Gabriel Knight, Burn: Cycle, Phantasmagoria, Night Trap, Dragon’s Lair et encore plein d’autres titres comme Tomcat Alley et Mad Dog McCree sont ce que l’on appelle communément des FMV, pour Full Motion Video. Un genre du jeu vidéo qui a connu son apogée dans les années 90 sur arcades, PC ou encore sur des consoles comme la 3DO ou la Mega CD. Il s’agit là de films interactifs dans lesquels le joueur se voit proposer diverses interactions pour en voir le bout, avec souvent des choix influant sur le déroulé des événements. Il faut bien le dire, et si on excepte le Japon, le genre s’est particulièrement éteint avec la démocratisation de la 3D et de technologies liées toujours plus impressionnantes.
Wales Interactive est une petite société galloise spécialisée dans le développement et l’édition de FMV qui nous a pondu des jeux tels que The Bunker, Late Shift ou encore The Shapeshifting Detective. Des titres plutôt bons d’ailleurs qui, sans révolutionner le genre, essaient au moins de lui apporter ce qui faisait souvent défaut aux expériences des années 90, c’est-à-dire une réalisation et des acteurs convaincants. Leur dernier jeu en date, The Complex, est enfin sorti sur nos PC et nous avons pu le tester sous toutes les coutures. Alors est-ce que le film interactif a encore de beaux jours devant lui ?
(Test de The Complex sur PC réalisé à parti d’un code acheté par nos soins)
Après une introduction sur fond de guerre bactériologique dans un pays asiatique nommé Kendar qui sert avant tout d’avant-propos pour nous présenter les deux protagonistes de l’histoire à venir, nous voici à Londres dans la peau de Amy Tennent une scientifique œuvrant pour une multinationale spécialisée dans la recherche sanitaire appelée Kensington Corporation. Elle travaille dans un centre de recherche avant-gardiste de la ville appelé le Complexe, qui abrite parmi les esprits les plus brillants du monde, tous travaillant sur des projets capables de révolutionner notre monde.
Depuis quatre ans, elle développe un procédé révolutionnaire via la nanotechnologie appelé nanocellule censé réparer les os brisés ou encore guérir quelques maladies graves. Alors qu’elle présente son travail à quelques mécènes, elle est interrompue par son assistante Emily qui lui fait part d’une nouvelle inquiétante. En effet, une jeune stagiaire du nom de Clare s’est vue infectée par une étrange maladie qui pourrait être la conséquence d’une attaque bioterroriste à son encontre et qui pourrait être un acte contre la K-Corp.
C’est en tous cas l’une des conclusions plausibles et une enquête est donc nécessaire. Elle gagne alors le Complexe où elle retrouve un ancien collègue (et amant ?), le docteur Rees W… appelé en renfort par sa patronne, Nathalie Kensington, pour lui prêter main forte.
Tous deux se rendent alors dans le laboratoire souterrain Alpha pour rejoindre deux autres laborantins et découvrir ce qui est arrivé à Clare qui est, elle, en caisson hyperbare. Pour ce faire, ils doivent traverser une large zone appelée « le vide », sans oxygène, afin qu’aucune bactérie ou virus ne puissent s’échapper des lieux. Une fois arrivée et la première auscultation effectuée, Amy se rend compte que Clare a une grande quantité de nanocellules en elle, ce qui est théoriquement impossible, car le seul exemplaire viable du composé est censé être conservé sous clé en lieu sûr. Commence alors une course contre la montre pour tenter de découvrir comment une telle chose a pu arriver et surtout pourquoi.
Le Panic Room médical
Ce qui caractérise The Complex, c’est qu’au contraire de films interactifs qui tentent de s’affranchir par quelques procédés de leur nature première, lui n’essaie même pas. Le gameplay se singularise par le choix et c’est là la seule interactivité que l’on a avec le jeu, si tant est que le terme convienne ici. Car si c’est l’une de ses forces, ne pas trop en demander permet aux joueurs de se concentrer sur l’intrigue et sur les dilemmes auxquels il est confronté, c’est aussi sa plus grande faiblesse.
The Complex est bête et méchant, ne propose que deux chemins possibles à suivre et ne s’embête pas en fioriture, ni même donc en expérimentation. Se contenter de proposer le minimum syndical se doit alors d’être accompagné par une bonne réalisation, des acteurs et un scénario convaincants, ainsi que par un réel impact de nos choix sur le déroulé de l’histoire.
Le jeu est en fait un huis clos dans lequel nos héros vont devoir mener l’enquête sur l’implication de Kensington Corporation sur un génocide au Kendar et sur l’impact que cela a eu sur le travail d’Amy. Le tout alors que des personnes armées ont infiltré les lieux et tentent de forcer l’entrée du laboratoire dans lequel se trouvent Amy et Rees, et que l’oxygène vient à manquer. Attaque terroriste, menace bactériologique et multinationale véreuse sont le moteur d’une intrigue intéressante, mais malheureusement trop prévisible.
Moins complexe et plus évidente que son nom ne le laisse paraître, l’histoire de The Complex est finalement très classique, et ce, aussi parce que les personnages importants sont assez clichés. Que cela soit Kensington elle-même, Rees, Clare ou encore l’assistante d’Amy, Emily, on voit vite clair dans leur jeu. On sait de suite qui est qui et les diverses résolutions aux questions posées ne sont jamais surprenantes. Pourtant, la réalisation est plus que bonne si on omet les effets spéciaux, les lieux, les décors et les accessoires crédibles, alors que les acteurs sont pour la plupart convaincants. Le « film » se suit comme on regarde une bonne série B un dimanche après-midi.
Il faut dire que c’est bien rythmé, sans temps mort, et que malgré quelques incohérences d’écriture, souvent dues à nos choix, le scénario est plutôt bien écrit. Rien de bien impressionnant quand on sait que l’une des scénaristes de The Handmaid’s Tale, Lynn Renee Maxcy, a travaillé sur le projet. On pardonne aussi les quelques dialogues foireux du docteur Reese et son humour parfois gonflant, car il devient avec le temps un personnage bien plus intéressant qu’il n’y parait au premier abord.
Une bonne chose aussi, nos choix ont un réel impact sur le déroulé des événements, ainsi que sur l’une des neuf fins possibles. En effet, en fonction des décisions, un algorithme interne au jeu calcule les différentes routes qu’empruntera le récit et cela de manière totalement transparente à l’écran. Pas de temps de chargement, The Complex se joue comme le déroulé d’un film et ne s’arrête donc jamais, sauf si on le met nous-mêmes en pause.
Certains des dilemmes qui nous sont imposés sont d’ailleurs assez difficiles à prendre et choisir l’une ou l’autre des possibilités proposées est parfois cornélien, mais le temps de réflexion étant limité, il faut bien prendre une décision, aussi difficile soit-elle.
The Complex est un film interactif bien réalisé et au scénario suffisamment bien ficelé pour que l’on passe un bon moment dessus. Son principal défaut est probablement son manque d’ambition, ne proposant finalement que le strict minimum dans un genre qui se doit d’innover pour être un tant soit peu ludique. Aussi, même si l’écriture est réussie, elle n’empêche pas quelques incohérences et surtout un souci au niveau de l’élaboration de l’intrigue principale qui, malgré quelques tentatives pour noyer le poisson, se montre trop prévisible.
Reste un film interactif durant environ une heure et demie qui se suit sans déplaisir, qui propose neuf fins différentes, dont certaines assez originales, et où nos choix ont un réel impact sur le déroulé. The Complex ne marquera ni les mémoires ni les esprits, mais a le mérite de nous faire passer un bon moment.