Depuis un certain temps, nombreux sont les studios qui souhaitent continuer leur aventure sur grand écran. Et l’on comprend sans mal une telle entreprise ; elle permet sans aucun doute de solliciter bien plus de moyens que ce dont peut bénéficier une série. Ce qui crée de bien plus grandes attentes dans la tête des fans, qui, tout de suite, ne peuvent que s’imaginer un traitement des plus favorables pour leur œuvre de cœur.
Le risque de déception est donc là, surtout quand plane le spectre de la fausse proposition artistique, servant davantage comme une “pompe à billets” qu’à une véritable production digne de susciter l’émotion. Est-ce le cas ici avec Chainsaw Man le film : l’arc de Reze ? Non. Fort heureusement !
Le phénomène Chainsaw Man !
Avec Chainsaw Man, le mangaka Tatsuki Fujimoto a donné naissance à une œuvre aux tonalités multiples. Une œuvre qui, si elle s’avère fun, peut aussi être compliquée à saisir. Il y a en effet comme une ambiguïté née de l’incongruité même de l’univers. C’est comme si, avec ce dernier, on plongeait dans un monde placé à la frontière de plusieurs dimensions. Parodie, satire ou premier degré ? Sans doute, y a-t-il un peu de tout cela.
Ayant sans doute acquis sa grande réputation avec l’adaptation animée de 2022, Chainsaw Man narre alors les aventures d’un héros tout à fait particulier, le dénommé Denji. Jeune homme naïf, analphabète, il a grandi sans parent et avec pour tout héritage une dette colossale contractée auprès de mafieux. Il n’a qu’une simple existence d’esclave, privé de vie réelle. Et pourtant, malgré des organes échangés contre quelques sous, il ne se laisse pas aller au désespoir ; son camarade démon/chien Pochita, arborant une tronçonneuse au bout de son nez, est là pour lui remonter le moral.
Un état des choses qui changera quand notre héros acquerra son pouvoir. Mais seulement légèrement… Car, finalement, y a-t-il vraiment une différence avec ce qu’il vivait ? Gagne-t-il réellement quoi que soit ? Eh bien, pas vraiment, selon la rhétorique mise en place par Fujimoto, pour qui le libre-arbitre n’est rien d’autre qu’une illusion. Car oui, derrière son apparence légère, un peu niaise, l’œuvre cache un véritable propos.
Et l’anime en donne une lecture particulière. En sollicitant tous les arts et techniques qu’il peut mettre à profit (couleurs, musique…), il appuie le pessimisme qui le nimbe. Il y a comme une lassitude qui en émane ; une espèce d’atmosphère de fin du monde. Les personnages sont avalés par une sorte de lenteur, symbole d’une sorte de mélancolie révélatrice. Dans le monde Chainsaw Man, il n’y a plus rien à attendre, plus rien à espérer. Indéniablement, le salut réside plutôt dans une conception hédoniste de la vie : la raison est infernale ; les sensations, divines.
Et Boum, c’est l’explosion !
À l’ombre se mêle une très légère lumière que procurent (entre autres) l’ignorance et le désir. Et cela, le film l’explore un peu plus, en adaptant l’arc de Reze, lequel assure la continuité des événements narrés précédemment. Cependant, la valeur du visionnage que l’on nous réserve tient à autre chose qu’à la narration, à son histoire, ou à l’interprétation que l’on peut faire de celle-ci. Non, la partition cinématographique de Chainsaw Man est à l’image de son antagoniste principal (la dénommée Boum) : une fabuleuse explosion. Quand l’action est lancée, il n’y a de fait pas de répit. Le spectateur est transporté dans une avalanche de couleurs, secondé à merveille par la bande-son (tour à tour épique et mélancolique) composée par l’excellent Kensuke Ushio.
Disons-le vulgairement, ça pète ! Ce que propose la réalisation conduite par Tatsuya Yoshimura est réellement jouissif et surtout rondement mené. La tension y est maintenue en continu. Et le chaos qui se crée devant nos yeux n’est jamais perturbant pour le suivi de l’action. C’est parfaitement exécuté, notamment grâce à quelques courts moments contemplatifs laissant apparaître le joyeuse désolation alentour née des combats titanesques qui se déroulent devant le spectateur ébahi.

Et ce qui est parfaitement louable, c’est la liberté dont jouit le film. Comme la série d’ailleurs, il ne fait pas dans la dentelle. Aucun détail n’est omis ou censuré, comme ça arrive parfois. Les corps sont déchiquetés, malmenés et les victimes collatérales sont traitées selon la norme exigée par Chainsaw Man : le poids de l’individu moyen n’est que dérisoire. Le commun est écrasé par un délire total, parfaitement incarné par les acteurs qui lui donnent corps en faisant appel à toujours plus de créativité, allant jusqu’à plonger dans l’absurdité la plus jouissive.
Du fun, que du fun ?
Pour autant, peut-on plaider pour une réussite totale ? On le croit, même si l’introduction a des chances de paraître certainement poussive pour certains. La tonalité est en effet globalement légère, les premières minutes servant en quelque sorte à (re)mettre en place les pions de l’histoire. On y rit volontiers, à condition d’être sensible au comique de répétition.
D’un autre point de vue, ce moment de tendresse est d’une utilité essentiel pour Denji, qui traverse (disons-le ainsi) une période d’éducation sentimentale. Empreinte de chaudes couleurs, elle apporte un développement supplémentaire au héros, lequel est également souligné par celle qui apparaît comme son double. Un personnage qui porte une symbolique intéressante : par effet de miroir, l’existence de Reze en dit beaucoup sur la destinée possible de notre héros.
Plus haut, on disait apprécier cette mélancolie véhiculée par la proposition artistique, et on réitère l’appréciation. Cependant, cette esthétique peut, par moments, paraître quelque peu pompeuse et forcée, dans le but notamment d’intellectualiser le tout plus qu’il ne le faut. Dans ce cas-là, on aurait pu gagner en subtilité. Mais, dans l’ensemble, il n’y a rien à déplorer.
L’arc de Reze est un morceau véritablement marquant, construit pour le médium auquel il est destiné. Et cela, on le voit notamment dans sa structure même : la production présente n’utilise nullement le format cinéma par opportunisme. Contrairement à certains autres, cette adaptation ne prétend pas être un film, elle est bel et bien un film pensé de manière organique et rythmé avec adresse. D’ailleurs, n’est-ce pas de cette manière que l’œuvre a été pensée par son auteur original ?
On le sait Fujimoto et le cinéma, c’est toute une histoire. Il suffit de porter un œil à l’ensemble de sa carrière, et notamment sur Adieu Eri ou même sur les premières minutes du présent film (où l’hommage est parfaitement prégnant), pour en être immédiatement convaincu. Partant de là, on ne peut que féliciter le travail accompli par le studio Mappa.
Non seulement, il nous offre un véritable bonbon, que l’on peut déguster en connaisseur ou non de la licence, mais adresse également une tendre lettre d’amour à l’univers particulier de l’homme-tronçonneuse.

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