Depuis son premier épisode, sorti en 2008 sur PlayStation 3, Valkyria Chronicles, la série de tactical-RPG de SEGA a connu un parcours assez mouvementé. Avec deux épisodes sortis sur PSP qui ont peiné à trouver un public et un très mauvais spin-off (Valkyria Revolution), l’avenir de la franchise était fort compromis.
Et pourtant, alors que tout semblait perdu, est arrivé le premier trailer de Valkyria Chronicles 4. Le titre allait sortir sur consoles de salon et PC, et renouerait avec l’excellent premier épisode de la saga (mais sans la boulangère surpuissante pour qui Gloire et Levure sont le pain quotidien). Peut-être un peu trop au goût de certains fans qui craignaient que Valkyria Chronicles 4 ne soit qu’une redite de l’épisode fondateur, avec un nouveau skin et un nouveau scénario. Ces craintes sont-elles fondées ?
« Nous lutterons sur les plages, […] nous lutterons dans les champs et les rues ». (Winston Churchill)
1935, le continent Europa est en proie à la guerre. Alors que la Fédération Atlantique dirigée par le Royaume-Uni d’Edimbourg et l’Empire de l’Est s’affrontent, le conflit s’enlise. La situation devient problématique quand les troupes impériales marchent sur Gallia (ainsi que relaté dans Valkyria Chronicles 1).
Afin de mettre un terme à cette guerre, la Fédération décide de tout miser sur une opération aussi risquée que téméraire : l’opération Croix du Nord, qui consiste à envoyer des escadrons en plein cœur de l’Empire pour prendre Schwartzgrad la capitale Impériale. Valkyria Chronicles nous invite à suivre l’Escadron E dirigé par le lieutenant Claude Wallace, un Gallien qui, accompagné de ses amis Raz, Kai et Riley va devoir assumer l’opération et tout ce qu’elle implique. Les embuscades ennemies, les problème de ravitaillement et les rigueurs du climat seront autant d’embûches sur la route de nos joyeux bidasses.
Valkyria Chronicles 4 est un tactical-RPG mâtiné d’action. Le but du jeu est d’arracher la victoire au cours des diverses batailles que vous devrez livrer. A vous de prendre les bonnes décisions et de placer vos troupes avec sagesse afin de triompher. Vos sens de stratège seront mis à rude épreuve, car les missions scénarisées vous mettront très souvent dans des situations a priori inextricables.
Là où Valkyria Chronicles 4 se démarque des autres jeux de stratégie, c’est dans sa dimension action. En effet, une fois que vous aurez sélectionné une de vos unités, vous la contrôlerez directement sur le terrain, un peu comme dans un third person shooter. En plus de jongler avec des stats, vous devrez donc faire preuve d’un peu de skill de combattant.
Quand vous ne serez pas au Front, vous suivrez les péripéties de Claude et ses amis dans de multiples saynètes. Outre celles qui relatent le scénario, vous aurez également accès à des épisodes intermédiaires. Valkyria Chronicles 4 est un jeu très bavard à déconseiller aux impatients. Les autres se réjouiront d’en apprendre plus sur les personnages.
En dehors de ces nombreuses phases de dialogue qui donnent au jeu un aspect visual novel, vous pourrez également vous adonner aux joies de la gestion dans votre camp de base. Equipement, constitution de votre bataillon, recherche et développement d’armes… vous aurez de quoi faire entre une scène moe et une bataille serrée. Le campement permet également d’accéder à un codex très fourni qui recèle d’informations sur le monde de Valkyria Chronicles 4. Celui-ci, outre vous donner des informations sur le contexte général de l’univers, fourmille d’informations sur vos recrues. Celles-ci sont nombreuses et ont des personnalités propres. Il est impossible de ne pas s’attacher à certains soldats.
Tout est fait pour vous sentir proche d’eux. Ce facteur est très important quand on sait que la mort des soldats qui vous accompagnent est définitive. Soyez très prudent avant d’envoyer votre combattant favori charger une position ennemie, car s’il tombe, c’est fini pour lui.
Escadron E, à l’attaque !
Le gameplay de Valkyria Chronicles 4 ne dépaysera pas les fans de la première heure. Finies les arènes séparées des épisodes PSP, exit le bourrinage de Valkyria Revolution. On revient aux sources avec le retour du système BLiTZ (Battle of Live Tactical Zones). Celui-ci est séparé en deux modes : le mode tactique qui vous donne un aperçu de la carte, pour commencer. Ce mode permet de choisir une unité, ou de donner divers ordres dont la fonction est d’apporter divers buffs à vos troupes. Afin de donner vos directives, vous êtes limité par un ensemble de points de commandement (PC) représentés par des médailles qui déterminent le nombre d’actions qui vous est alloué à chaque tour (eux-mêmes divisés en deux phases : une pour le joueur, l’autre pour l’IA).
La deuxième facette du système BLiTZ vous plonge au cœur du champ de bataille. Après avoir choisi une unité, vous la dirigez afin d’effectuer une action (attaquer, se soigner, capturer une base). Chaque unité a ses propres spécificités. Par exemple, les soldats d’assaut sont plus lourdement armés, mais leur mobilité est plus réduite. Les soldats sont tributaires d’une jauge de points d’action (PA plus ou moins grande selon leur classe, qui détermine la distance qu’ils peuvent couvrir en se déplaçant. Vous pourrez utiliser un soldat pour plusieurs actions successives, mais gardez à l’esprit que son nombre de PA se réduit à chaque utilisation au cours d’une même phase).
Les amateurs du premier opus, nous l’avons dit, retrouveront aisément leurs marques. La question est alors de savoir quelles nouveautés Valkyria Chronicles 4 apporte sur la table. Et celle-ci sont assez nombreuses. La première est l’apparition de la classe Grenadiers. Ces nouveau soldats équipés d’un mortier portatif changent grandement la donne. Ces unités compensent leur défense en papier mâché et leur mobilité d’escargot par une portée assez dingue. Les grenadiers peuvent tirer en cloche sur de larges distances et peuvent également effectuer des tirs d’interception (peu précis mais redoutables) lorsqu’un adversaire entre dans leur zone d’aggro.
En plus de ces nouveaux grenadiers, vous obtiendrez un véhicule blindé de transport de troupes, bien pratique pour emmener en toute sécurité des soldats à la mobilité réduite vers un objectif. Parmi les nouveautés, vous aurez également la possibilité de confier le commandement à l’un des chefs. En substance, cela signifie que vous pourrez lui adjoindre deux soldats qui le suivront. Utile pour lancer une attaque d’envergure ou rapprocher une unité avec un nombre de PA trop faible de sa cible.
Vous pourrez enfin, au cours du combat, bénéficier d’un soutien naval. En effet, vous pourrez donner des ordres divers au Centurion, le navire qui vous accompagne. Parmi ces ordres, la possibilité de détecter les embuscades avec un radar, ou de secourir les alliés mourants…
Le système originel connaît de nombreuses modifications bienvenues. Ainsi, lorsqu’un de vos soldat réussit une action, son moral augmente. Un soldat avec un super moral sera plus efficace. S’il essuie trop de tirs et voit sa vie tomber à 0, il pourra soit « inspirer » ses camarades (leur faisant gagner un précieux PC supplémentaire) soit utiliser une dernière action avant de tomber (à vous ensuite de trouver un moyen de le sauver). Les règles ont un peu changé depuis Valkyria Chronicles premier du nom. L’utilisation du char ne nécessite plus deux PC et le perdre ne signifie plus nécessairement la fin de la mission (bien que cela vous coupe de toute possibilité de donner des ordres).
Concernant vos soldats, on retrouve le système d’affinités et de potentiels propre à la série. Chaque soldat a des caractéristiques bénéfiques ou handicapantes (par exemple, un soldat tête-en-l’air a des chances de se retrouver sans munition, un combattant courageux verra certaines de ses caractéristiques augmenter sous le feu ennemi) et d’affinités avec d’autres membres de l’escadron. Mettez deux soldats amis ensemble et ils feront des merveilles sur le champ de bataille. Ce système existait déjà dans le passé mais se retrouve étoffé.
Cette fois-ci, suivre les bonnes associations de soldats vous permettra de débloquer des mini-scénarios mettant en scène des groupes de trois bidasses ainsi qu’une mission spéciale qui leur est dévolue. Une fois ces histoires d’escadron complétées, vos troupes verront un de leur potentiel handicapant transformé en potentiel valorisant.
Apocalypse Moe
On retrouve avec Valkyria Chronicles 4 tout ce qui faisait le sel de la série. En premier lieu, une esthétique anime très colorée et chaleureuse portée par le moteur CANVAS qui donne aux graphismes un aspect aquarelle de toute beauté. Le character-design est très efficace avec des personnages très charismatiques et des doublages de qualité en VO, bien qu’un peu moins énergiques en VA.
Par ailleurs, le titre est très accessible, en dépit de son évidente complexité. Les batailles du scénario valent largement le détour, celles-ci vous mettant tout le temps aux prises avec des éléments imprévus (par exemple la météo, ou des dangers de terrain comme le feu) ou vous plongeant dans des situations a priori désespérées. Les batailles peuvent durer très longtemps (bien que limitées à 20 tours en général) et c’est un sentiment d’accomplissement total qui nous envahit quand on parvient enfin à arracher la victoire des griffes de l’armée adverse. Les escarmouches, un poil plus routinières, feront la joie des amateurs de scoring qui essaieront de les boucler en un nombre de tours minimal pour un score final à la hauteur de leur talent de stratège.
A la musique, on retrouve Hitoshi Sakimoto au poste de compositeur et c’est un réel plaisir de le voir revenir dans la licence. Les compositions sont toujours aussi épiques et entraînantes, avec ce petit aspect à la fois militaire et féerique. Celles-ci accompagnent des scènes tantôt graves, tantôt plus légères. Valkyria Chronicles 4, nous le disions plus tôt est un jeu très bavard. Attendez-vous à des heures de dialogues. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ceux-ci sont parfois assez mièvres. On retrouve de nombreux poncifs sortis tout droit de n’importe quel anime. Vous aurez votre lot de tsundere, de loli, de bons sentiments un peu gnangnan dans votre escadron.
Cependant, cette touche moe fait partie intégrante de l’identité de Valkyria Chronicles 4. Aussi il est difficile de le reprocher au titre. Si l’animation japonaise vous laisse de marbre, passez votre chemin. Le scénario est très manichéen et c’est assez dommage. En effet, pour une fois que dans la série on interprète une force d’invasion, on aurait aimé que le sujet soit un peu plus abordé.
Hélas on se retrouve avec des gentils soldats mignons tout plein accueillis à bras ouverts par la population contre les méchants impériaux très méchants. Il en résulte un décalage complet entre l’esthétique kawai, les dialogues légers et l’imagerie très inspirée de la Seconde Guerre Mondiale.
Excellente nouvelle, Valkyria Chronicles 4 est complètement localisé en français. Et la traduction est de plutôt bonne facture, bien qu’on regrette quelques coquilles et peut-être une ou deux tournures un peu bizarres. Les adaptateurs s’en sont donné à cœur joie, donnant aux dialogues un aspect un peu plus rugueux, plus authentique dans un contexte militaire. Si le titre est très beau graphiquement, on notera peu de différences avec le remaster du premier opus, visuellement parlant.
Sur PS4 classique, on a remarqué un aliasing très présent et quelques légers ralentissements. Cependant, ces quelques défauts ne sont pas suffisants pour ternir une expérience de jeu aussi satisfaisante. La durée de vie du jeu est très honorable. Comptez entre quarante et cinquante heures pour venir à bout du titre.
Avec ce quatrième opus, Valkyria Chronicles revient en force. Loin d’être une simple redite de son aïeul, Valkyria Chronicles 4 reprend sa formule et y ajoute tout un tas de trouvailles qui pimentent une expérience de jeu qui était déjà fort solide. Très joli graphiquement, avec un gameplay rudement bien pensé et une difficulté parfaitement équilibrée, Valkyria Chronicles 4 parvient à nous transporter aux côtés de l’Escouade E.
C’est avec les honneurs que Valkyria Chronicles nous revient, et cet épisode laisse présager du meilleur pour l’avenir. Faites votre paquetage et enfilez votre équipement car l’Opération Croix du Nord a besoin de vous, et vous ne regretterez certainement pas le voyage. Repos, soldats !