Associer l’horreur et la réalité virtuelle est probablement l’une des idées qui coulent le plus de source tant le dispositif appelle aux sensations fortes. Et pourtant, ce fut rarement concluant. Attention, lorsque l’on dit cela, on parle de jeux pensés et développés pour la réalité virtuelle et non d’adaptations officielles (ou non d’ailleurs) de titres déjà existants sur des supports plus classiques, comme Layers of Fear ou encore même un certain Resident Evil VII.
Il en existe certes, comme AFFECTED: The Manor, The Walking Dead: Saints & Sinners, Cosmodread ou encore Lies Beneath et The Exorcist: Legion VR, mais il manque clairement un roi trônant au-dessus de tout le reste de la proposition horrifique VR. Alors, est-ce que Wraith: The Oblivion – Afterlife est l’heureux élu ? Est-il le messie que tous les fans d’expériences aussi effrayantes que captivantes attendaient ? Réponse dans les lignes qui suivent.
(Test de Wraith: The Oblivion – Afterlife réalisé sur Oculus Quest 2 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
En préambule, il est important de poser un contexte sur l’univers de Wraith: The Oblivion – Afterlife, puisque ce dernier fait partie de l’écosystème macabre appelé World of Darkness ou Monde des ténèbres en français. La première apparition de cet univers date de 1991 avec le jeu de rôle Vampire : La Mascarade créé par Mark Rein-Hagen. Suivirent ensuite d’innombrables œuvres ludiques ou littéraires s’inscrivant dans cette réalité fictionnelle.
Elle dépeint un monde proche du nôtre, mais dans lequel les créatures mystiques et ténébreuses telles que le vampire, la momie ou le loup-garou évoluent. La société est donc souvent pleinement consciente de l’existence de ces monstres qui coexistent avec l’homme comme faire se peut. Le jeu de Fast Travel Games s’inscrit dans cet univers fantastique noir, tout en créant sa propre mythologie au passage.
Agiter le spectre
Dès le départ, la production de Fast Travel se démarque par un point important. On n’y incarne non pas une âme vivante, mais bien un Wraith, ou un spectre en français dans le texte, qui retourne sur les lieux de son décès pour tenter d’en comprendre les circonstances et surtout de trouver le pourquoi de son trépas. Ed, photographe de métier, est donc le héros de sa mort et notre point d’accès à cet univers sombre.
On sait qu’il est question d’une séance de spiritisme organisée par un riche ami dans sa grande et majestueuse demeure. D’autres personnes étaient présentes lors de cette dernière et toutes semblent avoir subi le même sort que nous, mais alors que nous restons conscients de cette réalité, eux paraissent figés, prisonniers de leur condition de spectres et hantent l’endroit à la recherche d’un exutoire sur lequel abattre leur vengeance.
Wraith: The Oblivion – Afterlife distille une narration maîtrisée, abattant ses cartes avec brio en dévoilant petit à petit son jeu avec une justesse rare pour un titre VR. L’intrigue est bien menée, et surtout intéressante du début à la fin, notamment parce que l’univers occulte et mystique présenté dans le jeu est terriblement intrigant, nous poussant à toujours braver les dangers pour en savoir plus sur les événements ayant conduit notre assemblée de spiritistes en herbe à perdre la vie.
Tout, de l’atmosphère de ce manoir géant que nous allons arpenter de fond en comble, à la direction artistique réussie, mêlant habillement différents architectures et habillages, avec par exemple des bribes d’art déco, d’antique et de moderne qui se mélangent, pousse à explorer et tenter de comprendre les événements funestes qui se sont déroulés en ce lieu. Ici, l’artistique est à la fois au service de nos yeux, mais aussi du récit.
Cependant, il apparaît clair que l’ambiance visuelle et sonore est étudiée avant tout pour la réalité virtuelle et que sans casque vissé sur notre tête, ce qui nous est montré n’aurait rien de bien original, sans pour autant que cela en devienne mauvais. L’endroit est vaste, froid, aussi repoussant qu’attirant et distille une atmosphère pesante, effrayante, qui atteint son paroxysme lorsque l’image s’accompagne du son spatialisé qui glace le sang sur place. Jouer avec un bon casque audio est d’ailleurs quasiment obligatoire.
Ce sera aussi l’occasion de profiter pleinement du doublage anglais très réussi porté par un jeu d’acteur qui l’est tout autant. À noter que le jeu est entièrement traduit en français, des menus aux sous-titres et en plus sans accrocs particuliers. La BO est elle aussi une réelle satisfaction, les rares thèmes musicaux choisis avec soin collent parfaitement à l’enrobage visuel, un délice.
Haunted house
Notre aventure passe donc par l’exploration des lieux et par différentes phases nous demandant bien souvent de parcourir un endroit donné de cette grande bâtisse au level design labyrinthique. On y est plus ou moins libre de nos mouvements, mais tout de même dépendant des portes ouvertes qui s’offrent à nous.
On peut même dire que le jeu est découpé en zones, sans temps de chargement entre chacune d’entre elles, rassurez-vous, et qu’elles sont toutes hantées par une entité, un participant à la séance de spiritisme ayant trépassé. Commence alors un jeu du chat et de la souris qui nous demande de nous déplacer dans l’ombre, de nous cacher ou de fuir nos poursuivants. Non, il n’y a pas d’armes ni de possibilités réelles de se défendre ici, la fuite et la dissimulation restent nos moyens de défense les plus efficaces.
Rien ne nous empêche par contre de créer quelques diversions, en balançant une pierre ou une bouteille à l’opposé de notre position, pour ensuite nous faufiler sans faire bruit derrière notre assaillant surnaturel. Ce parti pris non violent fonctionne admirablement bien dans Wraith: The Oblivion – Afterlife et semble couler de source. Il nous demande d’être sans arrêt en alerte et d’utiliser aussi bien le sens de la vue que celui de l’ouïe pour nous sortir de situations parfois assez périlleuses, car si on se fait attraper, c’est le game over quasiment assuré à chaque fois.
Finalement, si on pouvait émettre des réserves quant au bien fondé d’une telle mécanique sur la durée de l’expérience, c’est bien la variété des rencontres et le fait que l’on doive constamment s’adapter à notre opposant qui a fini par très vite nous rassurer. Car chaque spectre est différent et nous demande donc de jouer différemment. L’un peut être rapide, annihilant de ce fait toute fuite, l’autre stationnaire jusqu’à nous apercevoir.
Aussi, on remercie Fast Travel d’avoir fait le choix de miser sur l’ambiance horrifique du lieu et de se passer des jumpscares putassiers que beaucoup d’autres productions du genre utilisent à outrance. Ce qui rend chaque rencontre avec un autre spectre, que l’on entend parfois avant, ou que l’on aperçoit de loin, beaucoup plus effrayante et on appréhende ainsi bien plus les portes que l’on franchit. Alors il y a bien parfois quelques jumpscares, mais ils sont si rares qu’ils en deviennent précieux.
Le pouvoir de l’occulte
Mais réduire Wraith: The Oblivion – Afterlife à une simple partie de cache-cache ne serait pas lui faire honneur. Il propose en effet bien plus et mise autant sur les rencontres avec les entités paranormales que sur l’exploration et la collecte d’objets divers. Une progression certes classique pour le genre du survival-horror, mais qui fait ses preuves ici encore, notamment parce que notre protagoniste est doté de quelques pouvoirs.
Sa lampe-torche lui permet de débloquer quelques passages, mais il peut aussi s’orienter grâce à une sorte de perception spectrale faisant vibrer les contrôleurs lorsque l’on pointe notre main vers un objectif ou encore un ennemi. Chose assez sympathique dans l’idée, mais le manque de clarté des objectifs en cours et le fait de n’avoir aucune map peut devenir assez handicapant parfois, et il arrive que l’on tourne en rond quelques minutes avant de trouver notre chemin. Même si une touche nous indique tout de même la voie à emprunter.
Nos objectifs, eux, sont plutôt sommaires. Ils consistent bien souvent à trouver une clé ou un objet donné qui nous permettra de continuer notre avancée. Tout ceci s’entrecoupant donc de ces fameuses séquences de cache-cache, même s’il arrive bien souvent que la collecte et l’infiltration aillent de pair, rendant l’accomplissement de notre quête assez ardue. D’autant plus qu’Ed est plutôt lent, notamment accroupi, et s’il nous a fallu un temps d’adaptation pour nous y faire, cela ne nous a pas gênés outre mesure, ce parti pris se mélangeant bien avec le concept même du jeu.
Notre appareil photo peut aussi nous permettre de raviver quelques souvenirs perdus dans les méandres de l’habitation, des actions qui baliseront notre progression tout le long du jeu avec en prime quelques énigmes plutôt réussies, bien qu’assez simples. Attention, n’utilisez par contre pas votre lampe avec excès par exemple, car elle utilise du Pathos, une essence que l’on recharge en trouvant des clichés photo cachés ici et là.
De même que notre santé se recharge en utilisant du Corpus et se regagne de la même façon. Le seul souci des pouvoirs et outils qui nous sont attribués en jeu est finalement qu’ils manquent un peu d’exploitation. On fait très vite le tour des possibilités offertes par ces derniers et une stagnation du gameplay leur étant liée s’installe ainsi. Dommage, car il y a franchement de bonnes idées.
On peut aussi noter un souci au niveau de la luminosité dans les environnements sombres, et ce, même avec notre lampe-torche allumée ou encore une distance d’affichage parfois en retrait sur une courte distance, dans un simple couloir le plus souvent. Hormis cela, techniquement, c’est suffisant et respectable, même si on remarque quelques problème de collision ici et là.
Prise en main virtuelle
Il est temps d’en venir à la prise en main du jeu. La reconnaissance de mouvement est quasi parfaite, même si parfois un peu capricieuse lorsque l’on tente de saisir un objet à distance. Il n’y a aucune latence entre nos inputs et mouvements effectués et ce qui est retranscrit dans le casque, aucun effet de motion-sickness à noter, et on peut interagir avec pas mal de choses dans l’environnement, même si comme d’habitude et depuis Half Life Alyx, on s’attend à pouvoir tout prendre en main, même les choses les plus absurdes.
Enfin, la gestion de l’inventaire est d’une simplicité remarquable et d’un confort à l’utilisation exemplaire, un vrai plus tant de nombreux jeux se plantent sur ce point précis. Les traditionnelles options de confort sont aussi au rendez-vous et on peut jouer aussi bien assis que debout sans problème, Wraith: The Oblivion – Afterlife étant pensé pour. Très vite, nos mouvements en jeu s’accomplissent de manière naturelle et automatique.
Wraith: The Oblivion – Afterlife est une réelle bonne surprise et permet de faire oublier un certain Werewolf: The Apocalypse – Earthblood qui ne rendait absolument pas honneur au World of Darkness. Joli et accompagné d’une réelle ambiance horrifique comme on les aime, le jeu parvient sans souci à se montrer effrayant sans pour autant utiliser des artifices superficiels et dépassés.
Doté aussi d’un très bon scénario et d’une narration fluide, il parvient à capter l’attention du début de son aventure à son final réussi que l’on a atteint tout de même au bout de trois bonnes heures, ce qui est très correct pour le genre de l’horreur en réalité virtuelle. Jamais fatigante, l’aventure est bien rythmée, plutôt solide, bien que classique, dans ses mécaniques de progression et de gameplay.
On peut nourrir peut-être quelques regrets au niveau des pouvoirs quelque peu sous-exploités ou encore sur les quelques problèmes techniques rencontrés, mais ce serait chipoter pour pas grand-chose finalement. Le jeu est une réussite indéniable et offre à l’Oculus Quest 2 une réelle référence de l’horreur, même si ce n’est encore pas là le chef-d’œuvre que les fans du genre attendent.