La sortie d’Unknown 9: Awakening fut entourée d’un paradoxe : avec un marketing au long cours, intégrant des œuvres cross-media, et l’affichage a priori d’une véritable ambition pour le titre, avec notamment la présence d’Anya Charlotra (Yennefer dans le Witcher de Netflix), Bandai Namco semble avoir sorti le jeu presque sous le manteau. Plus la sortie du jeu approchait, et moins on en entendait parler…
La conséquence prévisible a été une sortie dans l’indifférence la plus totale, avec un pic sur Steam de seulement 285 joueurs en simultané. Pourtant, ne veut-on pas donner sa chance à une nouvelle licence, à l’heure des remakes et autre remasters, et la semaine même où sort un 21ème (!) jeu Call of Duty (en comptabilisant uniquement la série principale), dont on peut se demander ce qu’il a encore à raconter ? À moins que cet Unknown 9: Awakening mérite vraiment d’être discrètement poussé sous le tapis ?
(Test d’Unknown 9: Awakening réalisé sur PC via une version commerciale du jeu)
Hollywood Nights
Peut-être que le soutien de Bandai Namco aura finalement plus nui qu’il ne lui aura été utile. En effet, le nom même de l’éditeur, la campagne de promo qui aura duré toute l’année, les BD, romans, et podcasts narratifs consacrés à l’univers du jeu nous avait laissé croire à un titre ambitieux.
Une fois manette en main, il faut se rendre à l’évidence : on est face à un jeu intermédiaire, un titre AA au budget relativement serré, ainsi qu’en atteste les modèles 3D des personnages. On en vient même à se demander quel besoin il y avait de convoquer une actrice hollywoodienne (certes, qui n’est pas une mégastar, mais reste un visage bien connu des amateurs de jeux vidéo) pour lui rendre si peu justice avec cet avatar qui manque clairement d’expressions.
Cela dit, ce ne sera pas ce qui explique l’échec du titre. Unknown 9: Awakening est un jeu d’aventure à la troisième personne, et en dehors des cinématiques, on verra son personnage essentiellement de dos, rendant la problème de modélisation du visage secondaire. D’autant qu’au contraire des personnages, les décors sont plutôt bien rendus et relativement variés : jungle, temples, villages… On apprécie le dépaysement.
Le Passage (pas le film du frère de Francis Lalanne)
Passé le contrecoup du spectre du jeu, bien plus modeste que ce à quoi on s’attendait, on décide d’accorder une chance à son gameplay, ce qui reste quand même généralement le cœur d’un jeu.
Et c’est ici que sera la bonne surprise. Le jeu n’échappe pas à certains poncifs piqués ça et là : le chemin balisé par des traits de peinture blanche à la Uncharted, les voies qui se séparent en fourche, offrant d’un côté un collectible, de l’autre la progression dans le scénario, comme dans Tomb Raider, ou la dissimulation dans les hautes herbes, comme dans une brouette de jeux dont récemment A Plague Tale, auquel Unknown 9 sera rapidement comparable, bien que beaucoup plus maladroit.
Mais le titre du studio Reflector Entertainment arrive aussi avec son petit plus : le Passage, qui offre la possibilité pendant quelques secondes de « posséder » un adversaire. Un pouvoir qui offrira de nombreuses possibilités de stratégie, pour tirer avec un ennemi sur un autre, forcer un garde à détruire un système d’alarme, ou tout simplement l’éloigner de notre position quand il s’en approche de trop près…
Avec, encore une fois comme dans A Plague Tale, une composante infiltration qui domine le jeu, cette mécanique est très bien vue.
Script-Tease
Hélas, et comme pour les modèles 3D des personnages, dans ses mécaniques aussi le jeu est très vite rattrappé par les limites de son budget. Au-delà des blocages type murs invisibles (on s’est retrouvé bloqué par un drap tendu, obligé de briser des caisses empilées à côté ?!), on a d’abord une caméra qui posera problème systématiquement dès que l’on est positionné trop près d’un mur. Ce qui, dans un jeu d’infiltration où le contrôle de son environnement et la capacité de saisir une occasion sont clés, peut-être rageant.
D’autant que les mouvements de l’héroïne dépendent du placement de caméra : pour faire exploser un objet à distance, ou éliminer discrètement un ennemi, il faut que l’angle de caméra soit correct et que le « bouton » apparaisse à l’écran. Une caméra capricieuse gène ainsi à la fois la visibilité, mais aussi directement le gameplay.
Mais ce n’est pas là le plus rageant. Le principal problème que nous avons rencontré est le manque d’ouverture des arènes. Comme pour les combats, les mouvements du personnage sont enfermés dans des scripts rendant les déplacements peu instinctifs, et ajoutant une difficulté « injuste » aux combats. Le même bouton est assigné à l’esquive et au saut, et il n’est possible de sauter qu’en présence de scripts qui le permettent.
Ainsi, positionné en hauteur, on peut passer d’un échafaudage à l’autre en progressant en équilibre sur une planche qui les relie tous les deux. Mais il est impossible de descendre du premier échafaudage en passant sur le côté de cette planche (alors qu’à l’écran, on a tout à fait l’espace d’un côté, comme de l’autre). Le saut n’y a pas été programmé. Dans cette même arène, on peut franchir un précipice entre deux plateformes dans un sens, mais inexplicablement pas dans l’autre. Là encore, le saut n’a pas été programmé.
Dans le même ordre d’idée, la plupart du temps, le jeu peut se jouer frontalement, au corps à corps, ou en infiltration, éliminant les ennemis discrètement un par un ; ou encore en adoptant une technique mixte, limitant d’abord le nombre d’adversaires par la ruse avant d’aller rosser les derniers. Et comme dans tout jeu d’infiltration, même une fois repéré, en s’éloignant suffisamment et en restant discret assez longtemps, les ennemis finissent par nous « oublier » et reprennent leur ronde routinière, nous permettant de continuer l’infiltration.
Sauf dans certaines scènes là encore étrangement scriptées, où le jeu aura décidé de nous imposer le corps à corps. Dans celles-ci, même bien caché, même en faisant usage du pouvoir d’invisibilité, les ennemis nous repèreront et empêcheront assez injustement d’user de techniques de ninja.
Ce n’est pas tant le fait de devoir combattre qui pose problème (les boss nous obligent aussi au face à face, et cela semble normal) que le manque de justification. D’autant qu’en nous offrant une certaine liberté quant à notre manière d’aborder les défis posés par le jeu, ce dernier ne nous offre pas le temps d’apprentissage nécessaire pour jouer ces confrontations sans frustration. Heureusement, l’accent n’est pas mis sur la difficulté, mais on aurait préféré qu’il se montre plus équilibré.
Unknown 9: Awakening aurait pu être une bonne surprise en tant qu’indé, dont le statut aurait pu aider à passer sur quelques défauts. En sortant sous pavillon Bandai Namco, le jeu offre malgré lui un horizon d’attente de titre AAA, rendant sa réception assez déceptive. Dommage, son scénario, bien qu’un peu convenu, reste agréable à suivre, le jeu n’est pas exempt de bonnes idées de gameplay, et la modélisation un peu approximative des personnages est compensée par la réussite de celle des décors.
Reste les problèmes ponctuels de réalisation d’un jeu qui s’est voulu plus grand qu’il ne l’est vraiment. Problèmes qu’on pardonnera, ou pas, selon comment on accroche aux autres aspects du jeu.