Il y a plusieurs mois, nous nous émouvions dans un article de l’impunité totale (ou l’ignorance) avec laquelle les titres de la presse, souvent régionale, vantaient ces fabricants de bornes d’arcade rétro commercialisant des appareils garnis de ROMs, c’est-à-dire de jeux « piratés ». Il semble qu’en Italie, les autorités sont moins coulantes avec le sujet.
Pour rappel, les ROMs (pour Read Only Memory) ce sont ces images de jeux rétro (issus des ludothèques Mega Drive, SNES, PS1, etc.) lisibles, via un émulateur, sur des appareils plus contemporains. « Images » est le terme technique, mais plus généralement, on parlera de « copies », quand la loi parlera, elle, de « contrefaçons ». Quand bien même le tout premier Super Mario Bros. fête ses 40 ans aujourd’hui, le jeu n’est toujours pas dans le domaine public, et il reste illégal de s’en procurer des copies téléchargées « librement » sur internet, encore plus quand c’est pour le revendre.
Ainsi, les « consoles rétro » accompagnées de plusieurs centaines, voire milliers de jeux, dont les revendeurs font la promo sur les réseaux sociaux, parfois même avec des arguments culottés comme « assemblée en France », ne sont souvent que des mini ordinateurs Raspberry Pi garnis d’émulateurs et de ROMs téléchargées complètement illégalement sur internet, et vendues encore plus illégalement : c’est simplement ce qu’on appelle, du côté du grand public, du piratage.
Si la France ne semble pas spécialement chasser ces « pirates » (en tous cas, bien mois pointilleusement que pour la musique ou le cinéma, pour lesquels on avait même monté une agence d’Etat spécifique, la Hadopi), l’Italie, elle, prend le sujet avec sérieux. À l’automne dernier, la Douane Transalpine avait ainsi saisi et détruit 12 000 de ces consoles rétro venues de Chine, contenant chacune quelques 4 000 jeux « piratés ».
Aujourd’hui, c’est un YouTubeur italien, Once Were Nerd, qui a découvert la sévérité de sa patrie sur le sujet. En effet, le garçon a publié plusieurs vidéos où il teste des consoles comme les machines Anbernic, ce qui lui a valu une perquisition de la Guardia di Finanzia (brigade financière) au motif qu’il aurait fait de la promotion de contenus qui contreviennent aux lois sur le droit d’auteur. Les consoles présentées à ses abonnées sont en effet très souvent vendues garnies de milliers de jeux « piratés ». Des machines ont ainsi été saisies, ainsi que son téléphone, et le malheureux risque jusqu’à 3 ans de prison !
On comprend que faire du business sur le dos des auteurs de ces jeux rétro et de leurs éditeurs est problématique. Il n’y a d’ailleurs rien de comparable dans aucun autre média. Imagine-t-on le Général De Gaule des boutiques proposer des lecteurs garnis de milliers de films ou de milliers d’albums ? Tout le monde sait que les ayant droits et autorités leurs tomberaient dessus immédiatement.
Mais le jeu vidéo ne dispose pas des mêmes protections. Le média n’est pas quelque chose d’encore suffisamment sérieux, complètement entré dans la sphère culturelle. Et c’est aussi pour cela que le « piratage » reste aujourd’hui la seule action sérieuse et efficace de conservation et de mise à disposition du patrimoine vidéoludique. Les éditeurs, Nintendo en tête, font tout pour étouffer les sites de ROMs et les acteurs de la scène rétro, mais ce même Nintendo ne propose qu’une sélection famélique de titres sur son service Nintendo Online. En fermant les stores Wii, Wii U et 3DS, il a fait disparaître des centaines de titres aujourd’hui inaccessibles… si ce n’est sous la forme de ROMs.
En ne s’occupant pas du patrimoine vidéoludique et surtout, de l’accès des ces jeux patrimoniaux, à la fois les éditeurs et les institutions sont responsables de la jungle qui s’est installée. Si le laissez-faire à la française n’est probablement pas la solution, la répression italienne, qui n’est accompagnée d’aucune solution, ne l’est probablement pas non plus…
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