C’était en 1955 que François Truffaut et ses amis des Cahiers du cinéma décrivaient ce qu’ils ont nommé la politique des auteurs. Pour faire simple, il s’agissait de donner au réalisateur d’un film le statut d’auteur comme il était déjà possible de l’envisager en littérature. Ce mouvement a eu le mérite d’offrir aux réalisateurs une plus grande légitimité et des droits de propriété intellectuelle sur leurs œuvres, notamment en France.
Et en ce qui concerne les jeux vidéo, alors ? Où en sommes-nous actuellement du droit d’auteur ? Pas très avancés, en réalité. Pas de droit d’auteur clair et net. La plupart du temps, c’est l’éditeur du jeu qui s’octroie la propriété intellectuelle de l’œuvre, pas même le studio à défaut d’individus ! Un problème qui a poussé Frogwares à mener une bataille juridique de longue haleine contre l’éditeur Nacon au cœur de laquelle se trouve le jeu The Sinking City.
Ce litige, dont les débuts remontent à 2019, avait pour origine une plainte du studio qui ne recevait pas l’intégralité des droits que Nacon leur devait. Tout cela a pris de plus en plus d’ampleur et a même mené le jeu à être retiré des boutiques en ligne par les développeurs avant d’être remis de force par l’éditeur. Frogwares en était même arrivé à demander aux joueurs leur soutien en boycottant le jeu sur Steam !
C’est seulement en ce début d’année 2024 que la guerre entre éditeur et studio se conclut sur une victoire de Frogwares. En effet, ils sont désormais les seuls à distribuer leur jeu sur les plateformes en ligne. Nacon ne détient plus de droits de diffusion et sera légalement obligé de s’en remettre au studio qui en est à l’origine.
Nous pourrions nous montrer pessimistes et voir cela comme une petite victoire, mais il est désormais important de défendre un studio qui recherche l’obtention de droits censément communs sur son propre jeu. Comme introduit au début de l’article, la politique des auteurs en cinéma a permis aux réalisateurs non seulement une meilleure reconnaissance de leurs droits, mais aussi une liberté artistique à l’origine de nombreuses innovations.
Aujourd’hui, les développeurs de Frogwares peuvent reprendre leur travail sur The Sinking City et ont annoncé la sortie prochaine d’une version améliorée du jeu sur les plateformes. Il est en effet plus facile d’assurer le suivi d’une œuvre quand on est payé et reconnu pour la parenté de cette dernière…
Nous pensons dans tous les cas qu’une œuvre appartient à son ou ses auteurs et qu’aucun éditeur, quand bien même son rôle est important dans la parution d’un jeu vidéo, ne peut et ne doit s’emparer de la propriété intellectuelle d’autrui. Cette affaire n’est pas sans rappeler les conflits entre Frédérick Raynal et l’éditeur Atari (anciennement Infogrammes) qui avait permis à l’auteur d’être reconnu pour son jeu culte : Alone in the Dark. Une victoire de plus, donc, qui donne le bel espoir de voir des auteurs de jeux reconnus à leur juste valeur ! Alors, à quand la politique des auteurs du jeu vidéo ?
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