Une BD aux allures de manga, mais tout en couleurs, qui met en scène une princesse pas pot-de-fleur, décidée à en découdre avec cette feignasse de Prince Charmant, et dont l’inspiration principale serait ces bons vieux jeux vidéo de la génération 16 bits… Vous seriez partant ? Eh bien montez, parce que c’est exactement là où on va avec Kill The Hero !
Kill The Hero – Don’t call me Babe…!
We don’t need another hero
Dans Kill The Hero, une princesse est évidemment prisonnière d’un château, évidemment cerné par des douves de flammes, et évidemment gardé par un dragon féroce. Elle compte les jours, attendant le Prince qui viendra la délivrer. Cependant, ce dernier se fait un peu attendre, et la Princesse commence à perdre patience. C’est vrai, pour qui se prend-il, ce soi-disant Prince Charmant, à la laisser croupir ainsi dans son cachot ?
L’impatience légitime de la Princesse se mue tout doucement en colère, et elle finit par se dire que si le Prince ne vient pas à elle, alors elle ira au Prince ! Mais qu’il ne s’attende pas à rencontrer une jeune fille fragile enamourée… Non, ça y est, elle a la haine, et compte bien lui régler son compte, à ce fainéant ! Il l’a laissée pourrir dans ce château maudit, et pour ça, il va payer !
Il faut dire que la Princesse, malgré sa petite robe rose, son diadème à cœur et sa frimousse toute chibi, tient plus de la Fiancée de Kill Bill que de la Princesse Peach !
La Princesse énervée expose alors ses doléances au terrible dragon qui la garde. Ce dernier n’étant pas contre l’idée d’aller trucider du Prince, il accepte l’idée d’une alliance, et voilà la drôle de paire en route pour un voyage qui détricotera tous les codes de ces histoires où les princesses sont en détresse et les princes de courageux sauveurs…
Be kind, rewind
Kill The Hero n’aurait probablement pas déplu à Joris-Karl Huysmans, puisqu’il raconte en fait une partie de jeu vidéo à rebours (attention, blague littéraire de haute volée !). En effet, la Princesse et son dragon sont coincés au début du livre dans le dernier niveau, celui que peine à atteindre le Prince Charmant. Dragon qui, d’ailleurs, est aussi le boss final de ce jeu. Joueurs de Super Mario Bros., vous voyez exactement de quoi nous parlons !
Depuis ce dernier niveau, nos deux anti-héros vont remonter jusqu’au début du jeu afin de confronter le Prince, qui semble bloqué à l‘écran de démarrage ! On voit ainsi au cours de l’aventure défiler les panneaux “Level 5”, “Level 4”, Level 3”… tel un décompte qui annonce l’objectif.
Le voyage sera l’occasion de passer par tous les poncifs que nous proposent les jeux de plateforme depuis bientôt 40 ans et la sortie de Mario Bros. sur NES en 1983 : la caverne de flammes, le niveau sous l’eau, le village avec sa boutique d’armes et son “Inn” où dormir et reprendre des forces… Si vous avez posé les pads sur un Mario, un Sonic, un Wonderboy ou encore un jeu comme Castle of Illusions, vous avez les codes nécessaires pour aborder comme il se doit Kill The Hero !
Bien entendu, l’auteur profite de ce background et du mauvais caractère de son héroïne pour balancer un peu sur tous ces tics qui nous énervent dans les jeux : les nombreux allers-retours des quêtes FedEx en premier lieu !
Color me badd
Proche du format manga (ou du livre de poche), la BD peut rappeler le monument Scott Pilgrim, de Brian Lee O’Malley (si vous êtes passés à côté, courez à la librairie, malheureux ! C’est l’une des plus grande BD du monde !). Lui aussi édité en format “manga”, Scott Pilgrim nous raconte les aventures d’un jeune garçon dont la vie regorge de péripéties tout droit sorties d’un jeu vidéo. Comme dans Scott Pilgrim, et comme dans tout bon (et même mauvais) jeu, la Princesse va affronter des boss, perdre des vies (souvent de manière assez stupide, d’ailleurs. Mais ça aussi, c’est “comme dans les jeux”…!), etc.
Par contre, au contraire des mangas ou de la première édition de Scott Pilgrim, Kill The Hero ose le luxe d’être proposé tout en couleur !
Graphiquement, c’est faussement naïf. Un dessin qui laisserait à penser qu’il est à la portée de tous, mais, dont l’efficacité et le dynamisme font preuve de la grande maîtrise de son auteur. On pourrait convoquer ici le génial George Clooney, Une Histoire Vrai (la faute n’est pas de moi!) de Philippe Valette, qui, malgré un style radicalement différent, partage avec Kill The Hero cette apparent “j’aurais pu le faire” (sauf que non, tu en es incapable !).
Et nous ne l’avons pas encore mentionné, mais Kill The Hero ne comporte absolument aucun texte ! Les quelques dialogues présents, très peu, utilisent des pictogrammes. Ce qui rend les pages encore plus dynamiques, puisque tout est dans le dessin, dans l’action. Ce qui a aussi l’avantage de rendre l’aventure accessible à tous les lecteurs, y compris les plus jeunes !
L’histoire et les gags sont en effet bon enfant, et si les plus jeunes ne feront peut-être pas les parallèles avec les classiques du jeu de plateforme, cela ne les empêchera pas de se régaler avec les colères et les gaffes de la Princesse, capable de perdre une vie en butant dans une pierre !
On le sait (au moins) depuis Shrek, le Prince Charmant est un c*nnard. Vaut-il la peine de remonter les cinq niveaux du platformer de Kill The Hero, même pour lui régler son compte ? C’est ce que vous saurez en lisant cette BD de Janosh Stober, publiée aux éditions Lapin (240 pages couleurs, 18 €). Car, oui, bien évidemment, on vous la conseille.
Une aventure où la Princesse oublie un peu d’être une potiche pour tenir le rôle de l’héroïne badass, qui prend comme toile de fond nos classiques préférés de l’ère 16 bits, sans oublier de les égratigner gentiment (qui aime bien châtie bien, après tout…), et qui aurait sa place à la fois dans les bibliothèques des parents, des ados, et même des petits… C’est ce que, dans le milieu, on appelle un Perfect, non ?