C’est au mois de septembre 2020 que Microsoft annonce, à la surprise générale, le rachat de Bethesda pour la somme colossale de 7,5 milliards de dollars. Dans la continuité de la stratégie amorcée depuis quelques mois, Microsoft marque, avec cette acquisition, l’histoire du paysage vidéoludique. Afin de renforcer le catalogue de son Game Pass à grand renfort de titres exclusifs, Microsoft ne regarde pas la dépense.
Mais ce rachat pose d’autres questions. Quid de l’avenir des licences phares produites par Bethesda ? Aucune inquiétude concernant Doom, dont les deux derniers volets furent des succès publics et critiques, ni pour Fallout (quoiqu’après l’échec de Fallout 76, la question était légitime) ou encore The Elder Scrolls, dont la suite est lancée.
L’incertitude Wolfenstein
En revanche, Wolfenstein et les aventures de Blazko le barjo peinent de plus en plus à convaincre. Les deux derniers, Youngblood, un spin-off, et Cyberpilot, un opus VR, furent des échecs retentissants boudés par le public.
Dès lors, l’avenir de la saga semble de plus en plus menacé et le rachat par Microsoft pourrait bien enterrer la licence, et cela même si un troisième volet avait été confirmé par Bethesda lors de l’E3 2018 (il y a une éternité). De plus, le studio planche actuellement sur un jeu d’aventure autour de l’univers d’Indiana Jones et Wolfenstein ne semble donc pas être une priorité.
Pourtant, la série reste culte aux yeux des joueurs et garde un très fort capital sympathie. Depuis la reprise en main de la licence en 2014 par Machine Games, un virage a été pris tant dans le gameplay que dans la direction artistique très osée qui tend à diviser la communauté des joueurs.
En effet, Wolfenstein reste un FPS, toujours aussi nerveux et brutal, voire complètement décérébré. Il prend des allures d’opéra comico-burlesque dans un contexte dystopique. Les nazis ont remporté la guerre et sont maîtres du monde. La résistance s’organise et notre bon vieux Blazkowick va y prendre sa part.
Wolfenstein: The New Order prend place dans les années 1960 au cœur d’un Londres défiguré par l’architecture austère du Reich. Confronté aux armées de robots et supersoldats nazis, le joueur va connaître une aventure des plus rocambolesques, l’emmenant même sur une base lunaire. S’en suivra, Wolfenstein: The New Colosus, un second volet sorti en 2017, en terre américaine cette fois qui prendra le temps de revenir sur la jeunesse de notre héros.
Ces deux épisodes restent de relatifs succès et prennent le temps de construire un univers et une galerie de personnages, renforcés par le deuxième volet qui donne encore plus d’épaisseur à Blazkowick. La dystopie permet d’accentuer les traits de l’Histoire et offre un regard sur un empire totalitaire ultra militarisé. Des questions qui ont traversé le siècle dernier telles que le racisme d’État, la déportation, la course à l’armement parcourent en filigrane ces deux opus.
Sauf que Wolfenstein n’arrive jamais à choisir son camp. Il empile les mécaniques de gameplay au milieu d’un scénario qui perd peu à peu en cohérence et crédibilité au prix d’un excès de grotesque et de bouffonnerie.
En effet, il est difficile de prendre part pleinement à cette aventure tant les protagonistes sont caricaturaux et les enjeux grossiers, forçant les développeurs à la surenchère. On ne peut s’empêcher de constater une certaine paresse du studio, car entre les deux volets, on ne constate ni de changements ni de correctifs. L’action reste souvent confuse, le bestiaire peu renouvelé accentuant la redondance.
La réalisation souffre des mêmes maux, car la direction artistique s’appuie sur les même codes que le premier opus, tout en nuances de noir et gris. Si cela pouvait avoir un certain charme sur The New Order, il était impératif d’offrir plus de variété pour The New Colossus et le changement de continent était une bonne occasion pour cela que le studio n’a pas su saisir.
Le parti pris très série Z du premier titre, plutôt bien dosé et calibré, vire au nanardesque grotesque dans le second, laissant le joueur en dehors des enjeux narratifs et se contentant d’accumuler les missions d’action bourrines. On a constamment la sensation que la réalisation des deux opus a été confiée à deux studios différents.
Qu’attendre d’un troisième opus ?
Si Machine Games a fait des choix de réalisation forts, il n’en demeure pas moins que Wolfenstein reste en beaucoup de points très perfectible. La faute à un excès de générosité dans le gameplay, mais aussi dans la partie scénaristique et dans les choix de direction artistique. Le troisième volet et probable conclusion des aventures de Blazko le barjo devront se canaliser et se concentrer sur ce que les deux précédents ont bien réussi :
- Des gunfights nerveux, gores et jouissifs.
- Un bestiaire original, mais plus dense.
- Garder et calibrer l’esprit série Z si drôle.
- Un baroud d’honneur explosif !
Plus forcément attendu, Wolfenstein se doit de conclure son arc narratif de la plus belle des manières. Machine Games et Bethesda nous ont promis un final, reste à savoir si cette petite douceur de gore, de folie et de drôlerie, si unique en son genre, nous offrira encore quelques instants de plaisir coupable que nous sommes encore nombreux à réclamer.