Avec le battage cross-médiatique dont Blizzard nous abreuve depuis la BlizzCon 2017, les attentes et les craintes vis-à-vis de ce nouveau chapitre de l’épopée World of Warcraft, démarrée en 2004 (je sais, ça ne rajeunit personne) atteignaient des sommets. Alors, cette nouvelle extension World of Warcraft: Battle for Azeroth saura-t-elle convaincre de nouveaux héros de se lancer dans l’aventure ou, plus difficile encore, de vieux briscards désabusés de se replonger en Azeroth après des années d’exil ?
World of Warcraft: Battle for Azeroth, pour la gloire du meuporg ?
Plus narratif que jamais
Au tout début, le but de World of Warcraft (communément appelé WoW) était de vous lâcher dans le monde de Warcraft et de vous laisser l’explorer, vous contant au passage de multiples histoires pas forcément connectées les unes aux autres. Le plaisir de jeu venait avant tout du fait de pouvoir visiter des régions qu’on n’avait vues jusque là que dans les trois RTS Warcraft, plutôt que de la narration d’une grande histoire. Au fur et à mesure des extensions, la tendance s’est inversée, avec une place de plus en plus importante accordée aux cinématiques et à la narration pour plonger le joueur dans un grand ouvrage, une imposante fresque.
Ce mouvement narratif, accéléré depuis Warlords of Draenor, atteint son apogée avec Battle for Azeroth, plus de cinématiques que jamais, des personnages doublés qui vous expliquent les implications de nombreuses quêtes sans que vous ayez à les lire, tout est fait pour que vous vous sentiez le héros d’une grande épopée. En fait, mis à part pour les donjons, vous pourrez compléter la quasi-totalité des quêtes de l’histoire en jouant seul, vous, le grand héros, à mille lieues des débuts de WoW où de très nombreuses quêtes nécessitaient d’être en groupe donnant la sensation d’être un simple aventurier parmi d’autres. Que cela plaise à certains ou déplaise à d’autres, c’est bel et bien le chemin sur lequel Blizzard a posé la narration de WoW, et World of Warcraft: Battle for Azeroth applique la formule très efficacement.
Des environnements vivants et crédibles
C’est bien connu, dans une forêt de MMO, il y a des loups et des sangliers espacés de loin en loin parce que telle quête nous demande de les tuer. C’est bien connu, dans une ville de MMO, les seuls habitants sont ceux qui peuvent vous être utiles (marchands, donneurs de quêtes, aubergistes etc.). Si vous avez encore ces préjugés, c’est que vous n’avez pas dû toucher à beaucoup de MMO modernes, et surtout pas à World of Warcraft: Battle for Azeroth ! Tirant les leçons de leur expérience de grande cité vivante avec Suramar dans Légion, Blizzard nous sert ici deux grandes villes (une pour l’Alliance, une pour la Horde) dont les habitants lambda vaquent à leurs occupations, avec des quartiers animés et des quartiers louches regorgeant de quidams patibulaires adossés à un mur qui vous observent d’un œil torve en affûtant leur couteau. Ces deux cités respirent, et font mieux que jamais l’illusion de vraies villes. Il en va de même pour les environnements plus sauvages, dont l’agencement (qui donne souvent lieu à de très beaux panoramas) les font paraître plus crédibles que par le passé.
Avec seulement trois régions par faction (toujours une urbaine et deux plus naturelles et classiques), on pourrait craindre une grosse répétitivité, mais chaque région se découpe en plusieurs zones assez distinctes (bien que ne jurant pas les unes avec les autres) ce qui assure un voyage visuel. À savoir que, grâce au système de level-scaling introduit à Légion, les régions peuvent être jouées dans l’ordre qu’on le souhaite, et que la campagne de guerre (qui comme son nom l’indique raconte le conflit direct entre les factions) vous amènera à explorer les trois régions de la faction adverse. Le level-scaling, rappelons-le, est le système permettant d’avoir une région ajustée à son niveau, et ainsi de pouvoir sauter celles qui ne nous intéressent pas pour se concentrer sur les coups de cœur. Il avait été mis en place à la base afin de permettre aux joueurs de ne pas refaire inlassablement les mêmes zones dans le même ordre et de s’épargner celles d’extensions moins réussies comme Burning Crusade (réussie pour l’époque, mais dépassée aujourd’hui).
Le Cœur d’Azeroth, nouvelle pierre angulaire de votre équipement ?
Depuis Légion, WoW propose une barre d’expérience alternative, qui permet de découvrir de nouveaux sorts, talents et traits en parallèle du gain de niveau, et qui continue bien après le niveau maximal atteint. Dans Légion, il s’agissait des armes prodigieuses, auxquelles on instillait de la puissance au cours de ses voyages et différentes activités en jeu, pour lui faire gagner des niveaux et des traits qui influaient souvent radicalement sur le gameplay de votre classe. Dans World of Warcraft: Battle for Azeroth, de nouvelles armes prodigieuses ont été introduites (nous aurons donc de nouveau le plaisir d’obtenir de nouvelles armes lors des quêtes, donjons et autres), mais également le Cœur d’Azeroth, un collier unique que nous garderons pendant toute l’extension (zut, nous n’aurons donc plus le plaisir d’obtenir de nouveaux colliers lors des quêtes, donjons et autres). Ce collier, dont le niveau augmente en collectant de l’Azérite, ne débloquera pas directement de nouveaux talents pour lui, mais pour vos pièces d’équipement en Azérite (casque, épaulières, torse, etc.). Chacun de ces équipements a une collection spécifique de talents à débloquer, qui ne pourront l’être (en faisant des choix) que quand le Cœur d’Azeroth sera au niveau adéquat. Ce système est intéressant car, contrairement aux armes de Légion, le Cœur d’Azeroth est commun à toutes vos spécialisations de classe, ce qui rend plus viable de jouer en alternance plusieurs spécialisations. En outre, vous pouviez à terme débloquer la totalité des talents de l’arme, ce qui n’est pas le cas des talents des armures en Azérite, obligeant à faire des choix selon votre style de jeu (n’ayez crainte, un PNJ particulier propose de changer vos choix de talents sur vos armures si ceux ci ne vous conviennent plus).
Ce système sera t-il aussi riche que celui des armes de Légion et proposera t-il autant de traits spéciaux qui influent radicalement sur la façon de jouer ? Nous nous posons d’autant plus la question avec la disparition des fameux sets de classe de raid et des traits qu’ils apportaient. Nous ne pourrons vraiment le savoir qu’au niveau maximum, quand les meilleures armures d’Azérite seront disponibles, mais le système mérite qu’on lui laisse sa chance (on n’a pas le choix de toute façon).
Et si on a fini, on recommence !
Car les nouvelles races sont bel et bien là pour cela. Les Draenei Sancteforge, les Elfes du vide, les Nains sombrefer, les Humains de Kul-Thiras, les Taurens de haut-Roc, les Sacrenuits, les Ogres Mag’Har, et les Trolls Zandalari, rien que ça ! Après les avoir débloqués pour la plupart à l’issue de dures luttes dans les quêtes pré-extensions via les réputations dédiées, les voila enfin ! Accessibles directement au niveau 20 du moment que vous possédez un personnage lvl 110. Mis à part de nouveaux talents de race, et un background plus étoffé, point de modification avec un personnage classique mais une bonne raison de créer le fameux prêtre-ombre qu’on repoussait aux calendes grecques. Ah si ! Les druides humains de Kul’thiras et les Trolls Zandalari auront de magnifiques nouvelles transformations, quand on saura comment les obtenir.
Quoi ? L’aspect social des MMO ?
World of Warcraft: Battle for Azeroth propose également deux gros outils pour améliorer l’interaction entre joueurs, à savoir la discussion de groupe et les communautés. La discussion de groupe est un outil vocal intégré au jeu qui s’adapte au groupe dans lequel vous êtes. Ainsi, en rentrant en donjon avec des compagnons aléatoires, l’on vous propose tout de suite de rejoindre la discussion du donjon, pour pouvoir parler à l’oral à vos compagnons de fortune. L’objectif est clairement d’améliorer les interactions entre joueurs lors de ce type d’activité (où les joueurs communiquent typiquement peu) et de leur permettre de discuter stratégie plus rapidement que par écrit. À savoir si l’outil sera beaucoup utilisé… Nous pensons particulièrement aux joueuses qui risquent de subir les assauts de messieurs inconnus dès lors qu’elles feront entendre leurs voix (oui, la communauté des MMO en général reste, hélas, assez misogyne/sexiste).
Le second outil est celui des communautés, qui permet le rassemblement de joueurs à travers les serveurs sur un thème spécifique. En effet jusqu’ici il était difficile de communiquer avec un grand nombre de joueurs en même temps en dehors de sa guilde. A présent, il est bien sûr possible de faire partie d’une guilde, mais aussi de plusieurs communautés, afin d’avoir des discussions avec des joueurs aux intérêts communs (roleplay, artisanat, organisation de raids, PvP, etc.). L’interface des communautés/guildes est assez différente de l’ancienne interface de guilde, et il faudra sans doute du temps aux anciens joueurs pour s’y habituer (ayant eu nous-même du mal à nous y retrouver au début).
Le PvP : du sang, des tripes et de l’honneur pour les braves
Le mode guerre, tant attendu, remplit pleinement ses promesses. Il rend tout difficile, mais apporte son lot d’avantages. Les compétences de PvP sont accessibles en permanence hors instance, les personnages bénéficient de 10% d’XP et de ressources en plus, et l’accès au largage. Des coffres qui viennent du ciel et qui donnent lieu à des batailles sanguinaires pour remporter son contenu, de bonne qualité. En échange, il faut rester sur ses gardes en permanence, car une embuscade peux survenir à tout moment, et qu’il n’y a aucun moyen d’être à l’abri (mis à part une pression sur le petit bouton qui désactive le mode spécial). Les serveurs PvP n’ont donc plus de raison d’être, au grand dam de ses défenseurs de la première heure, les durs, les vrais.
Et la suite?
Pour la suite de l’extension et au niveau maximum, de nombreux contenus n’ont pas encore pu être testés, et détermineront sans doute le succès à terme de l’extension. À savoir Uldir, le premier raid de l’extension, mais aussi les donjons mythiques +, des donjons à difficulté croissante qui ont participé au succès de Légion et qui ont été raffinés pour World of Warcraft: Battle for Azeroth. Et surtout deux sortes de contenus totalement nouveaux : les expéditions insulaires et les fronts de guerre.
Les expéditions insulaires sont des scénarios prévus pour jouer en 3 contre 3, que les trois adversaires soient de vrais joueurs, ou des IA avancées supposées se comporter comme de vrais joueurs et offrir un véritable défi. L’objectif de ce type de scénario est de remporte une course à l’Azérite sur des îles dont les monstres, coffres, défis et énigmes sont générés de manière procédurale (une première dans WoW). Ces expéditions seront la principale source d’Azérite pour améliorer votre Cœur d’Azeroth, et elles promettent une bonne rejouabilité sans trop de répétitivité.
Les fronts de guerre s’inspirent des racines stratégiques de la licence Warcraft et opposeront 20 joueurs à une armée ennemie détenant une forteresse et plusieurs bastions mineurs. Pour l’emporter, les 20 joueurs devront collecter des ressources, construire des bâtiments et recruter de nombreuses troupes qu’ils accompagneront au combat pour prendre la forteresse adverse. À voir comment sera dosée la difficulté.
Conclusion World of Warcraft: Battle for Azeroth
World of Warcraft: Battle for Azeroth est assurément bien différent de ce qu’était le jeu originel à sa sortie en 2004. Au lieu de vous larguer dans un monde inconnu et décousu, le jeu vous prend aujourd’hui par la main pour vous conter une histoire dans un monde cohérent, deux manières opposées bien que toutes deux efficaces d’immerger le joueur dans un vaste univers. Le jeu a perdu une bonne partie de son aspect social depuis un moment, en permettant de rejoindre des donjons avec des personnes aléatoires auxquelles il n’est pas nécessaire de parler, ou encore en minimisant le nombre de quêtes nécessitant d’être en groupe. Les outils de discussion audio et de communautés sont là pour contrebalancer ces pertes d’aspect social, mais les faits sont là : la montée de niveau de Battle for Azeroth ressemble davantage à un très sympathique RPG dans lequel on croise régulièrement d’autres joueurs qui pourront donner un coup de main, plutôt qu’à un MMO à l’ancienne où il était nécessaire de former des groupes pour progresser. Cela plaira à certains, pas à d’autres, sachant que le contenu de haut niveau et de difficulté élevé nécessitera comme toujours une guilde soudée pour être réussi.
Quoi qu’il en soit, de par la richesse de ses environnements et sa narration appuyée par de nombreuses cinématiques bien mieux écrites que dans les extensions précédentes (on remerciera Christie Golden, qui a écrit de très nombreux romans Warcraft et travaille désormais pour Blizzard), l’extension reste très agréable à jouer, proposant deux histoires (une pour l’Alliance, une pour la Horde) totalement différentes, encourageant le joueur à monter un personnage de chaque faction pour tout expérimenter, surtout avec les nouvelles races. Reste désormais à voir si le contenu de haut niveau sera à la hauteur, et les modifications équilibrées.