Si le genre a produit des chefs d’œuvres, Resident Evil en tête, ces dernières années, quand on parle de jeux d’horreur, et surtout de jeux d’horreur indé ou AA, on pense à ces productions calibrées pour les streamers : les jeux « backrooms », Amanda the Adventurer, Poppy Playtime ou R.E.P.O. plus récemment. The Midnight Walk pourrait être de ceux-là, si ce n’est que sa direction artistique et la façon dont il a été conçu semblent nous montrer qu’il ne peut pas être que cela.
Alors vraie bonne surprise ou énième production fauchée prétexte à en faire des tonnes devant la caméra ?
(Test de The Midnight Walk réalisé sur PC via une copie commerciale du jeu)
Play(Doh)Station
L’identité de The Midnight Walk, ce qui lui permet de se détacher du lot, c’est d’abord sa direction artistique et le mode de fabrication du jeu qui lui offre cette D.A.. Le titre est en effet réalisé en employant des techniques de stop motion, avec de véritables décors et figurines sculptées au préalable, puis scannés et animés.
Le procédé, imité en partie dans le récent South Of Midnight, est ici réellement mis en œuvre, comme dans (le décevant) Harold Halibutt, Fantasian, des studios Mystwalker, ou encore la série de jeux de combats 16 bits Clayfighters. Et c’est là qu’on a envie de donner sa chance au jeu : les développeurs allaient-ils se donner la peine de sculpter, filmer, animer,…, leur galerie de monstres pour n’en faire qu’un épiphénomène de streamers ? On avait un peu de mal à y croire. Il devait bien y avoir autre chose…
Team Burton
Au-delà de la technique choisie, la direction artistique de The Midnight Walk appelle très, très fort Tim Burton. Même si la citation est souvent dégainée un peu trop rapidement, ici, difficile de ne pas voir le lien de parenté.
Le personnage qu’on incarne (bien que le terme ne soit ici pas tout à fait à sa place vu l’état de décharnement dans lequel il se trouve) est accompagné en permanence de Potboy, une sorte de petite soupière anthropomorphe dans la tête duquel brûle en permanence une flamme. Un personnage qui n’est pas sans rappeler les enfants gentiment monstrueux du recueil de poèmes illustrés signé Tim Burton, « La triste fin du petit enfant huitre ».
Et comme dans les petites histoires du recueil, The Midnight Walk narre 8 contes macabres à la fois terrifiants, grotesques, et drôles. L’un des tout premiers nous fait ainsi faire la rencontre d’un village peuplé de têtes, les bien nommées Caboches, qui font difficilement le deuil de leur corps.
Les Caboches sont tourmentées par une créature mi-sorcière, mi-on-ne-sait-pas-quoi (mais qui fait peur) : la Molgrim. Mais résoudre le chapitre nous apprendra que l’horreur n’est pas toujours où l’on pense la trouver, et le conte, cruel, se révèlera plus cruel encore qu’on ne l’imaginait… De façon générale, les personnages que l’on rencontre et les histoires qui nous sont racontées sont plutôt bien écrits, et appuient le fait que le titre est bien plus que le jeu à gimmick pour les réseaux sociaux qu’on pouvait craindre avant de le lancer.
The Midnight Walk… ing simulator
Malgré une direction artistique soignée et inspirée, et une écriture à l’avenant, sans gameplay, on a au mieux un bon épisode pour la série Love, Death & Robots, mais pas un véritable jeu vidéo. Et l’on a peut-être d’abord envie de présenter The Midnight Walk comme un puzzle platformer en 3D, mais en avançant dans le jeu, on se rend compte que cette étiquette ne lui va pas (déjà, il n’y a pas de touche de saut !), et que le jeu est difficile à ranger dans une case.
Grossièrement, on progresse dans des niveaux en 3D, en vue à la première personne, en résolvant des énigmes : envoyer son compagnon sur un bouton puis marcher à notre tour sur un second bouton pour ouvrir un passage, allumer des bougies dans un ordre qui fait sens… Mais souvent, c’est avec une créature qui rode et qui ne nous veut pas du bien.
Ainsi, le jeu implique de régulièrement se cacher dans des armoires ou des terriers afin de laisser passer le monstre. Et cette menace qui plane pendant qu’on essaie de trouver dans quel ordre activer des leviers est la mécanique de peur principale. Quelques phases entrainent aussi des courses poursuites dans lesquelles on est chassé par un monstre. Mais plus régulièrement, on marche, on se promène, on discute avec la galerie de personnages qui peuplent cet univers, et on admire les décors. Ainsi, les énigmes ne seront jamais très compliquées à résoudre, et sont surtout là pour mettre du gameplay dans la promenade.
N-RV
Et c’est là où nous serons moins convaincus. Dans un jeu qui consiste essentiellement à se balader, il est important qu’on puisse voir où l’on est, et où l’on va. Or, le jeu est sombre, très sombre (c’est une promenade de minuit, après tout…), trop sombre. On est même parfois dans le noir complet, et c’est au prix de mouvements complètement aléatoires du joystick contrôlant la caméra qu’on arrive à retrouver une source de lumière pour s’orienter à nouveau.
De même, le titre propose une mécanique plutôt originale qui consiste à fermer les yeux (du personnage, pas les nôtres) (quoi que…) pour découvrir des secrets en s’orientant grâce au son. Encore une fois, le rendu manque de précision pour rendre ces séquences vraiment jouables et fun, et on a fini par y aller un peu au hasard.
Mais ces défauts ont une très bonne explication, que nous avons compris bien après avoir démarré notre aventure sur PC : le jeu est conçu pour être joué en réalité virtuelle. En VR, on recentre plus naturellement la caméra, puisqu’il suffit de reprendre tout bêtement une position « normale ». Et les moments où l’on s’est senti perdus dans le noir, sans avoir conscience de la position de notre personnage, n’auraient probablement pas pu se produire en VR. De même que les phases « yeux fermés », où il s’agit de s’orienter grâce au son doivent avoir un autre rendu en réalité virtuelle.
Cependant, aurait-on pu jouer en VR ? Les moments où, caché dans un terrier, l’on essaie d’échapper à la Molgrim qui cherche à entrer de force dans la cachette, l’image et le son se déformant pour accentuer la tension, ces moments sont déjà très impressionnants « à plat ». Pas sur qu’on ait les tripes pour les vivre en réalité virtuelle !
Réduire The Midnight Walk à son statut de jeu d’horreur AA façon Poppy Playtime serait lourdement se tromper. Véritable proposition esthétique, le jeu a une identité forte, et raconte une série de petits contes macabres qui sauront conserver l’intérêt du joueur. Sa D.A. est ouvertement inspirée de l’esthétique à la Tim Burton, mais emprunte aussi à des jeux comme Little Nightmare, dont il est une sorte de cousin indé.
Son gameplay est peut-être faillible. Il nous a en tous cas perdu à plusieurs reprises. Mais c’est qu’il est pensé pour la VR, et c’est sous ce format qu’il faut conseiller le jeu… à condition d’avoir le cœur bien accroché !