Et si Total War: Pharaoh n’était qu’un usurpateur ? Un jeu se parant d’un magnifique costume qui n’est pas le sien ? Tromperie, désillusions, déceptions ? L’arrivée d’un nouveau jeu siglé Total War est toujours un petit événement dans la communauté des fans de jeux de stratégie en général, et, surtout, de la franchise en particulier. Aussi, neuf ans après le dernier jeu majeur purement historique réalisé par Creative Assembly, les fans attendaient très logiquement Medieval III ou Empire 2, deux suites de jeux extrêmement populaires et aimés de la communauté.
C’est logique, pensait-on. C’était l’évidence même, puisque l’un ou l’autre se serait vendu comme des petits pains. Pour d’autres, c’était l’occasion d’aller explorer de nouvelles périodes, tout en innovant et proposant un jeu assez différent, venant avec de nombreuses petites révolutions, comme avait su le faire Three Kingdoms. Que nenni, déjouer les attentes des fans est l’art de notre temps.
Ainsi, lorsque Total War: Pharaoh a été annoncé, la confusion régnait : n’a-t-on pas déjà exploré l’âge du bronze avec Troy ? En savons-nous assez sur la période pour en faire un jeu majeur ? Quelle sera la dimension de la carte ? Et peu à peu, de nouvelles informations ont été diffusées : c’est CA Sofia, les créateurs de Troy, qui développent ce nouveau jeu. Point d’Assyriens, de Mésopotamiens, de Mittani, de Babylone ou d’Akkad ici. Seulement l’Égypte, Canaan et l’empire Hittite. Peu de factions, trois groupes culturels, et, encore une fois, un jeu qui tourne autour de chefs de factions présumés immortels, qui définissent leurs factions et non pas une faction à choisir avec des personnages à favoriser selon les souhaits du joueur. En bref, un jeu dont l’ambition ne sied pas à un Total War historique majeur, en dépit des déclarations du studio, qui le martèle autant que possible, comme si répéter tant de fois une litanie lui donnait force de vérité, mais davantage à un jeu qui appartiendrait plutôt au label honni des Saga.
En effet, celui-ci, introduit avec Thrones of Brittania (et l’excellente extension, La Chute des Samouraïs, transformée a posteriori en jeu standalone Saga), développait l’idée de jeux de moindre envergure, centrés sur une région géographique précise, autour d’un conflit en particulier, proposant des petites nouveautés et une meilleure optimisation, le tout à un prix plutôt contenu d’une quarantaine d’euros. Or, Total War: Pharaoh coche absolument toutes les cases le rangeant dans cette catégorie, à ceci près qu’il est vendu une soixantaine d’euros, ne contient pas le label Saga dans son nom, et arrive les bras chargés d’éditions collectors avec moult DLC prévus, et un bonus de précommande permettant un accès anticipé limité, dont on se serait franchement bien passé.
Et l’on en arrive aux preuves de l’usurpation, à la dague ensanglantée des complotistes que l’on vient de retrouver par terre, maladroitement dissimulée. Hier, CA Sofia a présenté le gameplay de leur nouveau titre, et permis à certains influenceurs de nous présenter trois batailles scriptées. Si les miettes que l’on a pu récupérer sur la campagne paraissent intéressantes, avec une mécanique de légitimité pour prétendre être le pharaon ou le grand roi hittite, ce que l’on a vu des batailles nous a laissés perplexes, et c’est là un euphémisme bienveillant.
C’est bien simple, le design artistique de Troy dégouline de chaque pixel du jeu ; qu’il s’agisse des unités, de leurs animations, de l’UI générale ou bien des cartes, on dirait simplement le jeu Troy transposé en Égypte. Et de fait, qualités et défauts sont similaires à ce qu’on pouvait encenser et reprocher chez le précédent jeu du studio.
Certes, désormais, les chefs de factions ne sont plus une entité unique et redeviennent un modèle au sein d’une unité de gardes du corps, mais le jeu reste articulé autour de ces chefs de factions « légendaires », a priori immortels. Certes, les combats synchronisés font un timide retour, mais on reste loin des soldats luttant pour leur vie que nous pouvions voir dans Rome 2 et Shogun 2. Certes, le système de météo dynamique est bienvenu, mais, en soi, ce n’est pas une nouveauté, juste une amélioration de ce qui existait déjà depuis longtemps. Certes, les combats seront plus longs, mais visuellement, on reste sur le même style arcade et cartoonesque de soldats qui courent dans tous les sens, ne donnant pas le sentiment d’avoir du poids, de créer de l’impact, et, de manière générale, se comportent de manière peu naturelle quoi qu’ils fassent. Il faut dire que les voir constamment parfaitement alignés comme des droïdes n’aide pas.
Il y a pourtant de belles petites nouveautés, tel ce nouveau système d' »Ordre » à donner aux unités, comme leur demander de pousser l’unité ennemie, ou bien de se replier lentement en faisant face aux soldats adverses. Mécanique très intéressante, surtout si approfondie pour les jeux ultérieurs. La dégradation des armures lors des combats, pour atténuer la suprématie de l’infanterie lourde au cours d’une bataille, est également un nouveau concept bienvenu. Ou encore, les points de victoire, lors des sièges, qui sont cette fois liés à un bâtiment, comme le Temple, le Palais ou encore la Forge, lesquels donnent un bonus aux troupes qui les occupent, comme du soin, du moral ou une réparation des armures. Mais est-ce suffisant pour ce nouveau « Total War historique majeur » ?
Bien que le jeu soit beau, comme l’était Troy, ce n’est absolument pas le cas des animations et du rendu des collisions. Il devient assez clair que la franchise a atteint les limites de ce qu’offre le Warscape Engine, développé naguère pour les combats de mousquets d’Empire: Total War. Avec Pharaoh, on arrive clairement au bout de ce que le moteur actuel peut proposer, et le studio semble déterminé à l’essorer jusqu’à la dernière goutte, telle une éponge qui aurait dû être remplacée il y a un moment, mais qu’on essaierait de rentabiliser jusqu’au-delà du raisonnable. Le fait que certains soldats de Pharaoh réutilisent les sets d’animations de Troy, eux-mêmes provenant des soldats de l’Empire dans les jeux Warhammer, trahit une formule réutilisée à l’excès.
Il est probable que la composante britannique de CA travaille sur d’autres Total War, plus ou moins historiques, et que Total War: Pharaoh ne soit là que pour patienter, comme un petit bonbon pour les fans des Total War historiques après l’interminable cycle Warhammer. Mais ces derniers risquent de le trouver bien amer, tant il semble s’agir d’un jeu Saga grimé en « Total War historique majeur », ce qui était la pire chose qui pouvait arriver à la franchise après la très longue diète de jeux historiques.
Total War: Pharaoh – Survivez à la chute de l’âge du bronze
EcureuilRouge
Test A Total War Saga: Troy – Revivez la célèbre Guerre de Troie
Linkas
Test Total War Three Kingdoms – L’art de la guerre
Riku