Vous avez certainement dû voir passer ce titre créé par les Français de Monochrome Paris, ce petit puzzle game un peu énigmatique qu’est Tandem: A Tale of Shadows (que nous nommerons seulement Tandem dans cette critique). Un jeu qui semble tenter, réussir, et échouer, mais qui a l’honneur de proposer un gameplay complètement atypique. Pour replacer le contexte, Tandem est un puzzle-game qui joue sur deux dimensions différentes, une avec Emma, le personnage principal, en vue du dessus, et une autre avec Fenton (l’ours en peluche) qui se déplace sur les murs et va aider Emma à résoudre les énigmes.
On va devoir donc switcher entre les deux espaces de jeu pour pouvoir venir à bout du manoir où sont bloqués Emma et Fenton. Mais qu’en est-il en définitive ? Tandem arrive-t-il à proposer quelque chose de concret ?
(Test de Tandem: A Tale of Shadows sur PlayStation 4 réalisée via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Un univers et une histoire Carrollienne low-cost
Une phrase un peu dure, mais qui résume pas mal le scénario et le monde qui régit Tandem. On a en effet beaucoup de références au monde d’Alice au Pays des Merveilles, Emma incarnant Alice qui va dans un monde qui la dépasse pour résoudre les énigmes du manoir et pour sauver Thomas, un jeune homme ayant disparu.
Elle enquêtait depuis quelque temps sur ce qui a pu se passer là-bas, quand elle voit Fenton tomber de la diligence qui se dirigeait vers ce fameux manoir, et a donc décidé de le suivre pour pouvoir entrer dans la bâtisse. L’aspect victorien britannique du XIXe siècle se fait aussi fortement ressentir. Ce côté un peu sombre et dystopique nous plonge dans un univers qui transpire les inspirations sombres et marquées, passant de Tim Burton à Lovecraft.
Mais ça s’arrête là, l’histoire n’est clairement qu’un fil rouge et n’a pratiquement aucun impact sur notre progression, ce qui est bien dommage. Certains pans de l’univers, comme les décors, sont tout de même pas mal travaillés (on y reviendra), mais cela ne va jamais jusqu’au bout.
Un gameplay plus qu’intéressant
Le point fort du jeu selon nous. C’est aussi sa vitrine marketing, ce qui a donné envie aux gens de se pencher sur le jeu. Ces deux dimensions de gameplay, une au sol avec Emma, et l’autre sur les murs avec Fenton, nous donnent de nouveaux axes de réflexion, et les puzzles sont franchement bien travaillés, assez pour qu’on puisse avoir certaines difficultés, mais sans pour autant nous frustrer.
Il y a cinq chapitres dans Tandem, chaque chapitre mettant en avant de nouvelles mécaniques de gameplay. Pour faire une liste exhaustive, les jardins du manoir, les sous-sols de la chaufferie, les cuisines, la salle de réception avec les instruments de musique et les jardins d’hiver pour finir. Chaque zone a sa nouvelle mécanique, ses enjeux, son univers graphique et ses propres difficultés, le boss de chaque zone catalysant chaque pan de gameplay exploré dans les autres niveaux pour voir si on a bien appris les leçons. Pour un puzzle-game, Tandem remplit parfaitement son rôle. C’est assez intuitif, même si toutes les animations à l’écran, les flèches et les éléments de décor prennent un peu trop de place et rendent assez floue la marche à suivre.
Un sound-design aux petits oignons
L’univers sonore a profité de beaucoup d’attention. Il y a énormément d’effets sonores différents, ce qui rend le jeu vraiment réaliste à ce niveau, avec sa propre identité. Le son des pas par exemple change en fonction du sol foulé (détail à noter pour un jeu de cette envergure). L’ambiance sonore transpire la passion du sound-designer (tout seul sur le navire) qui a dû prendre Tandem pour un terrain de jeu et il a réussi à créer un ressenti lugubre et glauque qui rend le tout cohérent avec l’univers.
On a même remarqué que la musique (soit dit en passant elle aussi de très bonne qualité pour chaque nouveau monde, extrait ici) se cale parfois avec l’ambiance sonore. Par exemple, dans le fond sonore, on entend quelques gouttes d’eau tomber, tout ce qui a de plus anodin, et la musique arrive à se fondre sur le rythme des gouttes, un détail assez cocasse, mais qui laisse penser que le son a été un élément relativement important pour les développeurs.
Un goût de « pas cuit »
Et là est tout le problème. Dès l’entrée en jeu, on ressent ce sentiment de pas fini qui émane du jeu. L’ergonomie du menu est sans vie, sans réelles animations qui donne du crédit à la navigation dans les menus. On a même eu assez souvent des freezes dans le menu de la carte du jeu. Pour un si petit jeu, l’optimisation laisse quand même à désirer.
Les bugs sont assez présents. Lors de la première cinématique, on a même eu des sons d’animation qui n’étaient pas présents, et plus loin dans le jeu, lorsque Emma récupère le cristal comme à chaque fin de niveau, on a eu deux ou trois fois des bugs d’animation où ses yeux se détachaient de son corps pour partir dans les limbes de l’univers. Tout ceci fait tache, bâclé, et on a l’impression que les développeurs n’ont pas eu le temps de finir leur propre jeu. Bien triste.
Un soutien pour un résultat incompréhensible
Tandem n’a pourtant pas du tout été laissé à l’abandon. Premier réel jeu sur la scène professionnelle de Monochrome Paris, qui a jusqu’ici sorti de tous petits jeux tests, le studio n’est à la base pas du tout spécialisé dans les jeux vidéo. Pour ce premier gros jeu, il a été aidé par le CNC, la région Ile-de-France ainsi que son éditeur Hatinh Interactive.
Toutes ces entités ont pu réussir à produire un budget relativement confortable pour cette petite équipe de cinq développeurs, mais le résultat n’est pas là. Alors, qu’en est-il ? Est-ce que l’éditeur n’a pas laissé assez de temps au studio pour terminer son jeu, en leur mettant la pression sur une date de sortie ? Le jeu final nous donne un semblant de réponse à cette question.
En définitive, c’est le mot « dommage » qui nous vient en tête quand on pose la manette à la fin de Tandem: A Tale of Shadows. L’univers graphique a été bien au centre des préoccupations, avec toutes ces couleurs magiques qui donnent corps et identité au titre, ainsi qu’aux cinématiques qui sont pour le coup d’une finition soignée, et c’est aussi le cas de l’ambiance sonore. Et c’est là tout le problème, le jeu n’est pas fini, ça se ressent. Le rendu est grossier et nous laisse un arrière-goût amer en bouche. On se retrouve au final avec un jeu avec des bonnes idées, mais qui transpire le remplissage, et le produit fini nous ramène des années en arrière en termes de normes qualitatives.
Malgré tout, si vous êtes fan de puzzle-games, vous trouverez forcément votre compte, et si c’est ce que vous cherchez, foncez. On ne peut que vous recommander Tandem: A Tale of Shadows, qui arrivera sûrement à vous stimuler à ce niveau. Comme petit jeu annexe à vos gros titres du moment, il ne vous fera aucun mal.