Là où nombre de jeux modernes déploient toujours plus d’action et de violence (pour notre plus grand plaisir, hein, on ne va pas se mentir), alimentant toujours plus le moulin des détracteurs de ce média, prompts à y voir la cause de toutes les dérives du monde réel, il ne faut pas oublier que certains développeurs n’aspirent pas forcément à faire parler la poudre.
C’est souvent du côté de la scène indé que l’on trouvera des petites pépites cachées qu’il nous fera plaisir de découvrir si l’on n’est pas trop bas du front et que l’on n’exclut pas une certaine sensibilité au sein de notre activité vidéoludique. C’est vers ce postulat que s’oriente The Stillness of the Wind.
Seulement, proposer de l’alternatif c’est bien, mais encore faut-il que ce soit plaisant, et que cela puisse éveiller l’attention du joueur en quête d’autre chose que de blastage de mobs à la pelle. Et donc, il s’en sort comment, notre The Stillness of the Wind ? Allez, on se sert un (Bagdad) café et on va le siroter paisiblement en observant tout ça.
The (small) world ends with you
The Stillness of the Wind… Quand on possède quelques notions d’anglais, on s’imagine facilement, lisant ce titre, un jeu orienté sur le calme, la tranquillité, l’apaisement. La douceur. Et comme vous vous en doutez suite à notre intro, c’est exactement ce que nous propose le développeur. Alors on pose les flingos, et on s’offre une délicate virée bucolique au sein d’une petite ferme perdue au milieu de nulle part, et ça fait du bien.
Et pourtant, ce n’est pas forcément guilleret, The Stillness of the Wind. On s’y retrouve dans les sabots usés d’une vieille dame dont la famille et les voisins sont tous, petit à petit, partis pour la ville ou l’étranger, laissant notre Alma, peu encline à cette vie citadine ni à bousculer son train-train quotidien, seule au milieu de nulle part, avec sa fermette qui a vu tant de vie jadis, ses chèvres et ses quelques poules. L’idéal pour terminer ses jours paisiblement.
À la recherche du temps perdu
Néanmoins, même s’il est reposant, le jeu n’en demeure pas moins assez mélancolique, une sorte de conte sur une vie qui a passé, sur la fin d’une histoire humaine, d’une minuscule particule à l’échelle du monde dans sa globalité. Alors certes, on ne pleure pas à chaudes larmes, mais on se prend à ressentir un petit pincement au coeur à voir cette vieille dame se traîner péniblement à travers sa propriété pour s’occuper de ses bêtes et de son potager. Touchant.
Cette propriété, justement, de quoi se compose-t-elle ? Entourée d’une petite barrière blanche en piteux état, vestige d’un temps où empêcher les animaux de sortir et les intrus d’entrer avait encore de l’importance, elle comporte quatre bâtisses : un minuscule lieu de vie pour Alma (fauteuil, lit, kitchenette), un petit hangar servant à fabriquer et entreposer le fromage de chèvre qui s’avère être bien entendu l’une des seules ressources dans ce désert, un poulailler et un abri pour les chèvres.
Si vous sortez de la propriété, vous n’irez pas bien loin, pour deux raisons : d’une, Alma se déplace extrêmement lentement, et de deux, il n’y a quasiment rien aux alentours qui soit digne d’être visité ; vous êtes au milieu d’un désert vide et sans fin. Les seuls points d’intérêt à l’extérieur sont la pompe à vent avec ses pales métalliques, et le puits dont on tire l’eau précieuse destinée à abreuver toute la maisonnée, y compris les plantations. Ceci mis à part, sauf pour cueillir quelques champignons sauvages, il y a peu de chances que vous passiez beaucoup de temps au-delà de votre enclos…
Earth, wind and water
C’est en débutant sa première partie et en découvrant ce micro-univers spartiate et son fonctionnement qu’on commence à comprendre le sens du titre de ce jeu, n’est-ce pas ? Les conséquences seraient bien entendu fatales. Car ce titre, pour les non-anglophones, implique que le vent puisse s’arrêter d’alimenter les pales du pylône, et donc, le puits…
D’ailleurs en parlant de langue anglaise, le jeu progresse petits morceaux par petits morceaux via des réflexions introspectives d’Alma, des regrets, des souvenirs, et l’on en apprend toujours plus sur ceux qui ont vécu ici, mais ces textes sont rédigés dans la langue de Jason Statham (qui ne risque pas de jouer dans le film si The Stillness of the Wind devait sortir un jour au ciné…). Ils ne sont pas bien complexes à déchiffrer, mais si vous n’avez aucune notion d’anglais, vous passerez à côté de ce qui contribue à la mélancolie du jeu.
Mélancolie soulignée de plus par le fait qu’elle s’accompagne uniquement, niveau bande-son, de quelques bruitages bucoliques (cris d’oiseaux, bêlements de chèvres…) et d’une douce musique parfaitement adaptée au thème général du jeu. D’ailleurs si vous jouez en nomade et sans casque, vous avez intérêt à monter le son à fond pour en profiter ; n’y jouez pas sur une aire d’autoroute.
The postman
Dernier petit détail lié au contexte avant de s’intéresser au gameplay (ce qui ne devrait pas prendre 20 pages), il existe un seul autre personnage dans le jeu, outre notre vieille dame : un marchand ambulant grâce à qui vous pourrez troquer vos ressources et productions, mais aussi recevoir d’occasionnels courriers de vos enfants et amis partis loin de vous.
On le disait plus haut, la lecture fera partie de l’expérience sans devenir omniprésente, et contribue à l’édification d’une atmosphère un peu triste pour peu qu’on ait un peu de sentimentalisme au-delà de nos massacres de zombies quotidiens. Une oasis de délicatesse dans notre gaming de brutasses, en somme.
Pour ce qui est du maniement, on est sur un croisement entre jeu narratif et point’n click, mâtiné d’un aspect micro-gestion des ressources de la ferme. Vous déplacez Alma avec un curseur sur l’endroit où vous souhaitez qu’elle se rende, et lorsqu’une « action » (si tant est qu’on puisse utiliser ce mot vu la vivacité du jeu) est disponible, comme lire une lettre ou traire ses chèvres ou tirer de l’eau du puits ou encore s’occuper de son jardin, l’icône du curseur changera en conséquence. Simple et efficace. Notez que The Stillness of the Wind propose un cycle jour/nuit régulier, qui rythmera avec langueur vos « activités » quotidiennes (même remarque que plus haut).
La bombée (avec la soupe mais sans le Glaude)
Enfin, visuellement parlant, on a affaire à un jeu à l’environnement d’un jaune chaud prédominant, qui insiste sur le caractère désertique de The Stillness of the Wind ainsi que sur l’isolation de son personnage. La direction artistique ne plaira pas à tout le monde, avec son personnage bombé, ses maisons de patchwork coloré et ces traces de pas laissées dans le sable, mais pour peu qu’on n’ait rien contre un peu d’originalité visuelle, le jeu est à prendre tel qu’il est et à apprécier de la même manière.
Pour finir, tout n’est bien sûr pas parfait ici. Le jeu semblera lent et inintéressant aux moins patients, et ne se laissera savourer que par les amateurs d’expériences un peu originales, de délicatesse et de nostalgie. En outre, à part sur iOS où il est trouvable pour moitié-prix, The Stillness of the Wind vous coûtera un peu plus de 10€ sur PC et Switch, ce qui peut paraître un peu chéros pour une « aventure » dépassant difficilement les 6-7 heures de durée de vie. Donc à chacun de voir selon ses aspirations et ses moyens actuels.
The Stillness of the Wind est une expérience un peu à part, comme seul un développeur indé peut nous en proposer. Empli de nostalgie, assez lent et contemplatif, on y découvre par petites bribes le passé mélancolique d’une vieille dame au crépuscule de sa vie.
Un peu de gestion, un peu de lecture, un peu de temps perdu aussi, si vous n’avez rien contre ces éléments, alors vous saurez savourer ce titre à sa juste valeur (même si, en parlant de valeur, il est un poil cher pour sa longévité).
Donnez-lui sa chance si vous avez envie de déposer les épées à deux mains et les lance-missiles pour quelques heures de calme et de solitude…