Le rétrogaming… Que ce soit via la résurrection constante de titres antiques sur plateformes modernes, ou l’apparition de jeux récents arborant les codes des œuvres d’antan, la nostalgie est un aspect bien présent de notre univers vidéoludique actuel. Streets of Red appartient à la seconde catégorie, une catégorie qui aime à faire revivre la flamme des années 80-90 en recréant une ambiance et un gameplay évocateurs pour les joueurs que nous fûmes jadis, avec moult références aux pépites du passé destinées à faire dresser les oreilles du joueur attentif.
Ceci dit, n’est pas Final Fight ou Double Dragon qui veut. Et beaucoup se sont cassé les dents en tentant de faire revivre le genre beat’em up qui faisait les beaux jours des salles d’arcade avec leurs jeux difficiles, incitant le joueur à enfourner toujours plus de pièces de 10 francs dans les bornes pour progresser un peu plus loin et voir enfin la conclusion de sa lutte contre des forces bien supérieures en nombre. C’est pourtant le défi que se fixe Streets of Red, de son vrai nom, Streets of Red: Devil’s Dare Deluxe, version console un peu améliorée de Devil’s Dare PC. Alors, ça marche ou ça marche pas ? Allons de ce pas étudier le sujet.
Streets of Red – À l’ancienne, mais est-ce un bien ou un mal ?
Nostalgie, quand tu nous tiens
Que comprenons-nous de nos jours en évoquant le terme « beat’em up » ? Des jeux de baston aux graphismes plus ou moins léchés en 3D tels que les Bayonetta ou les innombrables Warriors (Dynasty, Hyrule, Samurai…). Mais pour les plus anciens d’entre nous (dont votre Humble Narrateur), le beat’em up, c’est du gros pixel, de la 2D, de la castagne souvent urbaine, une ambiance très 80’s et 90’s et de la distribution jouissive de mandales à tours de bras. Cet esprit d’antan (un conseil, trouvez-vous le film The Warriors pour comprendre le sens de ce genre), c’est ce que cherche à recréer Streets of Red. Il débute par une invasion de zombies au cours d’une convention de jeux vidéo, et le but va être de déglinguer joyeusement des hordes entières ainsi que leurs boss pour finalement mettre la main sur le fumier de lapin qui se trouve derrière cette catastrophe. En gros, c’est ça, et on le sait, personne ne joue à un beat’em up pour la profondeur littéraire de son script, donc celui de Streets of Red se suffit à lui-même et ne sert que de prétexte pour la baston, ce qu’on ne saurait lui reprocher. Passons pour entrer un peu plus dans le détail.
Le jeu vous propose de base quatre personnages parmi lesquels choisir, deux autres étant déblocables en faisant montre de hauts faits, et tous amènent une façon différente de profiter du gameplay. D’emblée, le ton du jeu est donné : chacun de ces personnages évoquera discrètement mais néanmoins indubitablement des références à l’amateur de retro-gaming. Allez, petit jeu : à vous de retrouver leur origine. Un chevalier en armure qui perd cette dernière quand il se fait toucher, et qui se bat avec un pelle ? Y’en a deux dans celui-là, attention. Ensuite, un ninja qui se bat avec deux saï (sorte d’armes à trois lames comme un petit trident) ? Une nana à queue de cheval qui se balade dans une armure appelée Magic Tech avec des griffes de métal et un rayon de glace ? Un type doté d’un bouclier orné et d’une épée, et qui délivre des attaques tournoyantes en guise de coup spécial ?
Les nuits des morts-vivants
Bien, si vous les avez tous, le jeu risque de vous plaire de par ses constantes références discrètes, car au-delà des persos, les niveaux aussi regorgent de petits clins d’oeil (le garage de Double Dragon avec les deux frères Lee crevés devant la porte au début d’un des stages n’est que l’un des multiples exemples). Tout cela bercera agréablement notre fibre nostalgique et notre passé vidéoludique, mais n’ayez aucune crainte si vous avez débuté le jeu vidéo avec Final Fantasy XV et n’avez pas conscience que d’autres oeuvres ont existé avant : il est totalement possible de profiter de Streets of Red sans passif JV, vous passerez juste à côté des petites touches de réminiscence. Bref, vous l’avez compris, les références sont un élément à la fois important et discret dans notre jeu, c’est un fait, voyons donc à présent, pour ne pas toutes les spoiler, d’un peu plus près ce qu’on aura entre les mains.
De base, Streets of Red propose un système assez original, centré sur 4 stages seulement, ce qui pourrait de prime abord ressembler à un défaut, sauf que là non. Car au-delà de ces lieux, le fonctionnement s’axe aussi sur le temps, qui influera sur les précédents. De fait, vous avez (de base) 10 nuits à survivre à l’invasion, et vous avez le choix entre chacun des 4 stages de l’ordre dans lequel vous souhaitez les faire. Mais le twist, c’est que ces stages s’allongent au fur et à mesure de votre progression, vous offrant des mini-boss et des parties de niveau inédits à chaque run. Ce qui prolonge la durée de vie du jeu de manière fort appréciable, surtout que vous n’obtiendrez pas forcément la « bonne fin ». Et ce, agrémenté par un aspect lui aussi particulier pour un beat’em up. En effet, le jeu vise ouvertement à recréer une certaine impression « bornes d’arcade d’antan », dans lesquelles il fallait engouffrer moult pièces de monnaie pour progresser toujours plus loin. Sauf que bon, là, une fois le jeu acquis, rassurez-vous, il n’y aura pas de micro-transactions pour acheter des continue.
Perma-die hard and retry
Au lieu de ça, vous allez devoir ramasser le plus de brouzouf possible dans des caisses ou sur vos ennemis vaincus, histoire de pouvoir, une fois envoyé ad patres, choisir de poursuivre votre aventure si le cœur vous en dit, mais attention, les tarifs augmentent vite, surtout en mode difficile. Et si vous n’avez ni les moyens, ni l’envie de continuer avec votre perso actuel, vous pouvez décider le game over, et du coup, on en vient à une autre spécificité intéressante de Streets of Red : le système de progression. À chaque palier atteint (en gros, après chaque nuit passée à survivre), vous aurez l’opportunité de faire évoluer votre personnage, en choisissant parmi 4 éléments de progression proposés, différents d’un héros à l’autre. Vous ne pourrez en choisir qu’un à chaque fois, donc réfléchissez bien à ce qui vous sera le plus utile. De l’énergie vitale supplémentaire ? Un jeton pour revivre en cas de décès ? De nouvelles attaques spéciales ? La liste est longue et change à chaque run. Super plaisant.
Bien entendu, tout ceci ne sera pas cadeau de la maison, donc il vous appartiendra de convenablement gérer vos finances, entre éléments de progression à acheter et continue dont nous parlions plus haut à négocier. Le jeu revêt ainsi un aspect permadeath très présent, puisque si vous ne ressuscitez pas votre personnage grâce à la thune acquise à la sueur de votre front, votre sauvegarde sera irrémédiablement effacée, et toutes vos caractéristiques durement gagnées avec elle. Ne vous attachez donc pas trop à votre perso et à ses évolutions : à moins de parvenir au bout du jeu, vous vous retrouverez plus dans Game of Thrones que dans Ash vs. Evil Dead.
On saluera le gameplay très bien foutu (et en toute simplicité) qui offre des hitbox très plaisantes, permettant de combotter les ennemis comme un cochon en les réunissant du même côté et en les coinçant contre le bord d’écran. Certains pourront déplorer éventuellement la fadeur visuelle du jeu, très oldie et qui oscille essentiellement autour de dégradés de gris et de verts, avec beaucoup de rouge pour souligner vos répandages sanguinolents. Un aspect qui se fait vite oublier, tant le jeu est addictif et pousse le gamer à rejouer toujours plus. Et cela va sans dire, beat’em up oblige : votre plaisir ne sera que décuplé si vous trouvez des copains avec qui jouer en co-op. Il vous faudra alors gérer plus de dépenses, mais cela vous offrira une meilleure couverture du terrain, en échange d’un plus grand nombre d’ennemis à affronter.
Conclusion Streets of Red
Pour qui a aimé le genre beat’em up antique, avec des grands noms comme Streets of Rage, Cadillacs and Dinosaurs, Final Fight et autres Alien vs. Predator (on ne va pas tous les lister sous peine d’y passer la nuit), Streets of Red est un excellent divertissement. Il reprend avec efficacité les codes des jeux d’antan en parsemant l’aventure de références chères au développeur, tout en apportant ses petits plus sur la table pour ne pas refourguer une énième copie. Système de progression, système de permadeath, stages à choisir qui s’allongent selon la période à laquelle vous les parcourez… En dépit de son choix graphique de teintes un peu fades, Streets of Red saura contenter l’amateur de beat’em up, et devrait rejoindre d’autres titres à la fois similaires et différents récents du même style, tels que Scott Pilgrim ou Castle Crashers, dans la ludothèque du bastonneur rétro-moderne.