Nul doute que les États-Unis d’Amérique ne sont pas le premier pays à venir à l’esprit lorsque l’on parle de droit du travail, protection des employés et syndicalisation. Pourtant, l’industrie américaine du jeu vidéo connaît une vague de création de syndicats sans précédent au bénéfice non seulement des employés, mais aussi des joueurs.
On se souvient de la grève très médiatique des acteurs et doubleurs de 2016 à 2017 à l’initiative de la toute puissante SAG-AFTRA : à la suite d’échecs de renégociations des contrats avec les principaux studios du pays, le syndicat a lancé une grève avec de multiples objectifs : établir la transparence totale lors des négociations de contrats, épargner aux doubleurs de trop longues sessions d’enregistrement, obtenir des assurances de sécurité pour les équipes travaillant sur le tournage des scènes et donner aux acteurs et doubleurs une compensation financière correspondant aux ventes des jeux dans lesquels ils réalisent une performance. Le mouvement était symbolique ; la victoire le fut encore davantage dans un pays où les studios de production de jeux vidéo sont des citadelles d’iniquité salariale.
En mars 2022, les employés de Raven Studios, responsables des tests pour Call of Duty: Warzone, ont annoncé la création de leur propre syndicat, une première au sein du groupe Activision-Blizzard. Ce nouveau syndicat d’une trentaine d’employés a pris le nom de Game Workers Alliance et est entré en négociations avec la direction après que celle-ci ait essayé de rendre les postes des testeurs plus précaires. En réaction, Activision-Blizzard a augmenté le salaire horaire, transformé ces postes en postes à temps plein et élargi l’accès aux bonus auxquels les employés peuvent prétendre… excluant les employés nouvellement syndiqués de ces nouvelles conditions de travail ! Une manœuvre vile, aux allures de mesure de rétorsion…
En décembre 2022, c’est au tour des employés Q&A (les testeurs) de Blizzard Albany, le studio du groupe Activision-Blizzard chargé de travailler sur la série Diablo, de former un syndicat. Les vingt employés lui dont donné le nom de Game Workers Alliance Albany. Bien que le studio ait tenté de faire avorter le processus en demandant un report du vote de création du syndicat dans le but d’y faire voter l’entièreté du studio, l’agence fédérale National Labor Relations Board, chargée de protéger le droit à la syndicalisation et d’enquêter sur les pratiques illégales des entreprises, l’en a empêché. Dans un communiqué, un responsable du syndicat a déclaré qu’ils ont été inspirés par leurs collègues de Raven Studio et qu’ils souhaitent à leur tour être une source d’inspiration pour d’autres employés, afin de les encourager à former d’autres syndicats.
Le 5 janvier 2023, ce sont les employés Q&A de Zenimax Medias, détenu par Microsoft, qui annoncent la création de leur syndicat avec 300 membres, Zenimax Workers United, affilié au puissant Communication Workers of America (CWA).
Enfin, le 6 janvier 2023, c’est désormais aux employés du studio Proletariat, appartenant également à Activision-Blizzard, d’annoncer la formation d’un syndicat. Les employés de ce studio travaillant sur World of Warcraft sont désormais syndiqués sous le nom de Proletariat Workers Alliance et affiliés là aussi au CWA. Il s’agit cette fois de sécuriser les accords sur les congés payés, mais aussi de travailler sur les options de travail à distance pour certains emplois. Le CWA s’est distingué en 2022 pour avoir déposé de multiples plaintes auprès du National Labor Relations Board contre Activision-Blizzard et ses pratiques de découragement de formation de syndicats.
Bien que l’objectif des syndicats soit de défendre les intérêts des employés de manière générale, on remarque qu’il s’agit ici bien souvent de défendre les emplois tournant autour des tests, qui s’assurent notamment que les jeux soient jouables, optimisés et dépourvus de bugs. Or, ce sont souvent des postes mal payés, imposant des charges de travail importantes sur des périodes réduites (d’autant qu’il s’agit souvent de contrats précaires) et ne donnant pas le droit aux mêmes bonus que les autres employés.
Après des désastres en Q&A sur des jeux récents tels que Cyberpunk 2077 ou le récent Saints Row où mauvaise optimisation et bugs à foison font partie de l’expérience générale du jeu, on ne peut que se réjouir de ces avancées sociales aux États-Unis, autant pour les employés eux-mêmes que pour la qualité des jeux futurs.
Call of Duty: Black Ops Cold War – Déjà des bugs pour la saison 2 et Outbreak
Riku
Overwatch 2 – La série noire des bugs se poursuit
EcureuilRouge
Warzone corrige enfin nombre de ses bugs !
Luynan