant.
Alors que tout était planifié, pour des raisons économiques, artistiques et de conditions de travail ubuesques (crunch, délais impossibles à tenir, harcèlement, direction aux fraises…), la trilogie finira par voir le jour sous une forme très différente de celle imaginée au départ. Final Fantasy Versus XIII finira même par devenir Final Fantasy XV…
Jérémie Kermarrec réussit à retracer cette triple genèse avec brio. Le récit est si passionnant que l’on a presque l’impression de suivre un roman policier où à chaque page une nouvelle révélation peut tout faire basculer.
Un peu de philo
La Légende Final Fantasy XIII se lit donc comme un roman. Et après la fin du chapitre dédié à la musique (intimement liée au développement technique du jeu, et elle aussi soumise à toutes les turpitudes), et celui dédié au décryptage du contexte économico-social dans lequel la trilogie FF13 a été lancée, l’auteur se livre à une analyse thématique de la trilogie.
FF13 restant un FF malgré tout, les grands thèmes de la saga y sont bien présents. Du mythe de la création à la présence des cristaux, en passant par le questionnement de la vie après la mort, et celui des progrès technologiques, l’auteur ouvre le champ des possibles de la réflexion, toujours avec justesse et finesse.
Osant la comparaison avec des œuvres majeures du cinéma ou de la littérature, Jérémie Kermarrec enrichit le propos du livre en l’alimentant grâce à des références culturelles très à propos. Ceci permet d’apporter un autre regard sur FF13, qui est le fruit de très nombreuses influences (comme toute œuvre artistique) et également d’amener la réflexion sur le domaine, hors des murs du jeu vidéo.
Les longs-métrages présentant un futur terrifiant se multiplient à partir des années 1970, dont Soleil Vert (Richard Fleischer, 1973) ou L’âge de Cristal (Michal Anderson, 1976). En 1982, Blade Runner de Ridley Scott éblouit par son esthétique mêlant science-fiction et film noir, qui a façonné l’imagerie contemporaine de la dystopie.
Il s’agissait de la meilleure manière possible de conclure son livre, en apportant une réelle respiration et en ralentissant le rythme de lecture après le trépidant récit de la genèse de la trilogie FF13.
On ne peut faire qu’un seul reproche mineur à La Légende Final Fantasy XIII : un manque d’illustrations. Enrichi de quelques documents de conceptions ou de quelques artworks, le livre aurait figuré au panthéon des œuvres que tout joueur se doit d’avoir lues. Mais en l’état, il est déjà un livre indispensable pour quiconque s’intéresse au développement de jeux vidéo et pour qui garde un souvenir, bon ou mauvais, de l’expérience Final Fantasy XIII. Une masterclass.
Fiche Technique
- Maison d’édition : Third Éditions
- Auteur : Jérémie Kermarrec
- Prix : 34,90 €
- Pagination : 480 Pages
- Format : 16 x 24 Cm
- Couverture : cartonnée
- Impression : noir et blanc
Lien d’achat : édition standard
Extrait – La Légende FFXIII
Sekiro: Shadows Die Twice décortiqué chez Third Editions
n1co_m
Death Stranding, ou quand Third Editions essaie de créer du lien
Riku
Cowboy Bebop: Deep Space Blues par Third Editions
Drakyng