Il semblerait que Bungie soit le dernier studio en date à avoir été touché par la malédiction de 2023. Les employés du studio acquis par Sony en 2023 ont appris la nouvelle en début de semaine : Bungie se défait d’une partie de ses équipes. Selon des sources internes, c’est une centaine d’employés qui sont concernés par cette vague de licenciements. Elle aurait touché tous les secteurs de l’entreprise : développement, artistes, marketing… ainsi que certains employés de longue date, comme le compositeur Michael Salvatori, dans le studio depuis 1997.
Il serait facile de penser qu’il faille blâmer Sony pour la situation. Non seulement l’entreprise est en train de revoir ses plans de jeux à services, sur lesquels Bungie a un rôle de consultant, à la baisse, mais l’entreprise serait, selon certains analystes, dans un processus de restructuration depuis l’annonce du départ de Jim Ryan. Cependant, selon les déclarations d’employés, la situation n’est pas liée aux problèmes rencontrés par Sony, qui aurait en réalité protégé le studio.
Ces licenciements chez Bungie sont en réalité une réaction aux faibles performances de Destiny 2. On parle de revenus près de 45% en deçà des prévisions du studio, ainsi qu’un nombre de précommandes inquiétant pour la prochaine expansion, La Forme Finale.
De manière générale, la situation chez Bungie est très tendue ces derniers mois. Ces licenciements découlent de l’accumulation de conflits entre les développeurs et les chefs d’équipe. Les développeurs ne se sont pas sentis écoutés alors qu’ils remontaient les critiques des joueurs vis-à-vis du contenu du jeu. Les chefs auraient affirmé se méfier d’une « surproduction ». Cependant, c’est bien cette absence d’écoute et de réaction qui cause un désintérêt croissant des joueurs.
Or, ce sont bien les employés en charge de la création du jeu, qui avaient remonté ces problèmes, qui se sont vus être licenciés du studio. Pas les chefs. S’en dégage alors une perte de confiance ainsi qu’un sentiment d’impunité : ceux responsables de la situation s’en sortent sans problème. La situation ressemble à s’y méprendre à celle survenue chez Epic Games un mois plus tôt.
« C’est vraiment bizarre, d’être ceux qui sont licenciés suite aux décisions et performances d’employés provenant de départements avec lesquels nous n’avons pas de lien. » – Un des employés licenciés resté anonyme, au cours d’un échange avec un journaliste d’IGN.
Heureusement, les langues se délient, et il est possible de se faire un portrait plus clair de ce qui se passe chez Bungie. Ce qui ressort surtout du témoignage, ce sont les émotions des employés, qu’ils aient été licenciés ou non : ils sont en colère, frustrés, et, pour ceux qui restent, inquiets pour la suite. Bien que Pete Parsons, PDG de Bungie, se soit voulu rassurant dans son annonce, affirmant que l’entreprise avait gardé les « bonnes personnes » pour continuer à travailler sur Destiny 2, les équipes du studio restent pessimistes.
Ces licenciements ne sont pas seulement en totale contradiction avec les assurances de Sony, ils privent aussi les anciens employés du studio d’avantages dont ils auraient pu profiter pour s’organiser afin de rebondir sur de nouveaux projets. Notamment, de nombreux avantages liés à l’entreprise restent disponibles jusqu’à la fin du mois suivant le licenciement. Or, avec une annonce effectuée le 30 octobre, cela ne laissait qu’une journée aux employés concernés pour prendre des mesures.
De plus, les licenciements remettent en cause une partie de l’argent investi par Sony : parmi les 3,7 milliards de dollars mis en jeu, 1,2 milliards étaient destinés à la rétention d’employés. Selon leur ancienneté et leur rang dans l’entreprise, les employés se voyaient attribuer des parts, croissantes à mesure qu’ils restent dans l’entreprise. Parts… qui reviennent à Bungie maintenant qu’ils sont licenciés.
Cette affaire laisse un studio fragilisé, tant en interne qu’aux yeux du public. Il est clair qu’avec toutes ces déclarations d’ex-employés ainsi que le passé de Bungie, il est difficile de croire à la bonne foi du message se voulant rassurant publié par « l’équipe de développement ».
Enfin, ces licenciements n’ont pas non plus un grand rapport avec les différents retards que rencontrent les titres du studio selon les informateurs de Forbes et IGN. Les deux gros projets du studio, La Forme Finale et Marathon, un projet de shooter, se sont tous les deux vus retardés : la dernière expansion de Destiny 2 ne sortira pas avant juin 2024, et le nouveau jeu ne verra pas le jour avant 2025.
Le retardement du dernier chapitre de Destiny 2 n’est pas surprenant : après l’échec d’Éclipse, il est essentiel que la prochaine sortie soit un succès. Dans le message adressé aux joueurs, Bungie promet une qualité au moins équivalente au Forspoken de Square Enix. Malgré le report accordé au jeu, il reste malheureusement certain que les développeurs seront soumis au « crunch », c’est-à-dire qu’ils seront obligés de ne plus compter leurs heures dans le studio au détriment de leur santé.
Bungie semble souffrir de tous les maux de l’industrie : licenciements, crunch… Ce n’est pas la première fois que le problème est mentionné. Déjà en 2021, il était question d’une culture d’entreprise toxique dans le studio. Si nous mentionnons les licenciements en priorité, il est important de garder à l’esprit que ce n’est pas la seule manière de remercier un employé, même s’il s’agit de la plus visible.
Les QA testers de Bungie ont notamment été victimes des prémices de cette vague de licenciements. Cela fait plusieurs semaines, voire mois, que les employés ont remarqué que les équipes de QA testing se voyaient réduites. En contrepartie, les testeurs restants se sont retrouvés avec plus de responsabilités, sans que la paie ne suive nécessairement.
La Forme Finale est vue comme un test pour Bungie. Selon les sources internes au studio, ces derniers temps ont cristallisé de nombreux débats : l’importance des microtransactions, le prix des anciennes expansions… Les créatifs trouvent que le jeu en abuse, mais la direction estime que tant que les joueurs paient, il n’y a pas de raison de les enlever ou de rendre du contenu gratuit (quand on vous dit que nos porte-monnaies ont du pouvoir…).
Enfin, les sources sont unanimes : la baisse du nombre d’employés n’entache en rien la volonté de Bungie. Le studio cherche à être une force majeure dans l’industrie, et à développer des licences fortes, notamment à travers ce nouvel opus de Marathon. Bien que Sony ait fait l’acquisition du studio derrière Destiny en 2022, il est clair que les problèmes internes au studio dépassent l’implication de Sony ou de Microsoft par le passé. À voir si le studio réussira à remonter la pente, un chemin qui ne pourra se faire que si les exécutifs du studio réussissent à regagner la confiance de leurs équipes et des joueurs.
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