Parfois, on tombe sur des jeux qui ne paient pas de mine et qui se montrent surprenants, emballants et généreux. Des petites perles indépendantes ou des AA qui n’ont certes pas le budget d’un blockbuster, mais parviennent avec leurs arguments à faire au moins jeu égal avec beaucoup d’entre eux. C’est ce que l’on attendait de Werewolf: The Apocalypse – Earthblood qui se montrait séduisant sur le papier et avait tout pour plaire.
Des loups-garous, de l’infiltration, de l’action, de l’exploration, un univers travaillé, voilà les promesses qui nous étaient faites et de tout cela, on ne retiendra finalement rien, tant le jeu de Cyanide s’est montré décevant du début à la fin, sans jamais au moins une fois réussir à nous faire croire en lui. Et ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas réellement d’un A6RPG comme cela avait été communiqué, mais plus d’un jeu d’infiltration/action en open field.
Salée, cette critique le sera, mais non sans raison, car même le Petit Chaperon Rouge viendrait facilement à bout de ce grand méchant loup.
(Test de Werewolf: The Apocalypse – Earthblood réalisé sur PC via un code fourni par l’éditeur)
C’est à se demander ce qui est passé par la tête de Cyanide pour oser nous sortir un tel jeu, car après nous avoir pondu deux épisodes de Styx franchement bons, on ne pensait pas que le studio tomberait dans les limbes de la médiocrité. Cela fait bien longtemps que nous n’avions pas mis nos doigts sur un tel désastre et on en vient à nous questionner sur les conditions de développement de ce Werewolf: The Apocalypse – Earthblood.
Car pas moins de trois ans ont été nécessaires à sa création, alors que manette en mains, on pourrait croire que le jeu a été torché en un an par un stagiaire qui voulait se faire remarquer. En cause, un gameplay moyenâgeux, une réalisation technique datée, des séquences d’infiltration plus basiques, tu meurs, et globalement un titre qui ne parvient jamais à décoller, arrivant même à se saborder dès son prologue.
C’est d’autant plus rageant que Werewolf: The Apocalypse – Earthblood fait partie intégrante de l’univers du Monde des Ténèbres créé par Mark Rein-Hagen et qui se décline sous plusieurs formes, allant du jeu de rôle et de cartes au jeu vidéo, donc. Un titre culte comme Vampire : La Mascarade est d’ailleurs l’adaptation du jeu de rôle du même nom, tout comme Werewolf l’est aussi pour le sien.
Le problème, c’est qu’ici à aucun moment le jeu vidéo ne rend justice à l’univers de fiction duquel il est tiré. Il ne suffit pas d’y mettre quelques références et des loups-garous ou autres créatures issues du folklore fantastique des différentes œuvres pour en faire une adaptation réussie, et surtout ayant la même profondeur de ton et de propos.
Gaïa, encore Gaïa, toujours Gaïa
Le scénario est très simple. On incarne Cahal, membre d’un Cairn de Garous (les loups-garous du jeu) dans une belle forêt entourée par d’innombrables usines et entrepôts appartenant à une terrible société répondant au nom de Endron, sorte de conglomérat qui exploite les ressources naturelles en faisant abstraction de toute conscience écologique. Le rôle des Garous est de protéger Gaïa, la nature en d’autres mots, face à l’exploitation humaine et surtout le Wyrm, sorte de force malveillante capable de corrompre les cœurs les plus purs et la nature elle-même.
Lors d’une mission visant à infiltrer la dangereuse corporation, sa femme est tuée. Porté par sa fureur, Cahal la venge et devient incontrôlable, tuant au passage un membre de sa meute. Pour se punir, il part en exil, laissant sa fille derrière lui au passage. On le retrouve cinq ans après, alors qu’il effectue un job avec Dusk, son nouveau compagnon de route. C’est alors qu’il apprend qu’Endron compte attaquer son ancien Cairn et éliminer tout le monde.
Il décide alors de s’y rendre pour le défendre et surtout mettre son adolescente de fille en sécurité. Une fois l’attaque terminée, il reprend la lutte contre Endron et le Wyrm avec l’aide de son Cairn et de sa fille qui a infiltré la société belliqueuse. On comprend alors très vite que les deux entités sont liées et que les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît.
Gare aux Garous
De ce scénario, on ne retiendra qu’un background plutôt intéressant, mais totalement inexploité, ainsi qu’un effort sur la narration avec des dialogues assez fournis, même si en rien transcendants. Cahal est un personnage assez plat, le reste du casting l’est tout autant, et rien ne vient jamais réellement nous réveiller de notre profond ennui.
Il y a bien quelques choix à faire parfois lors de moments soi-disant clés, alors qu’en fait, c’est totalement artificiel et se résume finalement à laisser parler un type ou le décapiter, on est loin de Mass Effect et son option renégat. Forcément, le choix de fin arrive alors comme un sac de poils dans une soupe déjà pas bien appétissante.
Comprenez que ce n’est pas tant le scénario ou l’univers exploité qui sont ici ratés, que ce que le jeu nous dit et comment il le dit. En somme, on parle d’une narration à l’écriture médiocre et aux protagonistes stéréotypés qui ne parviennent jamais à nous impliquer dans le récit.
Et encore, si Werewolf assumait son statut de série B sans prétention, cela irait, mais non, on essaie là de nous impliquer, de nous faire passer un message écolo et même de nous faire fondre en larmes par moments, mais il aurait alors fallu que l’on s’attache aux personnages et surtout que la mise en scène suive, ce qui est loin d’être le cas, les cut-scenes parvenant à être plus moches et mal foutues que le jeu tournant en temps réel.
À cela s’ajoutent des modèles de personnages vieillots, aux animations datées et aux faciès figés, le tout servi par un character design cliché, mais néanmoins dans le ton. Le doublage est sans conviction, même si certains sont potables, n’exagérons pas, notamment Cahal qui est au-dessus du lot à tous points de vue. Curieux que les seconds couteaux n’aient pas bénéficié du même soin, alors qu’ils interviennent assez souvent.
À pas de loups
Alors oui, l’écriture n’est pas très fine, l’univers en place sous-exploité et même si on distingue quelques bribes de bonnes idées ici et là, on est loin d’être enchanté par ce qui nous est conté. Reste le gameplay alors, qui aurait pu relever le niveau, mais là encore, Werewolf fait chou blanc. Il y a pourtant une once d’ambition derrière cette exécution foirée, mais ce qui compte, comme dirait l’autre, ce ne sont pas les intentions, mais les actes.
Le jeu s’articule autour de trois axes : l’infiltration, l’action et l’exploration. En gros, notre Cairn fait office de HUB duquel on part effectuer notre mission du moment ou remplir quelques quêtes annexes qui se résument toutes à trouver un truc dans la zone d’exploration semi-ouverte, ou exploser quelques ennemis et basta. On peut aussi discuter avec les locaux ou encore trouver des journaux à lire qui sont bien plus intéressants que notre quête, et là on se dit que c’est dommage, car finalement cet univers issu du Monde des Ténèbres avait du potentiel.
Les missions, elles, ne se résument qu’à infiltrer un complexe quelconque, à la direction artistique lambda, bien souvent les mêmes entrepôts, labos, usines avec quelques variations, mais rien de bien emballant visuellement. Seul l’environnement de la prison sort du lot et les deux tentatives de changement de zone échouent à réveiller notre intérêt, car tout est vide, sans âme et lassant.
Pourtant, Werewolf apporte dans sa besace une idée de taille, celle de proposer et de même mettre en avant l’infiltration comme solution numéro une à nos rencontres avec l’ennemi. Séduisante, cette tentative d’originalité s’étouffe comme un feu d’artifice mouillé dans sa propre fumée, car si on ne peut que reconnaître le culot d’une telle entreprise, c’est une nouvelle fois dans l’exécution que cela pêche sérieusement.
Il faut savoir que l’on peut évoluer sous trois formes, en tant qu’homme (Humid), loup (Lupis) ou loup-garou (Crinos). Les deux premières sont surtout liées à l’exploration et la furtivité, le loup agile peut grimper, se faufiler dans des conduits, et l’homme peut désactiver les caméras de surveillance via des terminaux, tirer à l’arbalète ou encore trafiquer les points d’entrée des renforts, leur infligeant des dégâts lors de leur venue si l’on est repéré.
Voilà qui était alléchant, mais malheureusement rien ne va. L’infiltration est bâclée, vieillotte, il ne s’agit que de se cacher derrière une couverture, observer quelques secondes, passer par un ou deux conduits, désactiver une caméra, éliminer un ou plusieurs gardes aveugles, ouvrir une porte et le tour est joué. Et c’est le même schéma avec le même level design en petite arène remplie de couverts et de conduits qui se répètent inlassablement, sans fin, et on est comme prisonnier d’une boucle temporelle nous renvoyant aux prémices de l’infiltration 3D.
Et encore, un jeu comme Metal Gear Solid se débrouillait infiniment mieux que Werewolf: The Apocalypse – Earthblood. Finalement, seul le passage de la prison et son petit côté Hitman nous a agréablement surpris, on y retrouvait enfin une infime partie du savoir-faire de Cyanide. Mais malheureusement ce schéma de jeu armé de mécaniques de gameplay obsolète devient vite ennuyant, si bien que l’on préfère zapper l’infiltration et se la donner lors de séquences d’action bien mieux réussies, même si là encore très imparfaites.
De bien longues dents
Une fois transformé en loup-garou, on retrouve un peu de mordant et le jeu se transforme en beat’em up plutôt intense dû à la multiplication des ennemis, de leurs types (gare aux balles en argent), mais grâce aussi à nos capacités que l’on débloque via un système d’expérience.
On en glane en réussissant nos missions, en envoyant ad patres nos opposants ou encore en trouvant quelques collectables appelés « esprits cachés » un peu partout. Ceci nous ouvre la voie vers quelques minuscules arbres de compétences qui ajoutent un peu de sel, sans pour autant que ce petit côté light RPG ne parvienne à redistribuer les cartes.
En combat, deux postures sont possibles, lourde et légère, chacune possédant des coups spéciaux plutôt pas mal qui lui sont propres et qui sont à utiliser en fonction de l’adversaire rencontré. D’ailleurs, c’est là une réussite, le « bestiaire » est plutôt fourni et si le challenge n’est pas incroyable, le mode difficile propose quelques séquences assez ardues.
Alors, c’est classique, on trouvera des lambdas, des snipers, des troufions lourds armés de fusils à pompe ou encore des mecs massifs armés de gatlings, et même des mechas. Une petite surprise intervient même vers la fin et renouvelle complètement le bestiaire.
La rage est aussi une composante importante du gameplay et nous permet de lâcher nos coups spéciaux, notamment. Du regain de vie en passant par l’enchaînement de coups de pattes à la Wolverine, il y a de quoi faire, à défaut d’avoir droit à un vrai système de combos, le système de combat restant assez basique là encore. La rage se gagne en fracassant tout ce qui bouge par exemple, ou en éliminant furtivement une cible, voire en buvant un peu de whisky avant d’entrer en combat. Oui, le whisky donne la rage, c’est bien connu.
Le système est celui qui nous permet aussi de couper court à certaines discussions en attaquant notre interlocuteur. Rien de bien fou de ce côté-là, on est en plein dans l’illusion du choix, mais pour les combats, cela fonctionne bien. Par contre, où est passé le concept promis du « trop de rage tue Cahal » ? Parce qu’on ne l’a pas vu du tout, sûrement supprimé pour cette version finale, dommage.
Aussi, il est possible d’entrer dans un état de frénésie une fois la jauge correspondante remplie. Là, notre bête poilue devient quasiment invincible et est capable de faire tomber le plus ardu des boss en un éclair ou presque. On retiendra de nos affrontements des combats intenses, enragés, mais aussi répétitifs et qui peinent à se renouveler, et ce, malgré l’arrivée de nouvelles têtes à combattre.
Malheureusement, on ne peut pas dire que les combats contre d’autres loups-garous nous aient convaincus dans ce Werewolf: The Apocalypse – Earthblood, loin de là. Il y en a déjà très peu, et ensuite, ils sont d’une facilité déconcertante, tout comme les quelques affrontements de boss. Aussi, lors de nos batailles à plus ou moins grande échelle, la caméra a tendance à partir en vrille et mal se placer, surtout dans certains endroits exigus, ce qui rend parfois le jeu illisible malheureusement, sans même parler des exécutions mal cadrées sous la forme de garou, et qui sont toutes les mêmes…
Globalement pas désagréables, les affrontements ne nous ont pas pour autant laissé un souvenir impérissable, ils sont certes au-dessus du reste, mais accusent là encore un retard de quelques années sur la concurrence. Il manque de vrais combos, plus de variétés et surtout un véritable challenge, car hormis deux ou trois fois, rien n’est vraiment difficile. Quant à l’exploration, on ne vous fera pas l’affront de vous en parler tant il n’y a rien à en dire, les zones sont petites, sans intérêt, répétitives et n’incitent en rien à s’y attarder.
Comme un vieux loup
Terminons ce tour d’horizon par l’aspect technique du soft. Très sincèrement et même si l’on est face à un AA, en 2021, il est très difficile d’accepter ce que l’on a sous les yeux. Ce n’est pas beau, ou peut-être seulement en forêt de nuit, il ne se dégage aucune atmosphère particulière, et rien ne vient jamais rehausser le niveau, ni les jeux de lumière, les couleurs, les effets à l’écran… rien.
Même les loups-garous font parfois pitié dans Werewolf: The Apocalypse – Earthblood, comme de vieilles bêtes à l’agonie qu’il nous faut achever pour en abréger la souffrance. Les transformations sont minables et ne témoignent d’aucun panache, d’aucune mise en scène particulière. Pas une goutte de sang, rien. D’ailleurs, le jeu se montre étonnamment non gore, et s’il y a du sang, il passe totalement inaperçu.
Pourtant, là encore, parfois, on distingue un brin de recherche. Avec ce monde des esprits, ou encore ces grands esprits de dix pieds de haut avec lesquels on peut interagir en utilisant notre vision de garou, ce qui nous permet aussi de repérer ennemis et points d’intérêt. Un affrontement de boss nous laisse même espérer des environnements plus mystiques à venir, mais finalement, cela devient vite un rêve éphémère laissant place à un désert moche et des installations industrielles convenues à la direction artistique quelconque et oubliable.
Par contre, c’est fluide, bien optimisé sur PC, et facile à prendre en main. C’est dépassé à tous les niveaux, et cela pourrait presque tourner sur PlayStation 3, mais cela a le mérite de ne pas être trop gourmand en ressources, c’est déjà ça. En revanche, il y a des bugs, mais rien de bien marquant, juste quelques soucis au niveau des collisions qui peuvent être gênants. Enfin, on appréciera le moteur physique plutôt convaincant au niveau de la destruction des décors qui retranscrit bien la rage des combats, il fallait au moins ça pour faire oublier une réalisation technique plus que datée.
Werewolf: The Apocalypse -Earthblood est un ratage quasi-intégral. Si quelques ambitions sont perceptibles, elles sont totalement annihilées par une exécution incroyablement ratée. Rien ne va ou presque. Graphiquement dépassé et artistiquement sans imagination, gameplay vieillot, notamment de par des séquences d’infiltration totalement bâclées, on ne retiendra pas grand-chose du jeu.
Ni le scénario, ni les personnages, peut-être un peu son univers, et cette idée de coupler trois formes différentes jouables à tout moment. Aussi, les combats ne sont pas à jeter et c’est ce qui sauve le titre de la noyade dans un océan d’oubli, mais ce n’est pas suffisant, pas assez, on en ressort déçu, trahi, meurtri et on n’a qu’une envie, oublier au plus vite cette expérience finalement désagréable.