À la toute fin du mois de novembre, Tevi s’est invité sur Switch et sur PC avant de revenir courant 2024 sur d’autres plateformes. Et ce que l’on peut dire à son propos, c’est qu’il est passé assez inaperçu. D’une part, il arrivait derrière un programme très chargé (Alan Wake 2, Marvel’s Spider-Man 2…), et de l’autre, il va sans dire que son statut de jeu confidentiel n’a pas du tout aidé à le faire connaître.
Mais, on se doute bien que l’intention des développeurs (CreSpirit et GamaYue) n’a d’autres buts que de satisfaire une certaine caste, niche, et a fortiori des fans de l’œuvre dont Tevi se réclame être la suite spirituelle : Rabi-Ribi. Toutefois, le public ne gagnerait-il pas à la connaître davantage ? Car, derrière son aspect modeste, ne cacherait-il pas une aventure hors du commun ?
(Test de Tevi réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Un univers féérique
Ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est la forme du titre. L’univers est très soigné : les décors sont beaux, détaillés et ont cet avantage de parler aux nostalgiques du 16 bits, lesquels seront donc renvoyés sans la moindre difficulté vers une époque révolue. Un soutien de taille, d’autant que le rétro est plutôt à la mode ces temps-ci, et ce, même chez les moins touchés par cette nostalgie ou du moins par un idéal passéiste du jeu vidéo.
Esthétiquement, Tevi s’en sort plutôt bien. Il dégage comme une sorte de bonne atmosphère : que ce soit par ses couleurs chatoyantes ou sa musique, que l’on ne peut que souligner pour sa qualité, il arrive à émerveiller. De plus, il arrive parfaitement à instiller ce sentiment de voyage digne d’un jeu axé sur l’aventure, et ce, grâce à la variété des paysages : des plaines verdoyantes à des ruines antiques, en passant par des canyons lumineux et des lieux sous-marins, on en fera du chemin…
Et que serait cette esthétique dépaysante sans le côté immersif ? Ce dernier a même un allié de taille, en plus de la composition musicale mentionnée plus haut qui ajoute de la féérie : les voix japonaises, lesquelles permettent ainsi aux joueurs d’être au plus près des personnages. Une présence qui peut en dire beaucoup sur l’intention même des développeurs.
Il semble en effet y avoir comme une volonté de rendre honneur à la pop culture japonaise, et à l’animation japonaise plus particulièrement. Dans ce sens, on observe quelques éléments assez probants. Déjà, on vient de l’écrire, il y a le casting, lequel est composé d’acteurs réputés dans leur métier de doubleur, et notamment reconnu pour être associer à de grosses licences. Pour les plus connus, on notera par exemple Sugita Tomokazu, alias Sakata Gintoki de Gintama ou encore Takehito Koyasu, l’incarnation de Dio dans Jojo’s Bizarre Adventure.
Ensuite, pour appuyer cette idée de l’hommage, on peut compter également sur le renfort d’illustrations, lesquelles, par ailleurs, sont assez remarquables, que l’on pourrait trouver dans un visual novel par exemple. Mais cette influence sus-mentionnée se verra également dans le chara-design des personnages. Pour cause, il condense tous les stéréotypes du genre « bunny-girl », « homme-bête », etc. ainsi que ce côté mignon (presque) sexualisé.
Un monde pour le moins sympathique. Mais quid de l’histoire ? Arrive-t-elle à l’exploiter au mieux ? Eh bien, sur le plan narratif, il semble que Tevi souhaite s’écarter d’une sorte de linéarité. On part d’un point A, mais le point B n’est pas pas réellement défini. Ou plutôt, le scénario est construit de manière à l’écarter. En réalité, le jeu s’apparente plus à un récit d’initiation. On prend l’excuse d’une quête pour envoyer nos protagonistes à la rencontre de nouvelles terres, de nouveaux personnages et l’envoyer vivre des expériences plus ou moins profondes.
Les aventures de Tevi, et de ses deux compagnons (Sable et Célia), ne tiennent alors pas leur véritable importance de cette recherche aux objets spéciaux que sont les Astral Gears, mais dans l’environnement que l’on foule et du monde qui le peuple. Ces points-ci sont au cœur du récit, qui se centre notamment sur l’injustice qui règne dans le monde d’Az tel le racisme opposant humain et « homme-bête », sur les inégalités, etc. La teneur est donc parfois sérieuse, mais sans plus. Par là, entendons que l’on s’en tient au minimum et que l’on ne s’écarte pas des clichés, les thématiques du genre étant souvent abordées dans ce type de production.
Une balade mouvementée…
En termes d’univers, on est donc servi. On arrive à sentir sans mal le côté féerique nécessaire à la cohérence du jeu. On nous emmène tout de même dans un monde dans lequel démons, anges et créatures de toutes sortes (tels des espèces de sirènes, des crapauds géants, etc.) se côtoient… Et, quant à l’expérience de jeu que l’on tend à nous offrir, c’est dans la même veine. On sera d’accord, il y a bien des qualités certaines dans Tevi. Les combats de boss, par exemple, en est clairement une.
Et même, on pourrait en dire plus : c’est clairement ce qui constitue la plus-value du titre. C’est que, au cours de ces affrontements, il y a un vrai sens du défi. Plus on porte de coups à notre ennemi, qu’on le dépouille de ses barres de vie, et plus le challenge devient intense. Enfin… en général, les niveaux de nos adversaires étant en effet assez inégaux.
Ainsi, le mot qui caractérise assez bien ces joutes, c’est « confusion ». Et ce n’est pas un défaut, loin de là. À vrai dire, c’est totalement l’effet recherché. Se voulant d’obédience « bullet hell » – shoot’em up où l’écran est surchargé de projectiles – Tevi est donc obligé de crouler sous un nombre d’éléments plus qu’exagéré. Il importe donc au joueur d’être incroyablement à l’affût s’il tient à disposer rapidement de son ennemi.
Cependant, il arrive parfois que l’on fasse face à un sentiment de « solitude ». Car si l’action est affectivement présente, on ne sera pas sans subir quelques phases marquées par la platitude. Certes, c’est furtif et sans doute négligeable. Néanmoins, cela existe et se traduit de la manière suivante : le joueur peut arpenter un long chemin rectiligne, tout un tableau durant, sans que rien d’intéressant ne se produise. Ce sont des longueurs intempestives dont on aurait pu probablement se passer.
Autre chose : il y a dans Tevi comme un sentiment de manque. On n’aurait peut-être pas dit non à plus de pièges et plus de phases de plateformes ardues. Mais peut-être est-ce pinailler un peu trop.
Un Metroidvania, vraiment ?
Toujours est-il que Tevi s’avère quelques fois assez ingénieux dans son level-design. On ne se rappelle que trop bien du moment où l’on devait exploiter des indices laissés çà et là pour sortir d’un labyrinthe qui peut très vite être énervant et dont on ne peut sortir qu’à condition d’être vigilant.
Le cheminement dans les terres d’Az est assez agréable et propre à un Metroidvania qui se respecte. On effectue un parcours, on revient sur nos pas, débloque de nouveaux passages grâce à nos nouvelles capacités, etc. Toutefois, plus qu’un simple Metroidvania, Tevi est également mâtiné d’éléments qui tirent tout droit leur origine du RPG. Et c’est là que l’expérience peut être un peu dérangeante.
Comme le RPG, on met des compétences en notre possession, des quêtes annexes (peu intéressantes), et comme dans le RPG, le dialogue est omniprésent. Et cette dernière donnée peut rebuter. D’une part, le texte est seulement disponible dans sa version anglaise, et de l’autre, c’est la longueur qui fera parler. Alors que l’on souhaite simplement explorer, on nous retient par des échanges sans fin.
Mais d’un autre côté, si cela peut constituer l’une des faiblesses du jeu, il en est également une de ses forces potentielles. Car ce sont en effet ces dialogues qui insufflent une véritable âme à Tevi, laquelle se ressent particulièrement par l’humour que les différents personnages manifestent. Et le principal effet que cela procure, c’est que l’on s’attache à notre petit groupe.
Une fois cette réticence passée, Tevi n’aura pas grand-chose à vous opposer. On le répète sans doute, mais le jeu envoie réellement le joueur à l’aventure, lui laissant d’ailleurs une assez grande liberté d’action. À lui de voir quelle quête aborder en premier. En vrai, les indications quant aux choses à faire sont très minimes au point de se demander où il faut aller. Pour remédier à cela, on n’a pas d’autres ressources que la carte sur laquelle sont inscrits nos objectifs.
Ainsi, si l’on devait dégager une impression globale, elle ne pourrait être que positive. Dans l’ensemble, le titre constitue une belle surprise. Et le joueur qui est sensible à ce genre de chose ne pourra être conquis, et ce, même si les bases sont finalement assez classiques. Ce sont l’univers, les personnages et l’ambiance – notamment véhiculée par une bande-son enivrante et entraînante – qui donne à cette aventure un charme singulier.
Passé inaperçu, voire mis sous silence, Tevi est un « petit » jeu qui a tout d’un grand. Certes, les défauts existent et le concept ne s’éloigne pas des standards, mais le plaisir de jouer n’en est pas pour autant absent.
Le jeu réussit, en substance, ce qu’il entreprend : envoyer le joueur vivre une véritable aventure à travers un monde d’une beauté remarquable et en compagnie d’un casting attachant. Rien que pour cela, Tevi mériterait qu’on lui accorde un regard.