En 2011 sortait sur PC un hack’n’slash au ton assez décalé répondant au doux nom de UnEpic. Véritable déclaration d’amour au genre, il fut développé par une seule personne, Francisco Téllez de Meneses. Fort d’un joli succès d’estime et commercial, le jeu sortit sur Wii U, ainsi que sur Switch. Par la suite, un autre projet vit le jour en 2016, un shooter 2D très inspiré par Metroid du nom de Ghost 1.0 (suivi de Mini Ghost un an après).
Plutôt réussis, ces titres nous ont permis de cerner le personnage derrière ces softs, un vrai fan de jeux vidéo des années 80/début 90 qui veut, au travers de ses créations, nous transmettre l’amour qu’il porte aux jeux de cette période bénie. Ceux-là même qui virent se démocratiser notre média préféré dans le monde entier. Et le fraîchement sorti UnMetal est lui aussi un réel hommage à cette période faste, et surtout au titre culte et précurseur qu’était le premier Metal Gear de monsieur Hideo Kojima.
Avec l’aide externe de quelques collaborateurs, celui que l’on connaît aussi sous le pseudonyme de @unepic_fran nous offre ici l’une des parodies les plus drôles et réussies que l’on ait eu entre les mains depuis fort longtemps. Tout simplement parce qu’UnMetal est bien plus que cela, il est aussi un jeu d’infiltration exigeant, varié et très bien écrit.
(Test de UnMetal réalisée à partir d’une version PC commerciale)
L’histoire d’UnMetal prend place en pleine guerre froide alors que Jesse Fox se fait capturer par l’armée américaine parce qu’il survolait le territoire à bord d’un hélicoptère soviétique. Ni une, ni deux, il est emmené dans une base militaire pour y être interrogé par des généraux et autres hauts gradés, qui se demandent s’ils ne sont pas face à un imposteur, un traître ou un espion. Commence alors le récit des événements qui l’ont mené jusque-là, celui de l’évasion d’un homme qui s’est fait arrêter « pour un crime qu’il n’a pas commis ».
On débute dans une simple cellule, on se joue du garde pour s’échapper, non sans humour, et notre seul souhait est alors de sortir de cet enfer carcéral situé au cœur d’une dense jungle pour regagner des contrées un peu plus accueillantes. Mais forcément, tout ne va pas se passer comme prévu et ce qui s’annonçait comme une simple évasion se transforme vite en course contre la montre pour sauver le monde du terrible Général X.
Metal Gear à sauce Hot Shots!
Imaginez un instant que Metal Gear ne soit pas sorti de l’esprit d’Hideo Kojima, mais plutôt de celui du non moins génial Jim Abrahams. Pour ceux qui ne sauraient pas qui est ce monsieur, il s’agit de l’un des plus grands réalisateurs et scénaristes du cinéma burlesque, et qui forma avec ses compères de toujours, les frères David et Jerry Zucker, le trio connu sous l’acronyme ZAZ.
On leur doit notamment les perles de la parodie que sont les deux Hot Shots!, la série télévisée Police Squad ou encore la saga cinématographique des « Y a-t-il un flic » portée par le formidable Leslie Nielsen. Eh bien, UnMetal aurait pu sans aucun doute découler de la collaboration de ces trois personnes tant il manie avec brio la plume parodique, tout en se montrant intéressant et très agréable à suivre. Son histoire, d’une simplicité enfantine, est tartinée d’un humour toujours bien senti, si bien qu’aucune blague ne tombe jamais à plat.
C’est bavard, blindé de cinématiques, et porté par un héros renvoyant directement à Big Boss avec son bandana vert, son assurance à toute épreuve, sa faculté d’adaptation, son charisme et surtout sa voix grave qui fera verser une larme à tous les amoureux de David Hayter. On retrouve même le système de points d’interrogation et d’exclamation créé par Kojima pour nous avertir du comportement des troufions aux alentours. Jesse Fox de son nom (vous voyez le clin d’œil ?) rencontrera au cours de son périple des personnages qui rappelleront bien des choses aux fans de la saga de Kojima. Le colonel Harris n’est autre que Roy Campbell, et on a même le droit à un équivalent du fameux CODEC et de sa célèbre sonnerie.
@unepic_fran s’amuse avec les codes et thématiques de la franchise. Malmenant certains messages écologistes par exemple (les camions et la Toyota, quel fou rire), ou en mettant en lumière l’absurdité de la violence non létale ou en remettant en cause certaines actions que l’on effectue, comme notre obstination à casser des caisses pour dégotter des items. Il s’en dégage néanmoins une vraie bienveillance, car UnMetal n’est une œuvre ni critique ni satirique, mais bien une véritable lettre d’amour à son modèle, couchant sur nos écrans son verbe, son ton politiquement incorrect et son humour avec brio.
Quel plaisir de surprendre deux gardes converser (gardes qui se nomment tous Mike) et échanger quelques drôleries, ou d’écouter les dires fantasmagoriques de Jesse qui, convaincu de sa connerie, espère que nous le serons aussi. Le jeu va même jusqu’à nous laisser prendre position pour notre avatar et décider nous-mêmes des justifications qu’il donne à ses bêtises. Il est le parfait archétype du héros des actioners des années 80, vantard, égocentrique et à la réplique facile.
Enfin, si vous vous posez la question, non, il n’est pas nécessaire d’être un fan inconditionnel de la licence de Konami pour apprécier le jeu. Il est clair cependant que vous passerez à côté de quelques références ou easter-eggs, mais en tant que profane, on peut tout à fait apprécier les quelques huit heures que prend l’aventure. D’ailleurs, des références, il y en a un paquet, et pas qu’envers Metal Gear. D’autres objets cultes du cinéma et du jeu vidéo, comme Full Metal Jacket, Le Seigneur des Anneaux ou encore Ghost 1.0 et UnEpic pour les plus évidents, parsèment le jeu.
Non Lethal Gear Solid
UnMetal aurait pu n’être qu’un bel hommage démontrant à quel point Metal Gear fut précurseur en 1987, aussi bien en termes de gameplay que de narration. Mais le réduire à cela serait une grave erreur, car derrière son parti pris parodique se cache un réel bon jeu, inventif, intelligent et assez exigeant.
En effet, @unepic_fran reprend le schéma initial de l’épisode de 1987, à savoir une vue du dessus et un fort penchant pour l’infiltration comme mécaniques premières. Il faut alors se jouer des gardes, les contourner, les assommer, les distraire en lançant une pièce de monnaie au sol, et comme ce sont des personnes vénales, elles fondent dessus comme si leur vie en dépendait. Et ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est les tuer. Car c’est alors un game over assuré. Les armes non létales sont donc à privilégier, hormis contre les drones et autres créatures mutantes.
Lance-pierre radioactif, chloroforme, bastonnade à mains nues sont donc conseillés, car blesser mortellement un ennemi implique qu’on doive le soigner par la suite en utilisant nos propres trousses de soins. De même que si on peut monter en niveau, chacun d’entre eux nous proposant de choisir un bonus passif pour Jesse, on ne peut glaner de l’expérience qu’en se débarrassant des gardes sans nous faire repérer, hormis dans le cas particulier des boss bien sûr.
Si on avait peur dans un premier temps que ce « tout infiltration » bride un peu le potentiel ludique d’UnMetal, il n’en est finalement rien. Devoir se débarrasser discrètement des soldats ennemis (on peut même déplacer les corps pour les cacher) ou se faufiler sans faire un bruit derrière eux devient un vrai challenge à mesure que l’on progresse dans les chapitres, notamment grâce à un level design intelligent et diablement efficace.
La courbe de difficulté est aussi globalement bien gérée, mais s’il est normal que progression soit synonyme de difficulté accrue, le jeu ne parvient parfois pas à éviter l’écueil du die and retry. Certaines séquences impliquent alors une vraie connaissance des lieux et des événements et cela brise un peu l’immersion tant cela paraît artificiel. Heureusement, les points de sauvegarde sont nombreux et bien espacés et surtout, ces situations ne sont finalement pas majoritaires.
Le constat est le même en ce qui concerne les boss. Alors que quelques combats sont vraiment bons, d’autres sont inutilement difficiles et pas forcément intéressants à livrer. Le souci étant la différence des forces en présence, car là où certains ennemis peuvent vous tuer en un seul coup, il nous faudra bien des balles, grenades et autres tirs de roquettes pour mettre à mal notre adversaire. Alors, soyez prévenu, UnMetal n’est pas une promenade de santé, et il ne faut alors pas hésiter à se servir des armes à disposition.
Jesse s’amuse d’ailleurs à nous mettre des bâtons dans les roues en remodelant le récit et ses péripéties selon ses envies, si bien que nous autres joueurs omniscients ne savons pas vraiment ce qui est vrai ou non. Il se permet d’intervenir durant notre gameplay pour en changer les conditions. On parle là d’ajouter un fossé rempli de tentacules devant nous, ou encore une horde de chiens endormis qui nous boufferont tout cru si nous faisons le moindre bruit.
Ce qui est bien vu ici, c’est qu’on n’est pas forcément spectateur de ses idioties, et la majeure partie du temps, c’est nous qui choisissons la nouvelle ânerie qu’il va inventer. De nouveaux ennemis, oui, mais que choisissons-nous ? Des soldats scandinaves ou des Exterminators ? Le titre nous laisse donc parfois le choix des obstacles qui se dressent sur notre route, et lorsque ce n’est pas le cas, rassurez-vous, le titre en a suffisamment sous le coude pour vous occuper des heures durant, surtout qu’il compte différents modes de difficulté, de nombreux secrets à découvrir et défis à relever.
On vous l’assure, UnMetal fourmille de bonnes idées et de situations de jeux diverses et variées. Séquences en sous-marin et en bateau, batailles face à des drones, à un sous-marin nucléaire ou encore à une sorte d’amas de déchets vivants dans les égouts, et autres labyrinthes dans des catacombes obscures ou dans une jungle peuplée de plantes mutantes balisent notre route. Il faut d’ailleurs bien souvent réfléchir, explorer, trouver des objets et en combiner à l’aide d’un inventaire conséquent pour en créer de nouveaux qui nous serviront par la suite. Il arrive pareillement que des situations se résolvent de manière assez inattendue, et il faut parfois prendre le jeu à son propre jeu, mais nous n’en dirons pas plus…
Ce qui fait la richesse du titre est donc sa faculté à nous surprendre et à ne jamais se reposer sur ses lauriers. On n’a jamais l’impression de voir ou de faire la même chose en boucle, et si certains poncifs sont bien présents, comme les fameuses cartes numérotées ou bien les très nombreux allers-retours, voire un manque de clarté parfois sur l’objectif à atteindre, on ne s’est pas ennuyé une seule seconde.
D’ailleurs, même artistiquement, le titre fait le boulot, et ce malgré un format en 4/3 finalement pertinent. La réussite indéniable vient du fait que malgré sa simplicité visuelle (qui ne l’est qu’en apparence, tant cela fourmille de détails), chaque zone visitée possède un cachet unique. Les chapitres s’enchaînent avec une grande homogénéité et même les passages les plus farfelus paraissent à leur place, un véritable tour de force. Le tout est aussi porté par une bonne bande-son, de superbes doublages et on a même le droit en prime à une traduction full FR.
UnMetal est une vraie bonne surprise comme on aimerait en voir plus souvent. @unepic_fran nous livre ici une parodie digne des plus grands Mel Brooks, tout en nous offrant une aventure passionnante. Fort d’un humour toujours juste, d’une narration au poil, d’une réalisation impeccable et de mécaniques de jeu variées et grisantes, le jeu parvient sans mal à s’imposer comme l’un des meilleurs indépendants de l’année.
Il est un hommage fort et digne à tout un pan du jeu vidéo, parvenant sans mal à en faire ressortir le meilleur, avec quelques maladresses au passage, tout en faisant les choses à sa propre sauce. Loin d’être un produit mercantile, il est l’œuvre d’un passionné qui s’est donné pour mission de transmettre et de partager sa passion. Et vous savez quoi ? Mission réussie, mon colonel.