Avatar : La voie de l’eau sort treize ans, presque jour pour jour, après l’opus original. James Cameron reste à la réalisation pour cette première des quatre suites attendues, et il devrait garder cette casquette pour au moins les deux prochains films. Le réalisateur acclamé du film ayant engrangé le plus de revenus à l’international (la sortie d’Avatar en Chine en 2021 ayant permis au film de récupérer ce précieux titre, un temps laissé à Avengers: Endgame) nous replonge dans l’univers de Pandora, ce monde qui lui est apparu en rêve durant son adolescence et dont il tente de partager avec nous la richesse avec sa série de films.
On peut d’ores et déjà s’attendre à ce qu’Avatar : La voie de l’eau écrase des records au box-office, avec son timing particulièrement bien choisi : aucun blockbuster n’aura souhaité se confronter à lui sur cette période de fin d’année, et les spectateurs reviennent enfin au cinéma après deux années de disette au sein des salles obscures pour cause de pandémie.
Mais ce qui poussera probablement les spectateurs à aller voir le film, plus que les mystères de Pandora, ce sera avant tout la curiosité de découvrir un autre film de James Cameron. Car comme c’est souvent le cas pour ses différents films, Avatar : La voie de l’eau semble être une excuse et un moyen pour développer de nouvelles technologies cinématographiques.
Challenge et prouesse technologique
Un constat s’impose de lui-même à la fin du visionnage du film : son esthétique est impressionnante. Les Na’vis n’ont jamais été aussi beaux, et les nouvelles îles de Pandora feront rêver les tour-opérateurs. Mais de la même façon que dans le jeu vidéo, l’évolution de ces treize dernières années ne tient pas tant à l’impact de l’évolution graphique (malgré le fait que le nombre de polygones des modèles ait été multiplié par plus de 100). L’amélioration de la 3D, qui tente toujours de s’imposer – avec des résultats plus que mitigés – depuis Avatar premier du nom, ne pouvait pas constituer le seul intérêt technologique du film. Alors, James Cameron et Jon Landrau, producteur du film, ont déplacé celui-ci sur d’autres terrains.
Tout d’abord, pour rendre la 3D plus agréable, les deux hommes ont décidé d’utiliser la technologie HFR, permettant un enregistrement avec un nombre d’images par seconde plus important que l’habituel format cinématographique (24 fps). L’intérêt réside, comme dans le jeu vidéo, dans la netteté impeccable de l’image dans les scènes d’action ou de travelling permise par une fréquence d’images plus importante.
Mais, pour moins choquer l’œil formaté du spectateur comme ce fut le cas pour les premiers films ayant utilisé cette technologie (Le Hobbit, notamment), ils ont décidé de faire varier la fréquence en fonction des séquences : c’est ce qu’on appelle le VFR (Variable Frame Rate). Lors des moments calmes, on reste à 24 fps pour moins déranger, tandis que sur les scènes d’action, la fréquence sera plus importante pour assurer la précision de l’image.
L’autre challenge que Cameron se sera imposé sur le tournage aura été de filmer sous l’eau de la façon la plus réaliste possible. Pour cela, il aura développé une nouvelle technologie de motion capture sous-marin, et poussé ses acteurs à se dépasser dans leurs capacités d’apnéistes (une certaine Kate Winslet a notamment battu le record d’apnée pour une scène du film, détenu jusque-là par Tom Cruise).
Une grande partie du film se déroulant sous l’eau, le réalisateur aura été jusqu’à créer en studio un réservoir d’eau (de 940 000 litres !) pouvant simuler des courants marins, créer des vagues, etc. Et effectivement, le rendu final est incroyable.
Tonton James fait du Cameron
Tout le monde connaît la fascination de James Cameron pour les fonds marins, notamment depuis Abyss et Titanic (mais aussi grâce à South Park), et il est clair que le film est pour lui une façon d’essayer de transmettre cette passion aux spectateurs.
Mais Avatar : La Voie de l’Eau est aussi l’occasion pour le réalisateur de partager avec nous nombre de clins d’œil à ses œuvres précédentes. Les méchas des marines et ce monde en flammes au début du film nous auront forcément remémoré l’univers de Terminator.
De la même façon, les derniers moments du film font penser à la conclusion de Titanic, à une échelle certes moindre. La technique reste impressionnante, mais pas l’originalité. Rien de nouveau, nous direz-vous, car depuis Terminator, les films de James Cameron n’ont jamais brillé par l’intelligence de leur scénario, mais plutôt par leur côté spectaculaire.
On espérait qu’Avatar : la Voie de l’eau puisse se distinguer à ce niveau-là, mais tristement, la réponse est non. Ce qu’il restera finalement à l’univers d’Avatar, ce n’est pas la profondeur de ses personnages ou la richesse de son univers, mais son côté carte postale aux couleurs pastels.
La forme (de l’eau), mais pas le fond
Aussi beau le film soit-il, les clichés qu’il véhicule et la vacuité intellectuelle du premier opus sont des reproches qu’on peut encore faire à cette suite. Et c’est bien dommage tant le lore de l’univers est travaillé : la faune et la flore de Pandora sont en l’état bien plus intéressantes que les personnages du film, dotés d’une logique bancale.
Dès le début, les facilités scénaristiques du film trahissent un manque cruel d’idées sur sa trame. Quel meilleur méchant qu’un clone de l’antagoniste du premier opus ? Ne vous en faites pas, tout va bien se passer : on a mis ses souvenirs dans une petite boîte et on retransfère ça de suite dans un nouveau corps.
Oublié l’unobtanium d’Avatar qui devait sauver la Terre (et pas une seule fois évoqué durant le film). Ici, on introduit une autre ressource inestimable – découverte on ne sait pas trop comment – dont l’histoire aurait très bien pu se passer. Et, sans en dévoiler la teneur, puisqu’on peut transférer des consciences dans d’autres corps, elle perd en plus tout son intérêt…
Il est bien annoncé à un seul moment que Pandora doit être terraformée pour permettre l’arrivée des terriens, mais finalement, tout le monde s’en fout, et tout ce que les colons terrestres voudront, c’est la tête de Jake Sully sur un plateau. Les marines et autres militaires, représentants majoritaires des terriens sur Pandora, auront des dialogue dignes de films de série B. D’ailleurs, aucun d’entre eux n’aura le droit à des lignes pertinentes ou à une véritable présence à l’écran en dehors du colonel Miles Quaritch, simple copier-coller du vilain d’Avatar dont le fait qu’il soit un clone n’est au final qu’anecdotique.
Du côté des gentils Na’vis, on ne s’est pas foulé non plus. En bons pseudo-amérindiens, ils vont avoir moult enfants (au centre de l’histoire), et Jake devra dépasser son statut de militaire pour devenir un père de famille honorable. Là aussi, l’écriture ne volera pas bien haut, et vous rabâchera le cerveau de punchlines débilitantes.
James Cameron puise (encore) dans le thème de la famille, car il touche de façon universelle. Mais abordé d’une façon aussi simpliste pour une production pareille, il rate complètement le coche. Il n’est ici qu’un appât émotionnel pour les foules, et traité avec une platitude regrettable.
Les événements se dérouleront toujours pour une raison stupide, variante d’une façon ou d’une autre de la nécessité d’un personnage de s’affirmer : Jake en tant que protecteur de famille, les enfants en tant que jeunes adultes, le vilain en tant qu’humain (ce qu’il n’est plus) puissant, capable de remédier à une menace, etc. Même le départ de la famille Sully depuis leur forêt jusqu’aux îles des Metkayina (le clan local, très inspiré des Maohis parce que c’est original, voyons) se retrouve dénué de sens, puisque cela n’empêcherait en rien les militaires de lancer une attaque contre leur QG. Mais parce que tout le monde est stupide, les terriens ne profiteront pas de ce départ pour mener une offensive, et vont juste s’intéresser à Jake Sully…
On pourra aussi reprocher quelques défauts d’utilisation de la caméra. Tout d’abord, la VFR est perturbante, donnant l’impression que les personnages ne se déplacent à la même vitesse que le décor, et provoquant un trouble qui aura persisté durant la totalité du film. Côté cadrage, certains plans tiennent, tout comme le scénario, du gros cliché, et nous n’aurons pas été très réceptifs à différents choix artistiques : les légers zooms dans les scènes d’action rappelant les courses-poursuites policières de documentaires américains, le fish-eye au filtre jauni pour un certain monstre marin, quelques gros plans agités sur les visages… Des décisions de réalisation discutables, qui gâchent l’esthétique irréprochable du film.
Débranchez vos cerveaux et ouvrez grand vos mirettes, James Cameron est de retour. Avatar : La Voie de l’Eau est le digne successeur du premier opus. Techniquement incroyable, et tenant de la prouesse cinématographiques, le film hérite cependant des tares de son prédécesseur. On aurait pu espérer que ce temps de production serait bénéfique à l’écriture des dialogues et à la profondeur des personnages, ce qui manquait cruellement au premier Avatar, mais il n’en est rien.
Derrière ses graphismes sublimes et couleurs pastels, le récit est plat, enclin aux stéréotypes, et s’appuie sur des facilités scénaristiques décevantes. Il en reste un film creux, mais à la beauté incroyable, comme c’est souvent le cas avec Cameron, et une planète Pandora dont le lore aura été approfondi. De bon augure pour le jeu à venir, dont le média pourrait se permettre de prendre plus de temps pour étoffer les personnages, mais moins pour les prochains films, dont le troisième est déjà en post-production avec une date de sortie attendue pour 2024.
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