Visual novel paru au Japon en 2022, Tales From Toyotoki s’offre aujourd’hui au public occidental. Une aventure textuelle digne de la saison estivale, partageant ses couleurs vives et véhiculant tout un imaginaire lié. Un imaginaire presque, voire absolument, stéréotypé tant il est depuis toujours partagé par les productions populaires japonaises de cette trempe, dont tout l’univers de l’animation ou du manga par exemple.
Au-delà de cela, le titre proposé par Fragaria plonge son participant dans une histoire de jeunesse, où bien évidemment nous attend une romance tout à fait caractéristique du genre. Un récit bien mené et digne d’intérêt ?
(Test de Tales from Toyotoki sur Nintendo Switch réalisé à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Une aventure de mots
Dans Tales from Toyotoki: Arrival of the Witch, c’est dans la peau d’un dénommé Hikaru que nous nous lançons à l’aventure. Quoique « partir à l’aventure » ne peut être tout à fait l’expression appropriée… Le seul voyage que l’on sera amené à effectuer sera, pour cause, assez passif, ce dernier ne se faisant qu’au travers un défilement textuel et une succession d’images fixes. La définition même du visual novel. Une configuration inhérente au genre donc qui posera néanmoins quelques problèmes assez rédhibitoires pour le “joueur” non accoutumé à l’anglais.
Sans cette maîtrise plus ou moins correcte, il sera évidemment peu conseillé de s’y plonger. D’une part, le suivi sera rendu impossible. Et d’autre part, il ne pourrait être question de tirer plaisir des dialogues qui ont lieu entre les divers personnages. À la vérité, au-delà des conversations entre les protagonistes, c’est tout l’univers de l’œuvre dont il est question. Tout ou presque est donné à lire : les situations, les enjeux, etc. Les descriptions sont nécessaires à la création de l’ambiance et indispensable à l’immersion.
Plutôt qu’un jeu, Tales from Toyotoki est donc plutôt à considérer comme un « objet textuel ». Certes, il y a quelques interactions entre le participant et le programme, seulement elles ne sont nullement essentielles à la progression. Ou, du moins, nous en avons pas eu cette impression. Contrairement, à d’autres productions de ce type, la passivité nimbe le récit. Ce qui est quelque peu dommage, d’autant qu’il y avait les moyens de créer un peu plus d’implication. D’ailleurs, certains passages semblaient ouvrir cette possibilité.
Mais, il n’en est rien. Tout ce à quoi doit se résoudre le joueur, c’est le choix de la route à prendre après avoir passé un prologue, qui s’impose par sa longueur, et d’autres actions dont on ignore réellement l’impact sur le récit. Autrement dit, ce qui prime dans Tales from Toyotoki, c’est ce qui est censé pourvoir tout son intérêt, à commencer par la forme.
Et visuellement, c’est plutôt honorable, même s’il existe quelques tares. Par exemple, on peut observer un certain manque de variété dans les postures des personnages ou expressions, lesquelles ne changent finalement pas vraiment. Ce qui peut légèrement irrité la vue. De même pour la composition musicale, qui, même si elle connaît quelques moments transcendants, reste somme toute passable.
Deux âmes perdues dans la nature
Pour l’histoire, c’est donc vers Hikaru qu’est dirigée notre attention. Ce dernier est envoyé sur l’île de Toyotoki sous le commandement de sa tante, qui délègue ainsi son rôle de tutrice au grand-père du héros. Mais, malheur à lui, l’aïeul est absent de ses terres. Errant en quête d’un abri, il rencontre ainsi celle qui lui donnera la réplique : une sorcière nommée Lilum, tout aussi fauchée mais non démunie de moyen de survie. Et c’est elle qui, dans un premier temps, comblera ce qui fait défaut à Hikaru, la force.
Ce qui est intéressant avec ce duo, c’est ce qui les unit. Ils sont tous les deux ce que l’on pourrait qualifier d’adolescent modèle, recélant un mal-être et un profond sentiment de rejet. Et il en est de même pour les autres personnages amenés à croiser leur route (ou presque). Dès lors, la direction que semble emprunter Tales from Toyotoki : aborder le mal que traverse la jeunesse, et ce, par le biais de plusieurs portraits.
Cependant, le problème est là : s’attaquer à un tel sujet n’est rien de plus banal. Prenons pour exemple, tous les jeux Persona ou encore toutes les productions shounen qui pullulent çà et là, anime et manga. C’est à vrai dire un lieu commun et un motif inhérent au genre. Et nous ne blâmerons pas ce manque d’originalité, d’ailleurs ce n’est certainement pas l’objectif, mais, tout de même, l’envie de se laisser bercer par ce qui nous est servi se perd systématiquement. Difficile de se laisser totalement séduire quand un sentiment de déjà-vu nous habite, n’est-ce pas ?
Et le magie opère malgré tout ?
Tales from Toyotoki est-il digne d’intérêt ? Premièrement, il est à préciser que ce qui vient d’être de relever ne déplaira pas forcément tous les publics. Certains se satisferont sans doute et en seront même ravis. Ensuite, même si le terrain nous paraît déjà foulé, on ne peut que louer l’exécution. L’histoire est pour cause bien amenée, bien rythmée, et ce, notamment grâce à la succession de points de vue. En alternant les pensées des personnages, Tales from Toyotoki offre ainsi de la diversité, dégageant par là toute exclusivité au héros principal, et instaure aussi un dynamisme certain renforcé par la multiplicité des voix.
Une sorte de polyphonie que l’on ne pourrait appréciée totalement si la tonalité véhiculée par les différentes personnalités n’étaient pas à la hauteur. Et, c’est un véritable point en la faveur du jeu. Certes, il lui manque une certaine touche d’innovation, mais il semble que la formule utilisée par Fragaria est assez bien maîtrisée.
Néanmoins, on le répète, il ne peut être que conseillé aux amateurs du genre, et, à fortiori, au public encore illusionné par la légèreté, voire la candeur. Pour les autres, la proposition risque quelque peu de détonner par sa teneur (exagéré) en mélodrame ou encore son héros dont la vertu appuyée est d’un commun qui fait sourire.
Tales from Toyotoki: Arrivals of the Witch offre un cheminement qui, sans sortir d’une sorte de zone de confort définissant ce genre de production, est assez agréable à suivre. Les personnages, se cantonnant ainsi à des types, restent néanmoins assez attachant.
Toutefois, nous pourrions reprocher quelque peu la direction prise. Le jeu explore des schémas déjà usités un grand nombre de fois, mais également usés. Il aurait en effet été bienvenue de se laisser à aller à quelques risques, tant dans les caractères des héros que dans la trame scénaristique.