Le BitSummit 2024 s’est déroulé le week-end dernier à Kyoto. Si vous n’êtes pas familier avec cet événement, il s’agit d’un salon dédié aux développeurs de jeux indépendants de tous horizons, mais surtout asiatiques. La première édition a eu lieu en 2013, accueillant près de 200 personnes, et avec comme postulat d’offrir l’opportunité aux indés japonais de montrer leurs créations à l’international. La convention n’a fait que croître au fil des années : en 2023, ce sont quasiment 24 000 visiteurs qui se sont joints à la fête.
C’est aussi un lieu d’événements et de rencontres, cette année Shuhei Yoshida (ex-président de Sony Interactive Entertainement), ou encore Hideki Kamiya (réalisateur d’Okami, Bayonnetta, Devil May Cry) étaient présents. Mais concentrons-nous sur les jeux. Nous vous proposons une petite sélection de quelques titres que nous attendons avec impatience (même si le choix fut difficile).
.45 PARABELLUM BLOODHOUND (Sukeban Games)
Sukeban Games est une petite équipe de quatre personnes dispersées dans le monde entier (Japon, Colombie et Argentine), et nous ayant livré VA-11 Hall-A en 2016, un visual novel dystopique cyberpunk avec une esthétique rendant hommage au PC-98 de NEC. Avec .45 PARABELLUM BLOODHOUND, comment ne pas être frappé par la mélancolie esthétique s’en dégageant, renforcée par sa 3D lo-fi, évoquant nos souvenirs altérés de la PS1 ? Faisant écho à l’œuvre de Tsutomu Nihei (BLAME!), à la série d’animation Serial Experiments Lain, à Ghost in the Shell (la typographie du titre), et tant d’autres.
à gauche, Ghost in the Shell (1995) / à droite Serial Experiments Lain (1998)
À l’instar du chef-d’œuvre qu’est Signalis, sorti en 2022, on remarque que bon nombre de nouveaux créateurs sur la scène vidéoludique aujourd’hui, ont grandit avec l’esthétique et les thèmes de la cyberpunk à la Japonaise des années 80 et 90 : un monde sépulcral, quasi-mort, dans lequel règne un silence assourdissant, dominé par un transhumanisme hors de contrôle rendant l’humanité obsolète et toute tentative de changement futile. Qu’est-ce qui fait la spécificité de la pensée humaine ? Comment vivre et survivre dans un monde vidé petit à petit de tout son sens ?
Mais revenons à .45 PARABELLUM BLOODHOUND, le jeu est décrit comme un « Cyberpunk active time action ». Kézako ? Une des inspirations flagrante est Parasite Eve, on pense aussi à Vagrant Story, tous deux fonctionnant avec un système de jauge ATB. On ne sait pas grand-chose du scénario, seulement que l’on incarne une ancienne tueuse sortant d’une dépression, et voulant reconstruire sa vie… En tuant. Elle devra par la même occasion faire face à ses pulsions autodestructrices. Bref, que du fun. Pour l’instant prévu uniquement sur PC, pas de date de sortie non plus pour le titre : « ça sortira quand ce sera prêt » a confié le studio sur son blog.
Demonschool (Necrosoft Games)
Voilà une tête bien connue dévoilée lors de l’E3 2022, Demonschool est un tactical RPG s’inspirant grandement de Persona, et plus particulièrement de l’un des nombreux spin-offs de Shin Megami Tensei : Devil Survivor. Entre deux bastons contre des démons sur une île mystérieuse, vous devrez vous occuper de votre semestre à l’université. À la manière d’un Persona, construire et entretenir des relations sociales sera primordial à la progression du joueur, pour augmenter ses stats, mais aussi débloquer du contenu secondaire.
Tout ça bercé d’une atmosphère surnaturelle à l’intersection du J-horror et, surtout, du giallo italien (sans l’érotisme), enrobé de sprites 2D se mouvant dans des décors 3D évoquant la Nintendo DS et ses tacticals. À la différence des combats classiques où chaque personnage joue à tour de rôle, Demonschool fonctionne en deux phases : d’abord, vous devrez planifier les actions de toute votre équipe, puis ils agiront simultanément, pouvant créer des combos. Demonschool sortira le 13 septembre 2024, sur PC, Switch Xbox series X|S et PS5, une démo est disponible sur Steam.
Dream Channel Zero (Fuming)
Œuvre d’un solo dev japonais et édité par Odencat (Meg’s Monster), Dream Channel Zero ne peut qu’intriguer avec le twist d’ambiance de son trailer, basculant d’une inquiétante étrangeté un peu loufoque à une fantasmagorie totale, accompagnée d’une dream pop lo-fi chantée et remplie de nostalgie, rappelant Decarnation et ses superbes morceaux du même genre, composé par le duo français fleur et bleue. La soundtrack de Dream Channel Zero est d’ailleurs produite par un DJ américain, Xavier LeBlanc, ce qui peut promettre un melting-pot intéressant d’influences.
Un jeune garçon nommé « Akira » se fait aspirer dans l’univers d’un mystérieux jeu vidéo, il fera la rencontre d’une étrange jeune fille, visiblement remplie de névroses, et partiront ensemble à la recherche d’une sortie. L’aventure prends la forme d’un RPG, et promet que chaque rencontre avec des ennemis sera unique et aura son propre pattern de résolution. Sur leur chemin, nos héros croiseront la route de bon nombre de personnages, tous tout droit sortie du cerveau malade d’un David Lynch japonais sous DMT. La dernière séquence du trailer évoquant aussi l’univers torturé de Requiem, mis en image par Olivier Ledroit. Dream Channel Zero est annoncé pour l’hiver 2024, uniquement sur PC.
SONOKUNI (DON YASA CREW)
Un Hotline Miami-like, développé par un groupe de hip-hop japonais ? Ok deal. C’est la première escapade des musiciens de DON YASA CREW dans le jeu vidéo, et ça ne peux que titiller notre curiosité, le mélange de culture étant souvent porteur de surprises. Le jeu prend place dans un univers cyberpunk mêlant chair et machine, typiquement japonais, avec un soupçon de mythologie locale.
Chaque ennemi doit être battu avec une technique différente selon sa couleur, certains doivent être tués en priorité en entrant dans une arène, d’autres envoient des balles qu’il faudra absorber, etc. Rien d’extraordinaire, mais la boucle de gameplay semble ultra addictive et satisfaisante. Espérons que la bande son contribuera à la viscéralité de l’expérience que propose SONOKUNI. Prévu pour 2024, sans plus de précision, uniquement sur PC.
Tako no Himitsu: Ocean of Secrets (Deneos)
En voilà une belle brochette fromage qui paraît succulente, et en grande partie française. Développé par Deneos, avec à sa tête Christophe Galati (Save me Mr Tako’s), expatrié dans une résidence d’artiste à Kyoto depuis 2023. Nous sommes face à un Action RPG tout pipou, voulant rendre hommage à la GBA, les visuels nous criant à la figure Golden Sun, et … Ah tiens, Motoi Sakuraba en guest à l’OST ? Logique. Il sera aussi accompagné de Masanori Hikichi, connu pour Terranigma, et de Marc Antoine Archier, compositeur du précédent projet du développeur.
Comme d’habitude, nos héros partiront en quête d’aventure pour sauver le monde, tournant autour des thèmes de l’identité de genre, du dépassement des traumatismes et de révolution. Un Kickstarter est toujours en cours pour le titre, et a quasiment atteint le double de la somme demandée (91 000€ actuellement), une démo est aussi disponible sur Steam. Tako no Himitsu sortira sur PC et Switch, et il nous faudra attendre 2026 pour mettre les mains dessus.
Et voilà, c’est fini pour notre petit tour du BitSummit 2024, un salon trop méconnu et tellement rafraîchissant comparé à nos events et lives d’annonce occidentaux, désormais trop prévisibles, où règne en maître un Geoff Keighley bien trop présent. Beaucoup de titres présentent des mécaniques et des concepts intéressants et essaient de tordre le cou aux codes de leurs genres respectifs. À l’année prochaine, BitSummit, tu nous manques déjà.
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