Sa direction artistique décidemment trop mignonne et l’hommage assumé à The Legend of Zelda avait attiré l’attention sur le jeu d’Andrew Shouldice, Tunic. D’autant plus qu’un nouveau Zelda original se fait attendre… Un coup d’œil au nom de l’éditeur, Finji (Chicory, Night in the Woods, Wilmot’s Warehouse…) aura fini de nous convaincre d’aller jeter un œil à ce jeu faussement rétro, mais plein de surprises et d’énigmes, et surtout rempli de secrets…
(Test de Tunic sur Xbox Series X réalisée via une version commerciale du jeu)
Un lien avec le passé
Un petit renard habillé d’une tunique verte se réveille sur une plage sans qu’on sache trop ce qu’il fait là. S’armant d’un bâton, puis rapidement d’une épée, nous allons guider le petit personnage dans une quête qu’on essaiera de comprendre en même temps que lui, explorant un monde coloré affiché en 3D isométrique, fauchant les buissons sur notre passage à la recherche de passages secrets…
Pas de princesse en détresse dans Tunic, mais pour le reste, on a bien l’impression d’être dans un jeu estampillé Zelda, jusqu’à la direction artistique et la tenue du héros ! Au fur et à mesure de l’aventure, nous croiserons boss et mini-boss, on explorera des temples, des grottes et des marais, et on acquerra de nouveaux pouvoirs et capacités nous permettant d’explorer plus en avant le monde du jeu.
Avec un petit twist cependant : une partie des pouvoirs qui nous sont donnés au cours de l’aventure, nous les possédons dès le tout début, sans le savoir, et surtout, sans connaître les commandes qui permettent de les déclencher. Il faut d’ailleurs saluer l’art du trolling du jeu, nous faisant faire tout un périple par un temple et une forêt qui aboutit… presque au point de départ, via un couloir dissimulé par la perspective ! Une autre partie de ces nouvelles compétences nous seront distribuées de façon muette, sans nous expliquer à quoi elles servent ou comment s’en servir. Il faudra alors aller jeter un œil aux pages du manuel de jeu.
I’m game
Un manuel de jeu, voilà qui n’est pas monnaie courante à l’heure où l’édition physique des jeux est devenue l’exception, et la publication dématérialisée la règle. Ce manuel là est intégré au jeu, en version numérique, mais surtout, il est un élément central du gameplay. Tout au long de l’aventure, des zones visitées et des secrets révélés, on ramassera des pages qui permettront de reconstituer la notice du jeu. Et c’est dans ces pages qu’il faudra déchiffrer que se cachent les secrets de la progression dans le jeu. Comment utiliser les points de sauvegarde ? Comment faire évoluer notre fiche de personnage ? Où se trouvent les points d’intérêts du monde ?
Attention, on parle bien de déchiffrer les pages, pas de les lire. Car elles sont écrites dans un alphabet étrange, en une langue inconnue. On pense ici aux manuels des jeux qu’on pouvait acheter en version importée, souvent parce qu’ils ne sortaient pas chez nous. Ces manuels en japonais que nous essayions de comprendre grâce aux 3 ou 4 mots d’anglais qui survenaient entre les pages…
Le petit renard de Tunic cherche donc les pages de la notice du jeu dont il est lui-même le héros. Un aspect complètement méta pour un jeu qui s’affiche en tant que tel. Peu importe la situation initiale, les motivations de chacun : c’est l’aventure qui compte, on est dans un jeu vidéo qui s’affirme, qui joue de ses codes et de ses limitations. On a évoqué les passages secrets qui ne sont cachés que par la position de la caméra, les totems affichent des éclairages RVB, les grottes les plus profondes ressemblent à l’univers de Tron…
On regrettera d’ailleurs dans un premier temps qu’on ne puisse pas jouer à la croix directionnelle, pour un feeling plus rétro, jusqu’à ce qu’on réalise qu’elle sert bien à quelque chose dans le jeu, toujours dans un esprit méta. On ne donnera pas trop de détails pour ne pas spoiler, mais sachez simplement que le Konami Code n’est pas loin…
La véritable quête du héros n’est d’ailleurs pas de libérer qui que ce soit, ou de vaincre un ennemi surpuissant (même s’il le fera aussi), mais bien de réunir toutes les pages du manuel de jeu.
Le trait d’union entre Zelda et Elden Ring
Le jeu est tout du long un hommage aux aventures des générations 8 et 16 bits, Zelda en tête, une relecture de ces jeux fondamentaux à la lumière d’aujourd’hui. Parce que le jeu, s’il a un aspect rétro assumé, reste un jeu de son époque. On osera d’ailleurs la comparaison avec Elden Ring, alors que, les deux titres étant sortis presque en même temps, Tunic n’a pas pu s’inspirer du jeu de FromSoftware ! Combats difficiles, parfois très difficiles, à répéter encore et encore, exploration à l’aveugle, accès ouvert à des zones que notre fiche de personnage ne nous permet pas d’affronter à l’instant T… Les points de comparaison sont nombreux, tout simplement parce que Tunic est aussi un jeu de son temps.
Son côté Elden Ring, c’est peut-être ce qui pèche le plus dans l’expérience Tunic. Le gimmick – génial – qui réclame de déchiffrer le manuel pour appréhender le gameplay et les énigmes afin de progresser est un peu effacé par une exploration qui nous fait parfois tourner en rond, et à répétition.
Puisque le jeu nous fait comprendre rapidement qu’il sera difficile, et qu’on mourra souvent, on n’a jamais clairement la confirmation qu’on se trouve au bon endroit, au bon moment de l’aventure. Alors, certes, c’est le principe même de l’exploration. Mais recommencer en boucle une zone pour réaliser qu’il faudra finalement y retourner plus tard finit surtout par frustrer le joueur.
De même que le niveau de difficulté des combats de boss ne laisse pas toujours le sentiment d’accomplissement généralement offert par ces titres très difficiles. Ici, on se demande quand même si on ne s’en est pas sorti sur un coup de chance, et on prie les dieux du pixel de pouvoir rapidement sauvegarder après le combat, de peur de ne jamais réussir à le remporter une seconde fois…!
D’ailleurs, pour être complètement transparent, ce n’est que grâce à un petit coup d’œil (ou deux…) sur une soluce qu’on a pu débloquer la « vraie fin ». Et, pour refaire la même comparaison, certains aspects du jeu sont tellement retors qu’on se demande si la consultation d’une soluce n’est pas partie intégrante du game design, comme le recours aux tutos YouTube fait quasiment partie de l’expérience Elden Ring.
Tunic possède une esthétique rétro et kawaii d’abord très attirante. Puis on réalise que le jeu, difficile, ne nous veut pas que du bien, pour comprendre dans un troisième temps cet aspect génial et complètement méta du jeu qui s’affirme comme jeu. Le petit renard n’a pas d’identité autre que « héros de jeu vidéo », et « un jeu vidéo » est aussi (probablement) le nom de l’univers qu’on explore.
On regrettera peut-être cependant la difficulté très élevée, qui peut éloigner le joueur de cette idée originale. Et en effet, une fois le jeu terminé, le trophée correspondant nous a indiqué que nous n’étions qu’un peu moins de 3% des joueurs à y être parvenu…