Adapter un jeu qui brille plus par ses propositions sportives que pour son scénario n’est pas chose aisée. D’ailleurs, qui d’entre nous n’a pas été incrédule lorsque Sony a annoncé la préparation d’un film Gran Turismo ? Mais ça, c’était avant que l’on apprenne quelques détails supplémentaires, et qu’en réalité la production ne se baserait pas sur les jeux, mais sur des faits réels lié à la GT Academy.
Une initiative pilotée par Nissan qui avait pour but d’offrir à l’un des meilleurs joueurs de Gran Turismo l’opportunité de prendre part aux courses qui l’ont tant fait rêver. Plus particulièrement, l’histoire de cette transposition cinématographique avait pour objet la success story de Jann Mardeborough, un jeune joueur, plus que passionné par le jeu, devenu pilote de course, et l’un des meilleurs de la profession (si l’on en croit ce qui nous est narré).
Certes, vouloir reprendre de telles prouesses est quelque chose de louable. Mais, c’est aussi s’exposer à quelques risques. Lesquelles ? Déjà, de servir un simple biopic insipide qui s’emploie seulement à mettre en scène un destin extraordinaire pour finalement tomber dans un modèle on ne peut plus éculé. Néanmoins, si l’on excepte cela et d’autres points négatifs, Gran Turismo arrive plus ou moins à tenir la route.
Gloire à Polyphony Digital !
Quand le film s’ouvre, l’intention est claire. On tient à nous servir un bref point de contextualisation, histoire de situer un peu la série et de souligner son importance. Une introduction qui sera évidemment plus utile aux néophytes qu’à ceux qui ont déjà mis un pied dans le monde du jeu vidéo. Car, de près ou loin, rares sont les joueurs qui n’ont jamais entendu parler de la licence. Le ton est plus qu’élogieux. On y vante tous ses mérites. Quoi de plus normal, après tout !
PlayStation Studio ne va tout de même pas dénigrer son produit. Et qu’on soit ou non d’accord avec ce qui est dit importe peu au final. Toutefois, ce qui peut être légèrement gênant concerne le fait que l’on y fait très souvent référence. Ce qui laissera la fâcheuse impression que l’on assiste à une auto-promotion.
Tout y est pour rendre hommage au matériau d’origine, à commencer par son créateur, lequel est d’ailleurs auréolé de tous un tas de superlatifs. Mais c’est surtout via un caméo que ce dernier – le bien célèbre Kazunori Yamauchi – est mis en avant. Les fans apprécieront probablement cette présence à l’écran.
Concernant la série vidéoludique en elle-même, on trouve une référence (très furtivement par le biais d’un écran) à son récent vingt-cinquième anniversaire. Ce qui est, en quelque sorte, assez anachronique, les événements racontés étant censés dater des années 2010. Une petite liberté qui n’est apparemment pas la seule prise par la production. À vrai dire, Gran Turismo nous apparaît comme une adaptation qui prend quelque peu ses distances avec les faits réels qu’il veut nous raconter.
Le film emprunte en effet de gros raccourcis, en plus d’être fortement romancé. Peut-être est-ce dans un souci cinématographique ? Et qu’il n’y aurait aucun intérêt pour le spectateur de lui fournir un récit empreint de réalisme, sinon de l’ennui ? Sûrement. Il n’empêche que cette volonté de fluidité modifie totalement les faits et se montre même avantageuse à la production. Car, encore une fois, cela participe à une sorte de glorification. Mais bon, il ne s’agit que d’un détail. Prenons donc tout cela comme de la pure fiction et essayons de nous laisser bercer par la proposition.
L’ascension d’un héros
La narration du film suit un schéma tout à fait banal et stéréotypé. Par là, on veut tout simplement dire que ce que l’on voit, on l’a forcément vu un jour et, avouons-le, ça refroidit un peu. Typiquement, le héros est rêveur. Très bon joueur de Gran Turismo, si ce n’est le meilleur, il songe à atteindre des sommets. Chose qu’il lui sera permis de faire avec l’intervention du concours organisé par Nissan visant à intégrer la fameuse GT Academy, laquelle lui offrira la possibilité de devenir pilote professionnel. C’est le récit d’une ascension héroïque : le protagoniste possède des facultés particulières, des épreuves se présentent à lui et il les remporte. Classique.
Il en est de même pour les traits de caractères des personnages du casting. On a, de fait, un père peu enclin à encourager son fils, un frère un peu lourd et moqueur ou encore un entraîneur réticent et distant. Du déjà-vu qui aura donc un goût de réchauffé. Ce qui n’aidera pas forcément à immerger au mieux le spectateur qui devra également faire face à une issue totalement prévisible.
Est-ce rédhibitoire ? Tout dépend de la sensibilité du spectateur, on a envie de dire. Cependant, que pouvait-on en espérer plus ? Un scénario qui l’emporte par son intelligence ? En fin de compte, il ne faudrait pas trop tenir rigueur à cette simplicité, car Gran Turismo prouve ses qualités autre part. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas quelques éléments intéressants dans le script. En vérité, si l’on tente d’emprunter le chemin de l’extrapolation et essayer de trouver à tout prix une signification, le film peut s’apparenter à une leçon de vie.
Laquelle ? Eh bien, la voici : ne jamais baisser les bras et saisir toute occasion qui se présente à nous, même si cette dernière a des origines peu glorieuses. Car oui, ici, il est difficile de dire que ça l’est. On le voit bien, le concours mis en place a avant tout été pensé dans un but marketing, et non pour réaliser un rêve en particulier. Un enseignement juste ? Prosaïque ? On vous laisse en juger par vous-même.
Mais peu importe, ça reste de l’interprétation. En revanche, là où le joueur sera tout particulièrement attentif, c’est dans la manière dont est traité son média favori. Évidemment, on pouvait la voir arriver à des kilomètres, cette douce critique qui nous rabat les oreilles depuis toujours, laquelle est souvent prononcée par ceux opposés aux rêves de notre héros : « ce n’est qu’un jeu, pas la réalité ». Une remarque qui apporte une problématique de taille pouvant alimenter les mauvaises langues avides de charge contre le jeu vidéo.
Car si le héros réussit son objectif, cela serait prouver qu’entre le monde virtuel et le réel, il n’y a aucune différence, et que si ça marche pour la course automobile, on peut supposer que tout peut passer pour la vérité dans un monde fictionnel. Or, ce n’est pas tout à fait le cas. Le film s’emploie à dépeindre la dureté de la réalité, même si pour notre héros, elle est atténuée grâce aux connaissances développées par le jeu. Par conséquent, on revient au point de départ : le jeu vidéo est un véritable simulateur de réalité. Quoique, pas réellement… Ce n’est pas tant le média en lui-même qui est mis en valeur, mais le jeu de Polyphony Digital, qui encore une fois est porté aux nues. On en retiendra la chose suivante : Gran Turismo est plus réel que la réalité elle-même.
Du grand spectacle avant tout ?
Ainsi, on trouvera ce que l’on veut dans le scénario et on essaiera probablement de le rehausser avec des réflexions en tout genre, comme ce que l’on vient d’avoir. Enfin probablement, si besoin est… Toutefois, tel qu’on l’a mentionné plus haut, Gran Turismo a d’autres atouts. Des atouts qui se situent plus sur un plan formel, à commencer par la réalisation menée par Neil Blomkamp – lequel, on s’en souvient, a commencé à se faire un nom dans le milieu avec le très apprécié District 9.
C’est qu’en effet notre œil sera souvent attiré par le soin apporté par l’équipe de production. Que ce soit à propos de la photographie ou de certains plans, lesquels peuvent parfois sortir les personnages de leur banalité et de leur personnalité archétypique, du moins momentanément, et les ceindre d’une certaine aura confinant à la bienveillance.
Et généralement, la prestation du casting ajoute un cachet supplémentaire, les acteurs principaux étant plutôt convaincants dans leur rôle. On ne peut, par exemple, pas vraiment reprocher grand-chose à Orlando Bloom pour ce qu’il propose, d’autant qu’il sort de son registre habituel. On aurait cependant aimé qu’il soit traité avec avec un peu plus de profondeur. De leur côté, David Harbour – qui a le rôle fait sur-mesure – livre une très bonne prestation et Archie Madekwe y parvient honnêtement. D’ailleurs, petite remarque : le duo composé par ces deux derniers fonctionne plutôt bien.
Au final, plutôt que d’endosser le rôle de « créateur », il arbore la casquette du simple « exécutant » dont le but est de donner corps à un film à « grand spectacle », quitte à l’enrober de superflu. Est-ce réussi de ce côté-là ? Assez, oui. Alors, il est vrai que l’on aurait probablement voulu assister à plus de courses, mais généralement, celles montrées sont assez satisfaisantes à voir. Il y a un sentiment vitesse et des cascades assez impressionnantes.
Mais cela suffira-t-il à enlever le sentiment de regret que l’on peut éprouver vis-à-vis de la trame scénaristique ? Pas vraiment, d’autant que l’on pouvait déceler un certain potentiel. C’est comme si les intentions étaient originalement là et que, à cause d’une quelconque raison, elles avaient été réfrénées…
Eh oui, le film aurait vraisemblablement eu plus d’intérêt s’il y avait eu un peu plus de fond, en visant pourquoi pas une sorte de questionnement moral quant à la mise en place d’un concours engageant de parfaits novices et s’attarder, dans la foulée, sur le cynisme de grands groupes prêts à tout pour des finalités commerciales. Mais, a contrario, au lieu de « l’étudier », c’est ce cynisme qui s’empare en quelque sorte du film, qui, comme expliqué plus haut, ne peut nier l’un de ses objectifs principaux : la publicité.
Gran Turismo ne plaira sans doute pas à tout le monde. Et les critiques à son égard afflueront peut-être. Ce qui, honnêtement, sera complètement compréhensible, le travail autour du scénario et des personnages étant loin d’être appréciable. Pour cause, on verra au mieux une redite, au pire de la fainéantise de la part de l’équipe de production ou bien une grande campagne promotionnelle dans tout ce film – car oui, on ne manque absolument pas de souligner la grandeur du jeu Gran Turismo tout du long. Pourtant, de notre côté, on ne lui jette pas pour autant la pierre.
Il est certes un film sans saveur, mais en tant que divertissement comptant sur son esthétique et ses effets visuels, il peut valoir le coup d’œil, malgré sa durée – 2h10 – qui peut paraître assez longue.
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