Fallait-il prêter attention à ce Yars Rising ? D’un côté, on a la signature WayForward, artisan du jeu vidéo possédant un certain savoir-faire dans le néo-rétro : on doit au studio les séries mettant en scène Shantae ou les River City Girls. Jamais rien de très original, mais des titres toujours réussis dans leur catégorie. De l’autre, on a le logo Atari, qui a clairement perdu de sa superbe et table, depuis 20 ou 30 ans, sur son héritage.
Cependant, en rachetant Digital Eclipse et en prenant une nouvelle orientation, l’ex numéro un du marché a repris des couleurs et nous a poussé à nous y intéresser de nouveau à lui. Et Yars Rising ? Le mieux, pour juger, était encore d’y jouer…
(Test de Yars Rising réalisé sur PC via une copie commerciale du jeu)
Yar’s Revenge
Le premier jeu a un nom de suite : Yar’s Revenge. Sans être un classique de la trempe des Pac-Man, Asteroids ou Space Invaders, le titre reste dans les annales pour avoir été le jeu original le plus vendu sur Atari 2600, en ayant atteint le million d’exemplaires vendus.
Au-delà des mécaniques de gameplay, le titre avait aussi l’ambition de développer un véritable univers. Howard Scott Warshaw, son auteur, a ainsi consacré une grande partie du développement au graphismes, à l’animation et aux effets sonores. Le titre était aussi accompagné d’un mini-comic à sa sortie, qui venait donner du contexte au jeu.
Il faut se souvenir que les jeux de l’époque réclamaient énormément d’imagination pour interpréter les gros pixels et voir les personnages ou autres monstres et véhicules qu’ils représentaient !
Le titre était-il destiné à devenir une licence ? Le premier krach des jeux vidéo, en 1983, ne lui en laissa de toutes façons pas l’opportunité, puisque l’industrie s’effondra sur elle-même .
Upcycling
Après le krach, Atari n’a jamais su réintégrer la place de leader qu’il avait alors, et depuis les échecs de ses consoles Jaguar et Lynx, la marque vivote sur sa gloire passée, telle les têtes d’affiche de la tournée Stars 80. Enfin, ça, c’était jusqu’à il y a peu.
La firme a récemment eu l’excellente idée de racheter le studio Digital Eclipse, et de lui confier la tâche d’éditer sérieusement les pépites de son catalogue dans des œuvres à mi-chemin entre compilation et documentaire comme Atari 50 ou The Making of Karateka.
Yars Rising participe de ce nouvel élan qui vise à valoriser le passé sans pour autant se contenter de rééditions répétitives et fainéantes de titres patrimoniaux. Le jeu est en effet un Metroidvania dans lequel on va donc, ainsi que le genre le réclame, gagner de nouvelles compétences au fur et à mesure du jeu, et ainsi accéder à de nouvelles zones. Et la particularité du jeu est que pour obtenir ces nouvelles capacités, il faut réussir des épreuves très inspirée du jeu original Yar‘s Revenge.
Une excellente idée qui permet de recycler (au sens noble du terme) ce classique de l’histoire du jeu vidéo, de le remettre au goût du jour, sans nous demander de ne jouer « qu’à » ça. Les jeux de cette époque, un peu la préhistoire du média, sont en effet pour la plupart assez compliqués à appréhender aujourd’hui : dénuement graphique, raideur des contrôles, répétitivité du gameplay.
On peut (il faut) saluer les idées, les nouveautés, les réussites vis-à-vis des limitations techniques de l’époque, mais y remettre les mains au premier degré, et non pas pour des raisons d’études ou de curiosité culturelle, reste une expérience un peu rêche. Et pourtant, Yars Rising nous le permet, sans frustration, sans ennui, grâce à son emballage pop et contemporain.
The Yar is 2024
Le jeu est signé, on le disait en intro, de WayForward, véritable « faiseurs » de jeux vidéo, dont les titres, s’ils n’ont souvent rien de bien original, sont par contre plutôt irréprochables, marqués par une signature graphique pop et colorée qui se trouvent quelque part entre manga et Disney. Et c’est encore le cas pour Yars Rising.
En tant que Metroidvania, le jeu est, même si bien réalisé et proposant des environnements relativement diversifiés, un peu convenu. Malgré des combats de boss plutôt agréables, les phases de plateformes, de shooting ou les éléments rudimentaires d’infiltration ne sont pas en tant que tels vraiment convaincants. C’est la présence des phases rétro 8 bits qui donnent au titre son identité. Et inversement, si le gameplay hérité du Yar’s Revenge original est au cœur de l’expérience, celle-ci ne tient que grâce à l’enrobage moderne du jeu.
Il faut souligner que les phases de dialogues sont intégralement doublées, et surtout, l’excellence de la bande-originale. Riche d’une trentaine de morceaux électro-pop/city-pop délicieusement sucrés, on y retrouve des habituées des jeux WayForward, comme Megan McDuffee ou Cristina Vee, mais aussi le franco-japonais Moe Shop. Et en tant que B.O. d’un Metroidvania, les morceaux sont liés à certaines zones de la carte, et se découvrent donc au fur et à mesure de nos progrès dans le jeu, évitant là encore la lassitude.
Yars Rising réussit avec brio à recycler l’héritage d’un classique du début des années 80 en l’enrobant dans un Metroidvania pop et coloré bien contemporain. Pendant la quinzaine d’heures que dure l’aventure, la partie moderne ne posera aucune difficulté, mais permettra de faire respirer le joueur entre deux niveaux rétro impitoyables.
Respectueux de son matériau d’origine, le jeu reprend aussi tous les éléments narratifs imaginés à l’époque de la sortie de Yar’s Revenge, ainsi que quelques clins d’œil à l’histoire d’Atari, comme la borne très reconnaissable de Space Computer, qui sert de point de sauvegarde, où l’avant-dernier combat de boss, qui réserve une surprise que l’on vous laissera découvrir…