C’est là un fantasme partagé par la majorité des joueurs que de découvrir des jeux aux visuels toujours plus réalistes et immersifs. Aussi lorsque Epic Games a présenté, l’année dernière, la dernière mouture de son moteur de jeu maison, l’Unreal Engine 5, aux graphismes, animations et effets proprement bluffants, on ne pouvait que se réjouir du bond technologique en cours et des opportunités incroyables pour développer des jeux vidéo toujours plus immersifs, floutant toujours davantage la frontière entre la réalité et le virtuel.
C’est donc fort des possibilités offertes par l’Unreal Engine 5 que le studio français DRAMA a présenté il y a quelques jours son projet de FPS : Unrecord, par le biais d’un petit trailer d’annonce et de présentation du gameplay, présent en fin d’article. Le moins que l’on puisse dire est qu’effectivement, le jeu est incroyablement immersif grâce aux décors photoréalistes, mais aussi, et surtout, par le fait que la caméra du jeu est en fait la bodycam d’un policier que l’on joue, et que les mouvements de caméra reconstituent très (trop?) bien ceux d’une personne en train de courir, se déplacer et en action de combat. À tel point que quelques voix se sont élevées pour dénoncer un « fake », ce à quoi Alexandre Spindler, le directeur créatif du studio, a répondu en reproduisant la vidéo du trailer sous Unreal Engine 5.
En soi, on devrait saluer bien bas cette prouesse de développement, mais une certaine gêne est apparue à cause de ce réalisme. Certains médias américains ont exprimé leur inconfort face à ce qui ressemble beaucoup à des extraits de bodycam diffusés au public lors de violences policières avérées ou présumées, ce qui se fait beaucoup aux États-Unis. Il est en effet obligatoire pour les policiers américains d’avoir une bodycam allumée en permanence pour surveiller leur comportement en service, mais aussi pour servir de preuves en cas d’infractions réalisées ou subies. Une chaîne comme Police Activity a ainsi acquis une certaine notoriété en publiant régulièrement ce genre d’extraits de bodycam lors de violences médiatisées, mais de telles pratiques sont largement méconnues en dehors des États-Unis.
Le studio français a alors réagi face à ce malaise en assurant que le jeu est apolitique et ne fait aucun militantisme :
« En tant que studio français s’adressant à un public mondial, le jeu ne s’engage dans aucune politique étrangère et ne s’inspire d’aucun événement réel. Le jeu évitera évidemment tous les sujets indésirables tels que la discrimination, le racisme, la violence contre les femmes et les minorités. Le jeu n’aura aucune vision biaisée ou manichéenne des actes criminels et de la violence policière. Nous respectons et comprenons également les personnes qui peuvent se sentir dérangées par les images du jeu. L’art ne peut lutter contre l’interprétation. »
Bien qu’il soit compréhensible que ce parti pris d’avoir la caméra au niveau d’une bodycam puisse évoquer des affaires de violences policières ayant eu lieu aux États-Unis, il est certain que le jeu se serait épargné une telle polémique si la caméra était à hauteur de regard comme sur la majorité des FPS, et il n’est sans doute pas sain de projeter les problèmes de la société américaine sur l’ensemble de la planète, son puritanisme contemporain étant déjà un exemple suffisant. Si le jeu était développé par un studio outre-Atlantique, sans doute des questionnements légitimes auraient-ils pu se poser sur un quelconque militantisme, mais concernant un jeu produit par un studio français, c’est peu pertinent.
Sur son site, DRAMA présente Unrecord comme une série d’enquêtes complexes à résoudre en tant que policier, qui feront appel à vos compétences de détective et de policier d’une unité d’intervention, ponctuées par des rebondissements à la manière d’un thriller. Ceci ajouté à la déclaration sur le manichéisme, on peut supposer que le jeu montrera un côté assez noir des forces de l’ordre et le protagoniste pris dans des dilemmes, d’autant que les choix que l’on peut faire auront des conséquences. Mais quoi qu’il en soit, il est bien trop tôt pour juger des intentions réelles du studio et de l’histoire qu’il compte nous proposer.
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